Avec la parution du 12e Kid Paddle, Panic Room, le bédéiste belge Midam a entrepris une tournée de promotion de quatre mois digne d'une vedette de rock. Elle se termine cette semaine au Salon du livre de Montréal.

Kid Paddle est né en 1993 dans le Journal de Spirou et le premier album a été publié en 1996. Sept millions de livres vendus, des séries télévisées et des dizaines de produits dérivés plus tard, il fête cette année ses 18 ans.

Mais le petit héros de Midam, maniaque de jeux vidéo, amateur de gore et grand réalisateur de coups pendables, n'a pas pris une ride. Il s'est même dédoublé dans Game Over, où Petit Barbare, son avatar, arpente le monde virtuel des jeux en combattant des monstres ignobles et risibles et où la princesse finit presque toujours écrasée sous une roche. Le septième numéro sortira fin novembre.

«Ah non, il ne faut pas qu'il vieillisse, sinon ça voudrait dire la mort. Et je déteste les choses qui finissent. Je voudrais que Kid Paddle soit éternel.» Le bédéiste de 48 ans aime l'idée que Kid Paddle pourra lui survivre. C'est pourquoi il a voulu un héros intemporel, sans références à l'actualité, qui résiste aux modes du moment. Même s'il joue aux jeux vidéo.

«Kid vit dans une autre dimension, la sienne. La console, c'est celle que j'ai inventée, mais elle n'est pas associée à une marque précise. Comme la voiture de Donald n'est ni une Ferrari ni une Volvo, mais la voiture de Donald.» Son approche est la même avec le langage: Kid parle un français très correct. «Il ne parle pas en jeune. Les bédéistes qui font ça le regretteront, car dans quelques années, leurs bédés seront démodées.»

Maître de sa destinée

C'est un Midam sérieux -de son vrai nom Michel Ledent- que nous avons rencontré. À la tête depuis deux ans de la maison d'édition Mad Frabric, il est maintenant maître de sa destinée après toutes ces années passées chez Dupuis, une très grosse boîte.

Bien sûr, il s'amuse encore à dessiner et à scénariser ses petites histoires. Il rigole par exemple en parlant des gags récurrents chez Kid Paddle, comme ses tentatives toujours avortées d'entrer au cinéma pour voir des films d'horreur, les jouets de sa soeur martyrisés, ou son fantasme du père superhéros. Mais on détecte surtout un artiste au sommet de sa popularité... qui prend les moyens pour y rester.

«De nos jours, les gens ne sont plus prêts à attendre un an, deux ans avant d'avoir une nouvelle BD, alors que c'était encore possible il y a 10 ans. Le rythme de parution s'est beaucoup accéléré.» C'est dans cette optique que Game Over a été créé: garder une présence constante sur les tablettes des librairies, puisque chaque Kid Paddle, colonne vertébrale de Mad Frabrik, demande un an de travail.

«Kid, c'est ma chasse gardée, c'est moi qui le fais aux trois quarts.» Mais pour les Game Over, il s'est entouré de collaborateurs choisis après avoir lancé un appel à ses lecteurs (il a reçu 11 000 gags!). Certains des meilleurs travaillent maintenant avec lui et cosignent les albums. «Game Over conserve bien sûr la griffe Midam. D'autres ont fait ça, comme Payot avec les Schtroumpfs. Ç'a aussi été le génie de Disney, de trouver le génie chez les autres.» Midam peut ainsi de «démultiplier»: en 2012, il lancera un autre Game Over, un Greeny et un 13e Kid Paddle.

Malgré tout, son travail en est un de détails et d'idées géniales. Certaines ébauches peuvent rester dans ses carnets de croquis pendant des années. «Si le scénario n'est pas au point, ça ne vaut pas la peine.» Il en fait d'ailleurs l'exercice avec Game Over, ou Petit barbare se promène dans un monde sans paroles. «Il faut le bon rythme, la manière, le regard. C'est une équation pure.»

Kid Paddle n'est donc pas près de s'éteindre, son papa veille au grain. Il continuera avec le même sérieux à créer ses histoires légères peuplées de monstres baveux et d'explications farfelues: si l'école n'est pas le lieu préféré de Kid Paddle, l'imagination débridée y est à l'honneur. Mais loin de lui l'idée de faire de son héros un modèle. «On est quand même là pour rigoler. Moi je le trouve sympa, Kid. Je m'entendrais bien avec des gens comme lui!»

Midam sera en séance de dédicaces tous les jours au stand de Hachette.