Par où on commence pour parler du spectacle que Philippe Katerine a donné vendredi soir au Théâtre Maisonneuve ? Plus fou, plus sauté, plus surréaliste que ça, tu meurs. De rire.

En compagnie de la pianiste Dana Ciocarlie qui l'a dignement accompagné dans son délire, Katerine a donné à la fois dans la chanson, le théâtre, le burlesque, le mime, la danse, le grivois, le ridicule - qui ne tue vraiment pas, on en a eu la preuve ultime - et même l'émotion, comme si cela faisait partie du tout qu'il a toujours été. « En un Philippe, il y a souvent plusieurs Philippe », nous a-t-il lancé au rappel, et personne n'a osé le contredire.

Entre ses chansons, dont il nous a dit à la blague qu'elles étaient improvisées, le chanteur-acteur au corps sculptural, dont les collants bleus nous ont laissé voir la splendeur, a peut-être donné l'impression de multiplier les digressions, mais notre homme est au-dessus de tout ça.

Le prétexte de ce spectacle hors norme était son album Le film, constitué de courtes saynètes musicales issues du quotidien dont le montage est aussi absurde que la vie, nous disait-il en interview l'an dernier. Entre ces chansons récentes et celles qu'il a pigées dans son répertoire, dont ses grands succès Louxor j'adore et La banane, Katerine a tissé une trame narrative loufoque dont on ne savait jamais où elle nous mènerait.

Il nous est apparu en reine d'Angleterre un tantinet vulgaire, a fait le coup de la chanson thérapeutique à ce public hyper complice, est descendu dans la salle donner des bisous sur la commissure aux femmes comme aux hommes pendant que Dana Ciocarlie jouait Für Elise de Beethoven, s'est frotté de toutes les façons imaginables jusqu'à l'orgasme et a joué lui-même du saxo, de la flûte et d'un triangle que lui avait apportés un druide vendéen tout en chantonnant un air de Line Renaud.

Compliqué, vous trouvez ? Oui, comme dans sa chanson du même nom dans laquelle il dit que tout rapport humain est compliqué et qu'il a même des problèmes avec lui-même. L'instant d'après, il nous a raconté dans une chanson-monologue une espèce de cauchemar dans lequel il courait pour échapper à Marine Le Pen.

Oui, par moments, notamment dans la chanson Les objets, c'était du grand n'importe quoi. Pourtant, sous un couvert absurde, cette chanson sur l'usure du temps fait mouche, comme, d'ailleurs, la chanson Papa sur le thème de la perte du paternel. 

« Je parle de choses profondes dans mes chansons, mais j'essaie d'en faire un jeu... », nous avait-il avertis l'an dernier.

Le public du Théâtre Maisonneuve a beaucoup ri, mais au rappel, il a écouté sérieusement Katerine chanter un poème d'Apollinaire sur une musique de Poulenc puis boucler la boucle avec sa propre chanson Moment parfait, qui résumait bien la soirée hors de l'ordinaire que nous venions de passer ensemble.

En première partie, Tim Dup a vraiment fait forte impression. Ce jeune Français à la voix haute a un talent certain pour les chansons mélodieuses aux textes pas banals. À en juger par l'accueil qu'il a reçu, ils seront sans doute quelques-uns parmi les spectateurs du Théâtre Maisonneuve à répondre à son invitation d'aller l'entendre dans la Zone Coors Light, samedi soir à 19 h.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Katerine s'est notamment déguisé en reine d'Angleterre lors de son spectacle hier.