Quatre notes de saxophone envoyées avec rythme, c'est à peu près tout ce que ça a pris à Stromae pour conquérir la planète. Un an après avoir lancé l'entêtant tube Alors on danse, le Belge venait récolter les fruits de son coup de génie dance en donnant un premier vrai concert samedi soir dans un Métropolis pas complet, mais près de l'être.



Mais commençons plutôt par la fin, tiens. Celle du duo électro-philosophico-pop Numéro, invité à réchauffer la foule de Stromae en guise de première partie - peut-être la plus judicieuse affiche francofolle à laquelle il nous qu'il nous ait été donné d'assister depuis très longtemps.

Formé de Jérôme Rocipon au chant et de Pierre Crube aux machines, Numéro, on s'en souviendra, a lancé deux albums de pop au goût de vitriol et de chewing-gum. Comme chez Stromae, le duo montréalais se sert de la pop et de la dance comme d'un cheval de Troie pour des textes acerbes, lucides, très précisément dénonciateurs de nos travers. Mais voilà, après la suprême ironie d'avoir vu leur chanson Hit Pop devenir... un hit, il faut croire que les deux musiciens ont jugé que la farce avait assez duré.

Bref, pour réchauffer la foule de Stromae, on ne pouvait trouver mieux que Crube et Rocipon, le premier pistonnant des rythmiques dance et techno de bon goût, le second balançant ses vannes, avant, pendant et après ses chansons - quelques bonnes craques bien envoyées à propos du Parti québecois et du pont Mercier... Crube avait même préparé des remix inédits (celui de Lâche ton style avait de l'impact), la foule s'est peu à peu laissée gagner, Numéro a finit ça en beauté. Adieu, les gars, et merci, on s'est bien marrés.

Stromae

Stromae est arrivé sur scène peu après 22h, flanqué de ses deux musiciens/programmeurs/claviéristes déguisés en Dupond et Dupont, un amusant clin d'oeil à ses origines. Ces trois, constamment affairés à leurs ordinateurs, occupaient le centre de la scène; derrière eux, un assemblage de panneaux simple, mais ingénieux, rappelant le genre de décor qu'on voit plus généralement au théâtre qu'à un concert pop. Fait de toiles blanches bien tendues, les panneaux de ce décor devenaient un écran sur lequel on projetait d'élégantes formes et couleurs qui transformaient l'ambiance de la salle au gré des chansons.

Paul Van Haver (de son vrai nom) ne s'illustre pas comme un brillant performeur, mais s'acquitte honorablement de sa tâche, en premier lieu parce qu'il semble naturel et sympa face à nous. Très vite, un lien se crée, voilà sa force, c'est également l'autre ingrédient secret d'Alors on danse: il parle et pense comme nous, décrit des sentiments qu'on partage aisément, sa lecture des marasmes du quotidien nous paraissent très juste. Et si ces récits et réflexions plus sérieuses qu'elles n'y paraissent se dansent en plus? Le jack-pot. La foule n'a pas baissé les bras, le parterre mangeait dans la main de Stromae. Bien joué.

Manu Militari à l'Astral

Alors, Stromae n'avait toujours pas encore quitté le dancefloor du Métropolis qu'il nous fallait passer à l'ouest, jusqu'à l'Astral, pour attraper le rappeur Manu Militari qui avait déjà commencé à 23h.

Belle foule. Du plancher au balcon, ce type a gagné l'écoute attentive de bien des amateurs de rap. Souvent, le rappeur ne terminait pas ses strophes, laissant aux fans le soin de rimer à sa place.

En entrevue, Manu Militari disait le fond de sa pensée sur le hip hop et ses artisans, refusant de croire appartenir à cette scène dont il adopte pourtant les codes les plus rudimentaires. Sur scène, c'est lui, son DJ et deux hype men. Le concert rap classique, en somme. Pas d'artifices, pas d'innovations (mais des inédits, comme cette réponse à Ryan, livrée a cappella), seuls le poids des mots et l'assurance que dégageait le rappeur pour nous en mettre plein la vue. Dans ce cas-ci, ce fut suffisant.

Encore en entrevue, le rappeur regrettait entre autre le manque d'inspiration d'un Akhénaton. Qui aime bien châtie bien: nul doute que le Marseillais a eu une influence considérable sur le Manu - sur d'autres aussi, Anodajay, tiens, lequel assurait la première partie d'Akh et Faf Larage et qu'on a croisé à ce concert de Manu Militari. Sur scène, plus que sur disque encore, Militari a une manière de découper les syllabes, posément, et surtout des intonations qui rappellent clairement le style du Akhénaton de la belle époque.

Bref, un bon concert, classique dans la forme, mais rudement captivant.





Photo: Bernard Brault, La Presse

Le rappeur Manu Militari, en spectacle à L'Astral.