Né en 1986 à Douala au Cameroun, Max Lobe vit en Suisse depuis huit ans. Lauréat du Prix de la Sorge en 2009, bercé dans son enfance par la littérature et les contes négro-africains, il a publié un premier récit, L'enfant du Miracle, en 2011. En janvier 2013, il publie son premier roman, 39 rue de Berne, pour lequel il a reçu le Prix du Roman des Romands (l'équivalent suisse du Goncourt des lycéens).

En tant qu'écrivain, est-ce que vous considérez Montréal comme une ville qui nourrit l'inspiration?

Ce sera ma première visite en territoire nord-américain et à Montréal, qui est une ville dont je ne possède qu'une connaissance historique. De Montréal, je connais l'arrivée des paysans au début du XXe siècle, en pleine ère industrielle, et l'invention du joual par les femmes. Je la connais aussi par ce que me racontent des amis qui y vivent. Et bien sûr, j'ai une idée de cette ville par Michel Tremblay et la pièce Les Belles-soeurs, que j'ai vue il y a quelques années sur France 2. Récemment, j'ai eu l'occasion de voir les merveilleux films Mommy et Tom à la ferme, de Xavier Dolan. J'ai une connaissance générale de la question de l'indépendance du Québec, du «Vive le Québec libre», des sujets par lesquels je me sens assez concerné, en tant que Camerounais, puisque nous avons aussi une expérience des mouvements d'accès à l'indépendance.

Décrivez votre appartenance à la francophonie.

Comme Camerounais, je peux témoigner que la francophonie a souvent été présentée comme parisienne, puisque la capitale française est encore perçue comme le «centre» ou comme une sorte de référence absolue. Mais en réalité, la Francophonie incarne un immense patrimoine, puisqu'elle est la deuxième organisation mondiale après l'ONU, en termes de pays membres. Cela dit, quand on est auteur, Paris est un passage obligé. Il s'agit bien sûr de la capitale de la France et d'une ville importante, mais il est quand même dommage de tout concentrer à Paris. En Suisse, où je vis, il y a plusieurs expressions courantes, qui ne sont pas utilisées en France, et c'est la même chose pour le français qui est parlé au Cameroun, par exemple.

Il y a quelques semaines, je rendais visite à ma mère qui vit désormais à Nyon, au sein de la communauté camerounaise. Chaque fois que je me retrouve dans la communauté, je retrouve des expressions savoureuses, qui révèlent la spécificité culturelle. Par exemple, il y a «misérer» ou encore «le pays est caillou», des expressions qui surgissent dans les discussions sociopolitiques. Dans une cinquantaine d'années, je pense que ce sont les pays africains qui vont réussir à tenir le flambeau de la démocratie, à condition d'investir davantage pour l'éducation des femmes et de mettre en valeur les influences et nuances locales. Personnellement, j'embrasse la culture genevoise et romande, en n'oubliant pas que je suis bantou. C'est quelque chose qui m'est permis en Suisse. Mais je ne sais pas si en France, j'aurais tout autant la possibilité de rester moi-même.

Pensez-vous que le français que l'on écrit et que l'on parle à Montréal évolue en s'ouvrant sur le monde?

Je crois que pour survivre, une langue ne doit pas être statique. Je ne comprends pas le snobisme qui fait que l'on choisit telle culture, telle civilisation, comme références langagières. À Genève, j'ai beaucoup d'amis qui ajoutent un peu d'allemand dans leur français, ou sortent des expressions comme «über chaud» ou «über festif». C'est normal, puisque Berlin, aujourd'hui, est une capitale jeune et du coup, la langue allemande gagne en importance et se retrouve dans le français. En revanche, quand j'apporte mon influence camerounaise dans mon français parlé, j'ai l'impression qu'on fait la grimace.

À votre avis, quels sont les auteurs «phares» de la littérature montréalaise, à l'heure actuelle?

Je ne connais que Michel Tremblay et Dany Laferrière! Une grande part de mes influences littéraires vient des auteurs qui regardent vers le sud. Et Dany Laferrière, comme plusieurs de ces écrivains, décrit un parcours de ceux qui arrivent du Sénégal, du Cameroun, du Congo. Quand je lis un texte de Dany, j'y retrouve le regard d'un Haïtien qui effectue une sorte de «scan» de la société québécoise. Ses titres (L'énigme du retour, Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer...) révèlent aussi quelque chose d'intéressant. Michel Tremblay, qui aborde la question homosexuelle sans être forcément militant, m'intéresse aussi beaucoup, en tant qu'auteur.

Qu'est-ce qui relie la littérature montréalaise à celle des autres lieux de la francophonie?

J'y trouve une volonté de prendre la parole au nom des plus faibles, comme dans le cas des Belles-soeurs, notamment. Dany Laferrière, lui aussi, donne la parole aux plus faibles, mais est-ce le cas pour l'ensemble de la francophonie française? Je n'en ai pas l'impression.

En terminant...

Pour moi, participer au Salon du livre de Montréal, c'est comme un rêve, parce que c'est l'un des plus grands du monde. C'est un réel honneur pour moi de me retrouver aux côtés des Michel Tremblay, Katherine Pancol... J'espère aussi avoir la possibilité de visiter Montréal, de me coller aux vraies gens, d'aller dans les bars, de boire une bière et discuter de la vie de tous les jours!

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Max Lobe participera à Exercices d'admiration, vendredi à 17 h, sur la scène Radio-Canada, à la table ronde La bibliothèque des auteurs, samedi à 14 h 30, à l'Espace Archambault, et à Confidence d'écrivain, samedi à 14 h, à la Place Confort TD.