Les catalogues d'exposition sont rarement primés dans les concours mais Marc-Aurèle Fortin - L'expérience de la couleur n'est pas votre catalogue ordinaire. À preuve: pour «son originalité et son audace», l'ouvrage publié aux Éditions de l'Homme a reçu hier le prix Marcel-Couture, en ouverture du 34e Salon du livre de Montréal.

«Recherche minutieuse», «travail biographique de fond», «essai d'une grande pertinence», a écrit le jury sur cet ouvrage collectif dirigé par Michèle Grandbois, conservatrice de l'art moderne au Musée national des beaux-arts du Québec.

L'équipe réunie par Mme Grandbois comptait Richard Foisy, fondateur du Centre de recherche sur l'Atelier de l'Arche du Vieux-Montréal (1900-1925); François-Marc Gagnon, professeur émérite à l'Université de Montréal et spécialiste de la culture visuelle canadienne; Sarah Mainguy, étudiante en maîtrise à l'UQAM qui a longtemps travaillé au Musée Marc-Aurèle Fortin, intégré depuis au Musée des beaux-arts de Montréal; et Esther Trépanier, directrice générale du Musée national des beaux-arts du Québec et lauréate du prix Raymond-Klibansky pour Peinture et modernité au Québec 1919-1939.

En plus des efforts pour «interroger plus avant la 'légende' Fortin», le jury a voulu «récompenser la qualité d'édition exceptionnelle» du livre illustré de plus de 150 peintures aquarelles, eaux-fortes et pastels du célèbre paysagiste (1888-1970), vaste corpus qui s'insère, lit-on encore, dans un «parfait équilibre entre les images et les mots».

Michèle Grandbois était la commissaire de l'exposition Marc-Aurèle Fortin - L'expérience de la couleur, présentée au Musée national l'hiver dernier puis à Kleinberg, en Ontario. «L'exposition s'est avérée un succès sur toute la ligne», nous dira Mme Grandbois en soulignant le fait, assez rare, que l'éditeur avait dû procéder à une deuxième impression pour répondre à la demande. «Notre catalogue, a souri la commissaire, est un best-seller». Et à un prix abordable (49,95$).

Les autres ouvrages en lice étaient La Mort - Mieux la comprendre et moins la craindre pour mieux célébrer la vie de Richard Béliveau et Denis Gingras (Trécarré), Le Bonheur de cuire de Philippe Laloux (Québec Amérique) et Les Premiers Juifs d'Amérique - 1760-1860 - L'extraordinaire histoire de la famille Hart de Denis Vaugeois (Septentrion).

Les auteurs de L'expérience de la couleur se partagent la bourse de 5000$ du prix Marcel-Couture, nommé en l'honneur d'un ancien président du Salon du livre de Montréal.

Cécile Gagnon, la rebelle

Plus tôt dans cette première journée du Salon, pendant qu'India Desjardins dédicaçait des exemplaires du huitième et dernier Aurélie Laflamme, Cécile Gagnon, elle, remettait pour une quinzième fois le prix auquel elle a prêté son nom. Depuis 1996, en effet, l'Association des écrivains québécois pour la jeunesse décerne le prix Cécile-Gagnon à l'auteur d'un premier roman pour la jeunesse.

«Les mots de votre langue sont vos meilleurs amis», a lancé Mme Gagnon aux auteurs jeunesse réunis au Salon pour assister à la remise de la bourse de 1000$ à Marc-André Pilon, de Montréal, qui vient de lancer La revanche du Myope, aux Éditions de Mortagne. Les deux autres finalistes étaient Matthieu Legault de Châteauguay (Léonardo, Éditeurs réunis) et Maryse Peysken de Ste-Catherine (L'école des gars, Dominique et Cie).

 L'AEQJ tenait aussi un concours de nouvelles à l'intention des auteurs de 15 à 20 ans sur le thème Le camping... ça me tente! La lauréate Catherine Ducharme de St-Félix de Valois verra sa nouvelle Rêve de campeur publiée dans le prochain recueil de l'AEQJ, en plus de profiter d'un «parrainage» de Cécile Gagnon, la doyenne des écrivains jeunesse du Québec qui fête cette année 50 ans de création.

«Écrire des histoires pour les enfants, au début des années 60, les gens trouvaient ça niaiseux», dira plus tard Mme Gagnon à La Presse en rappelant qu'elle avait publié son premier roman, La pêche à l'horizon (Pélican) en 1961, peu avant la mort de son père, Onésime Gagnon, alors lieutenant-gouverneur  du Québec.

Homme lettré, l'ancien ministre des Finances de Maurice Duplessis pouvait se mettre à parler latin à table avec son fils aîné, lit-on par ailleurs dans Parcours d'une rebelle, le «récit d'enfance» que Cécile Gagnon vient de lancer aux Heures bleues, avec photos collées à la main, etc. : de la belle ouvrage.

Cécile, la cadette, est allée chez les Ursulines, comme toutes les filles de bonne famille mais son esprit rebelle cadrait mal avec l'approche pédagogique des «mères» et il fallu l'intervention personnelle de Mgr Parent, le futur président de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec, pour que la petite Gagnon puisse se présenter aux examens du bac.  

Privilège de fille de riches qui n'en devra pas moins se battre pour faire sa place dans le monde de l'écriture, de tout temps dominé, on le sait, par les paumés, les «drop-out» et les ayant-peu.