Alain Lefèvre n'a pas donné de concert consacré uniquement à ses compositions depuis neuf ans. Il les présente ce soir à la Maison symphonique dans le cadre de Montréal en lumière. Souvent, ces oeuvres ont été inspirées par des rencontres ou des moments marquants. Plusieurs d'entre elles ont une belle histoire. Le pianiste partage aujourd'hui trois d'entre elles avec nos lecteurs.

Un ange passe

«Je devais jouer une oeuvre de Franz Liszt, Totentanz, avec l'OSM. J'avais été engagé par Charles Dutoit plus d'un an à l'avance. Juste avant la première répétition, le téléphone a sonné en pleine nuit. On m'a annoncé que mon père venait de mourir. Apprenant la nouvelle, les gens de l'OSM m'ont proposé d'annuler le concert. J'ai répondu que mes parents avaient fait beaucoup de sacrifices toute leur vie pour que je puisse faire de la musique, et que le meilleur moyen de rendre hommage à mon père serait de monter sur scène. Ce que je n'avais pas prévu, c'est que l'un des premiers instruments que l'on entend clairement dans cette oeuvre est un solo de clarinette. Or, mon père était clarinettiste. J'ai trouvé cela très difficile. Je suis rentré à la maison et je me suis dit que le seul moyen d'exorciser mon chagrin serait de composer quelque chose. J'ai donc écrit Un ange passe. Car quelque part, pour moi, mon père était un ange.»

Dis-moi tout

«Je travaille beaucoup avec les jeunes en difficulté. Un jour, j'ai été informé de l'histoire d'un petit garçon qui souffrait beaucoup moralement à cause de son père. Alors que j'allais partir de ce centre pour les jeunes où j'étais bénévole, l'enfant est venu me voir. Il attendait que son père vienne le chercher. Malgré toutes ses souffrances, il voulait voir son père. Et moi, je savais tout ce qu'il avait enduré. Il m'a dit: «Alain, tu sais, mon père m'aime, là?» Un intervenant du centre m'a ensuite expliqué que tout ce que cet enfant voulait entendre, c'était que son père l'aimait. Ça m'a inspiré une pièce qui s'appelle Dis-moi tout. Parce que dans la vie, le temps passe et il y a plein de choses que l'on n'arrive plus à dire. Nous sommes prisonniers d'un carcan. Dis-moi tout, ça représente ce que l'on voudrait entendre, ou ce que l'on voudrait dire sans en être capable.»

Thalassa

«J'étais sur une île, en Grèce, où j'avais visité un petit village perché sur une montagne. Il y avait une cloche dont le son était vraiment beau. Plus tard, après un concert, j'ai rencontré deux jeunes hommes, des frères, qui m'ont raconté leur histoire. Leur père, un pêcheur, avait un jour décidé d'aller en mer sur son petit bateau, malgré la mise en garde de ses fils qui savaient que l'on annonçait de grands vents. Quand la Méditerranée se déchaîne, elle est d'une force incroyable. Le pêcheur s'est perdu en mer pendant trois jours. C'est uniquement grâce au son de la cloche qu'il a réussi à se guider pour retrouver son île. Épuisé par sa bataille contre la tempête, il est mort dans les bras de ses fils. C'est en apprenant cette histoire que j'ai composé Thalassa, qui représente de grandes vagues pianistiques, avec, au milieu, un effet sonore qui imite la cloche, et se termine par un piano qui s'éteint comme le vieux qui meurt dans les bras de ses enfants.»

Un pianiste en demande

Toujours bien occupé, le pianiste a une année 2013 très remplie et continue de promouvoir les compositeurs d'ici à l'étranger tout en maintenant plusieurs concertos à son répertoire.

> Il enregistrera prochainement le Concerto de l'asile de Walter Boudreau avec l'Orchestre symphonique de Québec, sous étiquette Analekta.

> En mars prochain, il jouera les Préludes de François Dompierre pour la première fois aux États-Unis à Strathmore, près de Washington. Il les rejoue au Viêtnam en mai, et à Athènes à l'automne.

> En mai, il interprétera le Concerto no. 4 de Rachmaninov en Malaisie.

> En décembre 2013, il jouera deux concertos d'André Mathieu à l'occasion d'une soirée consacrée au compositeur à Carnegie Hall.

> Au cours de l'année, il jouera également en France, en Allemagne et fera une tournée en Chine.

Alain Lefèvre, ce soir, 20h, à la Maison symphonique