Entre son tout premier album, La pêche à l'horizon (1961), couronné du prix du Grand Jury des lettres de Montréal, et son dernier roman, Justine et Sofia au pays des bleuets (Soulières éditeur), Cécile Gagnon a publié 130 titres pour la jeunesse. Écrivaine infatigable, traductrice, mentor, elle a donné son nom à un prix décerné annuellement à l'auteur d'un premier roman pour la jeunesse. Elle a participé à la création d'organismes faisant la promotion de la littérature québécoise pour la jeunesse comme Communication-Jeunesse et l'Association des écrivains québécois pour la jeunesse. On lui doit également des anthologies de contes traditionnels.

Avec les nouvelles technologies et l'arrivée des médias sociaux (Facebook, Twitter, blogues...), le métier d'écrivain a-t-il beaucoup changé?

Je ne pense pas que le métier d'écrivain ait changé à cause des façons nouvelles de communiquer. Ce qui a changé, c'est la façon d'utiliser les mots de sa langue. Écrire un roman et écrire un message, c'est bien différent. Avec toutes les abréviations et les raccourcis des courriels, par exemple, on est loin de la musicalité des phrases! On s'appauvrit.

La littérature est-elle encore le miroir de son époque?

Certainement, la littérature traduit l'époque d'où elle émane. Dans nos oeuvres de fiction, on retrouve en résumé les préoccupations des gens d'ici, jeunes et vieux. À titre d'exemple, quelques écrivains ont repris les événements d'octobre 1970 pour en raconter les péripéties aux jeunes lecteurs d'ici. Ces ouvrages leur donneront un aperçu de notre passé récent.

Pour moi, l'image que la littérature d'aujourd'hui donne aux lecteurs: beaucoup de violence et d'impudeur. C'est bien notre époque.

Quels sont les enjeux de notre époque qui vous touchent et vous inspirent?

L'enjeu qui me touche le plus est surtout la prise en mains par les femmes d'ici de leur avenir, celui des jeunes filles en premier lieu. Quand je pense aux minces possibilités d'épanouissement réservées aux filles du siècle dernier, comme ma mère, je vois bien que les progrès accomplis sont énormes. Et ça continue.

À l'ère de la haute vitesse et des communications instantanées, pourquoi prendre le temps de lire et d'écrire?

Quelle question! Les communications instantanées permettent-elles des retours et des approfondissements? J'en doute. Prendre le temps de réfléchir à des thèmes porteurs et de trouver les mots pour les exprimer ne peut que contribuer à rendre la vie meilleure. Assis sur un banc dans un parc, un écrivain travaille: il observe les visages, les arbres, les gestes des uns et des autres; il écoute les bruits, les voix, les silences. Le lecteur et l'écrivain ont tous deux besoin de ce temps précieux qui leur permet de sortir du quotidien.

L'avenir du livre passe-t-il par l'édition numérique?

Sans doute que l'édition numérique changera tout, mais je ne me sens pas concernée. Par mes mots, je cherche à rejoindre les jeunes lecteurs en leur faisant éprouver des émotions qui font avancer et qui aident à vivre. Que mes paroles empruntent des chemins nouveaux pour arriver jusqu'à eux est la responsabilité de mes éditeurs. Pour le moment, en tout cas, cela ne change en rien ma façon d'écrire.

Danielle Vaillancourt s'entretient avec Cécile Gagnon mercredi, 10h30, au Carrefour Desjardins. L'écrivaine sera aussi à L'heure du conte en pyjama dimanche, 9h30, à la Grande Place.