«Sur Illico, on trouve tous les spectacles d'humoristes. Le vendredi soir, si on soupe en famille devant la télévision, c'est ce qu'on regarde. C'est une chose qu'on fait en famille pas mal tous les vendredi soir.» - Kim Barrette, 17 ans

On savait que les humoristes sont populaires. Mais les résultats de notre sondage frappent quand même. Nos comiques sont les véritables coqueluches des jeunes.

À la question «quels sont vos trois artistes favoris (toutes origines confondues)», les plus populaires sont des humoristes québécois: Louis-José Houde, Martin Matte et Rachid Badouri. Houde arrive loin devant. Pas moins de 115 de nos 600 cégépiens l'ont choisi. Viennent ensuite Matte (63) et Badouri (51).

Les chiffres dégringolent ensuite. Seulement trois autres artistes ont été mentionnés plus de 20 fois: l'auteur Patrick Senécal (28), l'acteur Johnny Depp (23) et le rappeur Lil Wayne (22).

Surprenant? Oui, avoue Louise Richer, directrice de l'École nationale de l'humour. «J'aurais pensé que les musiciens se seraient mieux classés. La plupart des jeunes que je connais sont comme mon fils. Ils ont leur iPod visé aux oreilles du matin au soir.»

Selon notre sondage, l'écoute de musique est effectivement l'activité culturelle favorite des jeunes. Mais les musiciens restent moins populaires que les comiques. Pourquoi? Louise Richer avance deux explications. La première: l'omniprésence des humoristes. «On les voit partout. À la télé, à la radio, au cinéma, dans les magazines et dans la pub», reconnaît-elle.

Cela s'explique facilement, selon elle. «Leur métier est de communiquer. Si on les invite, il y aura assurément de l'action. Quand Christiane Charette animait son émission télé, elle se disait soulagée de savoir qu'un humoriste figurait parmi ses invités. Elle savait que ça ferait un bon show. Avec les chanteurs, par exemple, ce n'est pas toujours le cas.»

L'hypothèse se confirme quand on discute dans les cafétérias des cégeps. «Rachid Badouri et Louis-José Houde, on les a vus en spectacle, dans les revues et à la télé. On les connaît beaucoup grâce à la télé», dit une de leurs fans, Roxanne Lafrance, 18 ans, du cégep de Terrebonne.

L'autre raison est mathématique. Les humoristes demeurent beaucoup moins nombreux que les musiciens et autres types d'artistes. Comme il existe moins de choix possibles parmi eux, ils ont plus de chance de se démarquer dans leur catégorie.

Mais pourquoi les humoristes québécois, et pas des vedettes américaines comme Chris Rock? «Je ne vous apprends rien en disant que l'humour est très culturel, répond Gilles Pronovost, sociologue retraité de l'UQTR et auteur de Temps sociaux et pratiques culturelles. Tous les codes et référents qui jouent beaucoup dans le rire. C'est beaucoup moins vrai pour la musique ou le cinéma.»

Spectacles moins populaires

«Sur Illico, on trouve tous les spectacles d'humoristes. Le vendredi soir, si on soupe en famille devant la télévision, c'est ce qu'on regarde. C'est une chose qu'on fait en famille pas mal tous les vendredi soir», raconte Kim Barrette, 17 ans, aussi du cégep de Terrebonne.

Elle assiste parfois à des spectacles d'humour. Mais c'est toutefois de plus en plus rare chez ses pairs. L'humour n'échappe pas à la tendance lourde des autres arts de la scène: le public vieillit, et il vieillit plus vite que la population en général.

Selon l'Enquête sur les pratiques culturelles du Québec, l'âge moyen du public aux spectacles d'humour a augmenté de cinq ans entre 1994 et 2004. En 1994, les jeunes de 15-24 ans y étaient trois fois plus nombreux que les 55 ans et plus. En 2004, ils étaient seulement 1,5 fois plus nombreux.

«Je vois toujours Martin Matte à la télé, alors je ne dépenserai pas 50$ pour le voir au Théâtre Saint-Denis, explique Félix Hervieux, élève du cégep du Vieux-Montréal. En plus, l'humour n'est pas vraiment meilleur quand on le voit live. Ce n'est pas comme la musique, où quelque chose de particulier se passe sur scène.»