Elle a le prénom d'une princesse scandaleuse qui obtint la tête de saint Jean-Baptiste sur un plateau d'argent. Mais Salomé Leclerc n'est ni scandaleuse ni portée sur la décapitation. Ses parents, deux purs boomers de Sainte-Françoise-de-Lotbinière - le père, un technicien forestier et la mère, une conseillère chez BMR -, lui ont donné ce prénom pour sa musicalité. Pas pour ses références bibliques.

Or, s'il fallait trouver un lien quelconque et obscur entre la Salomé des Évangiles et la benjamine de Normand Leclerc et de Louise Roux, ce serait que les deux Salomé savent charmer leur auditoire et s'attirer les récompenses. C'est plus qu'évident depuis quelques semaines pour Salomé Leclerc, qui n'est pas encore très connue du grand public et qui doit se tailler une place entre les Fanny Bloom, Marie-Pierre Arthur, Mara Tremblay et Klô Pelgag, sans oublier Coeur de pirate et Ariane Moffatt, à qui on la compare souvent.

Mais Salomé se tire bien d'affaire. Coup sur coup, elle vient de remporter le prix Félix-Leclerc de la chanson, le prix Rapsat-Lelièvre qui souligne la qualité de son deuxième album, 27 fois l'aurore, et une nomination au Prix de la chanson SOCAN, qui sera remis cet automne.

Bercée par la musique

En parcourant le CV de cette auteure-compositrice-interprète de 29 ans qui n'a pas de lien - du moins direct - avec Félix Leclerc, on découvre que non seulement elle a couru les concours et les compétitions, mais elle les a souvent remportés : finaliste à Secondaire en spectacle puis à Cégeps en spectacle, Bourse Rideau, prix Miroir, Salomé Leclerc a le profil d'une gagnante. Pourtant, quand je la rencontre dans la salle de presse des FrancoFolies, elle me fait l'effet d'une jeune fille douce et charmante qui se laisse porter par le vent. 

Avec ses beaux yeux verts, sa silhouette de brindille, sa voix posée, elle n'a rien de la battante. Pourtant, elle avoue d'entrée de jeu qu'elle est déterminée à faire de la musique et à écrire des chansons. Sa détermination semble bien réelle.

« La musique, dit-elle, ça fait partie de mon ADN et de celui de ma famille, et cela, même si mes parents ne sont pas musiciens. Ils ne jouent d'aucun instrument, mais ils étaient, et sont encore, fous de musique. Il y avait constamment de la musique qui jouait à plein volume chez nous, même quand mes deux frères et moi étions enfants. »

Ce qui jouait à plein volume dans la maison des Leclerc, au milieu d'un village de 400 habitants, ce n'était pas des comptines. Les albums de Noir Désir, Metallica, Led Zeppelin et AC/DC étaient parmi les préférés de ses parents. Tout comme les albums de Charlebois et Ferland.

À 10 ans, la petite Salomé reçoit une batterie et devient la batteuse officielle du groupe de ses deux grands frères. Que ces gamins de 15 ans aient accepté de faire de la musique avec leur petite soeur sans protester est tout à leur honneur.

« J'ai été très proche et très collée à mes frères jusqu'à ce qu'ils partent au cégep. Grâce à leur influence, j'ai appris non seulement à jouer de la batterie, mais aussi de la basse, de la guitare et du piano. »

À 14 ans, Salomé écrit sa première chanson : une pièce un peu mélancolique intitulée Vent d'ailleurs et sans doute inspirée par Le vent nous portera de Noir Désir, parue en 2001 et qu'elle interprétera d'ailleurs des années plus tard lors d'une prestation à Belle et Bum. Elle affirme qu'elle a ressenti à ce moment-là le besoin d'écrire. Mais c'était dans les faits un besoin bien pragmatique. Elle venait de s'inscrire à Secondaire en spectacle et, pour y participer, elle devait à tout prix y présenter une chanson de son cru.

