À Nouvelles-Frontières, un collège privé en Outaouais, quand un élève découvre un truc marrant sur internet, le mot se passe vite. Mais prendre rendez-vous avec le téléviseur familial? Jamais de la vie!

«Jusqu'à l'année passée, je n'avais pas le câble. La télévision québécoise ne m'intéresse pas. Je préfère nettement l'internet pour la télé parce que j'ai accès à toutes ces émissions de Grande-Bretagne et des États-Unis. Ça agrandit ma culture!» dit Maxime David, rencontré dans un cours de théâtre du collège.

Amateur de séries britanniques (Skins est son plus récent coup de coeur), Maxime n'est pas unique. D'après notre enquête, plus d'un cégépien sur trois (38%) se sert de l'internet pour regarder des émissions télé.

Un autre Maxime - Maxime Couillard, 17 ans - explique que son entourage préfère les versions originales sur le web «parce qu'elles sont plus avancées qu'en français» et qu'il s'épargne ainsi les pauses publicitaires.

La «télé rassembleuse» - celle qui faisait jaser dès le lendemain matin - est chose du passé, du moins chez les jeunes générations, confirme le professeur de communications Jean-Paul Lafrance, auteur de La télévision à l'ère d'Internet.

«Fondamentalement, la télé traditionnelle est beaucoup trop lente pour les jeunes. Si l'on compare les nouvelles émissions avec des téléromans comme Le temps d'une paix, on est frappé par le rythme extrêmement lent de l'époque», dit ce spécialiste des «télénautes», ces hybrides entre le téléspectateur et l'internaute.

Jean-Sébastien Busque, cocréateur de l'émission jeunesse Les pieds dans la marge, le confirme: «On s'est habitué à présenter beaucoup d'infos rapidement, à se retourner de bord, à changer de thématique et à ne pas rester trop longtemps sur le même thème.»

Au palmarès des activités préférées des cégépiens interviewés dans notre enquête, la télé arrive malgré tout au sixième rang, loin derrière la musique, l'ordinateur et le cinéma. Certes, ils la regardent en moyenne encore 10 heures chaque semaine, mais c'est deux heures et demie de moins qu'il y a 15 ans (et quatre heures de moins que leurs aînés, qui n'ont pas changé leurs habitudes)

Et l'internaute regarde souvent la télé en faisant autre chose, comme clavarder ou jouer à des jeux vidéo.

D'après Jean-Paul Lafrance, la télé québécoise - dont les artisans ont entre 30 et 35 ans - «largue en partie les jeunes de 20 ans».

«La télé, après avoir longtemps été le média principal des foyers, est devenue un média secondaire», conclut le professeur.

Zappez-vous anglais?

Les trois émissions les plus regardées par les élèves que nous avons sondés sont américaines: Les frères Scott, Dr. House et CSI. Et même si nous avons visité 10 cégeps francophones, un élève sur cinq nous a dit regarder la télévision surtout en anglais (dans l'ordre: CTV, Discovery Channel, Much Music, TLC et Fox). «Ils parlent davantage l'anglais que leurs parents. Ce qui les amène à se promener, à zapper et à chercher des choses sur l'internet», explique le professeur de communications Jean-Paul Lafrance.