Dès la publication de son premier polar, Martin Michaud, invité d'honneur au Salon du livre, s'est imposé comme l'un des meilleurs écrivains du genre au Québec. Avec son deuxième, La chorale du diable, qui a reçu cet automne le prix Saint-Pacôme du meilleur roman policier, il prouve qu'il est là pour rester.

Il y n'y a pas si longtemps, Martin Michaud travaillait comme avocat spécialisé en droit des technologies d'information pour une grande société. Il avait une vie stable, deux enfants, une blonde, un bon salaire. Les soirs ou les week-ends, quand toutes ses obligations étaient remplies, il écrivait, «en dilettante» confie-t-il. «J'avais ce sentiment que je ne m'accomplissais pas. Et cette insatisfaction, cette impression que j'avais quelque chose en moi que je ne me donnais pas la permission de libérer. Mon côté qui s'adonnait à l'écriture était enfermé dans une petite boîte.»

Plus jeune, ce grand admirateur de Paul Éluard avait pourtant écrit des poèmes, des paroles de chansons (qu'il interprétait avec son groupe, M-Jeanne, en s'accompagnant à la guitare), et même deux romans très ambitieux dont un qui n'est jamais sorti de ses tiroirs («C'était franchement mauvais!») et un deuxième refusé par tous les éditeurs à qui il l'avait envoyé. Il se serait découragé, n'eût été cette lettre d'un monsieur de la maison La Dilettante, éditeur d'Anna Gavalda. «Ce que j'en avais compris, en gros, c'est que je savais écrire. Mais qu'il ne voyait pas de débouchés commerciaux pour mon livre. Ça m'avait quand même encouragé.»

L'auteur, qui a grandi à Beauport, en banlieue de Québec, a donc mis de côté ce manuscrit «complètement déjanté, à la sauce Boris Vian». Et il s'est dit qu'étant lui-même amateur de polar, il pourrait peut-être, pourquoi pas, s'essayer au genre. «J'ai retrouvé dans mon ordinateur un vieux dossier qui traînait depuis longtemps. Il contenait des notes prises pour un personnage que j'avais appelé Victor, et qui était policier pour le SPVM...»

Ainsi est né l'inspecteur Victor Lessard, héros d'Il ne faut pas parler dans l'ascenseur (prix Coup de coeur du public de Saint-Pacôme 2010) et de La chorale du diable (Prix Saint-Pacôme du roman policier 2011), tous deux publiés aux éditions La Goélette. Un personnage qu'on a d'emblée admis dans le groupe très sélect des inspecteurs fétiches made in Quebec, au côté des Maud Graham (Chrystine Brouillet), Daniel Duval (Jacques Côté), Stan Coveleski (Maxime Houde), Benjamin Sioui (Benoit Bouthillette), André Surprenant (Jean Lemieux) et quelques autres.

Invité d'honneur au Salon du livre de Montréal, Michaud apprécie sa chance. Même s'il sait qu'il ne l'a pas volée. «J'aurais aimé publier plus jeune. Mais je n'étais pas un surdoué comme Xavier Dolan, que j'admire beaucoup. J'avais 38 ans quand mon premier roman est paru. Aujourd'hui j'en ai 40. Pourtant, rétrospectivement, je suis content de la façon dont les choses se sont déroulées.»

Expérience utile

Car il s'est rendu compte, entre autres, que pour réussir à opérer cette machinerie complexe qu'est le roman policier, son expérience de travail lui était d'un précieux secours. «Dans mon boulot, j'ai à écrire des contrats très compliqués, qui peuvent faire jusqu'à 150 pages. Un contrat, c'est une mécanique. Rien n'est laissé au hasard et il ne faut pas se tromper. C'est la même chose pour le polar. C'est comme si j'avais enfin trouvé le point de jonction entre mon métier d'avocat et mon travail d'écrivain.»

C'est ainsi qu'en deux petites années, Martin Michaud est devenu un pro du polar. «Avis aux écrivains désireux de faire leur marque dans le polar québécois: voilà l'exemple (presque) parfait pour atteindre la notoriété souhaitée», écrivait dans la revue Alibis (mai 2012) notre collaborateur Norbert Spehner, expert en la matière.

Martin Michaud a fait sa marque en concoctant des enquêtes réalistes auxquelles il ajoute une petite touche surnaturelle, un peu comme le fait Fred Vargas. En transformant des intrigues complexes en véritables «page turner». Et en mettant Montréal à l'honneur, dans toute sa splendeur un peu glauque.

Parfois, comme c'est le cas dans La chorale du diable, la fiction rejoint la réalité. Par exemple, on y raconte un drame familial sanglant qui n'est pas sans rappeler d'autres drames qui ont fait les manchettes ces dernières semaines. «Bien sûr, dit Michaud, il m'est arrivé de me demander si j'avais le droit d'imaginer, dans un roman censé divertir, des tragédies qui pourraient ressembler à des faits réels. Mais pour moi, conclut-il, le malheur fait partie de la vie. Il ne faut pas se cacher la tête dans le sable et faire comme si ça n'existait pas. Et un roman policier, c'est aussi ça: un regard posé sur la société à une époque donnée.»

Avis aux intéressés: le troisième polar de Martin Michaud est déjà bien entamé. Nous n'aurons pas à attendre trop longtemps le retour de Victor Lessard. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, si tout se passe comme prévu, nous pourrons voir Lessard évoluer au petit écran avant longtemps. Car une série de 10 épisodes est en chantier. Croisons-nous les doigts. Car ça risque de frapper fort.

Martin Michaud sera en séance de dédicace demain, dimanche et lundi au stand de La Goélette (546). Il participera à la table ronde «La part de l'ombre» demain à 12h30, et se confiera à Laurent Laplante dimanche à 16h30.