Cette année-là, elle s'est rendue à la finale du concours avec une dizaine d'autres concurrents. À la télé, Star Académie venait d'ouvrir ses portes. Salomé Leclerc a suivi les premières saisons de l'émission, mais sans nourrir l'ambition d'y participer. Comme si l'univers musical populaire proposé par Star Académie appartenait à une autre planète que la sienne.

L'année suivante, elle entre au programme Art et technologie des médias du Cégep de Jonquière. « Bizarrement, dit-elle, c'était pour apprendre un métier derrière la caméra, que ce soit comme camerawoman, ingénieure du son ou réalisatrice. J'adorais faire de la musique, mais pas me retrouver devant une caméra. Je sais que c'est paradoxal pour une interprète, encore qu'il y a une différence entre la scène, avec laquelle je me sens très à l'aise, et une caméra. »

Signes encourageants

Après le cégep, Salomé s'est établie à Montréal où elle a déniché un emploi de technicienne dans une agence de marketing de mode. Un an plus tard, pourtant, elle prend ses cliques et ses claques et se retrouve sur les bancs de l'École de la chanson de Granby avec Monique Fauteux et Robert Léger comme profs.

En réalité, les choses commençaient à vraiment débloquer pour elle sur le plan professionnel. L'équipe de production et de gérance de Pierre Lapointe avait démontré un intérêt certain pour la belle enfant. Elle signera avec les Productions Autrement quelques années plus tard.

En 2011, elle sort son premier album, Sous les arbres, très bien accueilli par la critique et le milieu, et qui s'écoulera à 10 000 exemplaires, ce qui est énorme pour une nouvelle venue. Puis, elle part en tournée pendant deux ans au Québec et surtout en Europe, ce qui, encore une fois, est un exploit pour une fille qui vient à peine de mettre le pied dans le milieu.

La tournée culminera en octobre 2013 avec une invitation à faire la première partie de Pascal Obispo, trois soirs de suite à l'Olympia de Paris.

« Je pense que ç'a été le plus beau moment de toute ma carrière jusqu'à ce jour, dit Salomé. Non seulement la France est arrivée tôt dans le processus, mais me retrouver à l'Olympia, c'était extraordinaire », dit celle qui a toujours cherché des signes l'encourageant à continuer dans la chanson et qui a fini par en trouver des tonnes.

Salomé Leclerc aura 30 ans l'année prochaine. Je lui demande ce que je demande souvent à des artistes qui sont en plein élan comme elle. Où se voit-elle dans 10 ans ? Habituellement, la question est suivie d'une hésitation ou d'un silence perplexe. Ce n'est pas donné à tout le monde de se projeter dans le temps. Mais Salomé semble déjà avoir prévu la suite des choses. Dans 10 ans, elle se voit faire de la musique et de la scène comme aujourd'hui. Mais en plus, elle aimerait réaliser ses prochains albums et, pourquoi pas, ceux des autres.

S'ajoute à cela ce qu'elle qualifie de rêve intense : passionnée de vin, elle rêverait d'avoir son propre vignoble. « Je sais que c'est un peu intense, mais pourquoi s'empêcher de rêver ? » Pourquoi, en effet, d'autant plus qu'il est d'ores et déjà assuré que le vent portera Salomé Leclerc là où elle voudra bien aller.

Salomé en six dates

• Naît en 1986 à Sainte-Françoise-de-Lotbinière, la cadette des trois enfants d'un technicien forestier et d'une conseillère chez BMR.

• À 10 ans, joue de la batterie dans le groupe de ses deux frères.

• Lance son premier album, Sous les arbres, en 2011 et reçoit un prix de la SPACQ.

• En octobre 2013, chante en première partie de Pascal Obispo à l'Olympia de Paris.

• Remporte le prix Félix-Leclerc de la chanson et le prix Rapsat-Lelièvre pour la qualité de son deuxième album, 27 fois l'aurore.

• Promise à un bel avenir.