L'offre de Pop Montréal a de quoi donner le vertige. Nous avons scruté la programmation et consulté la direction artistique pour dresser une liste d'artistes à découvrir.

MERCREDI

The Jerry Cans - Au quai Jacques-Cartier, dans le Vieux-Port, à 18 h

Dans le cadre du 10e anniversaire de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, POP Montréal s'associe à l'organisation de cette commémoration, undrip10.org, ainsi qu'avec l'organisme DestiNATIONS afin de présenter The Jerry Cans, un groupe d'Iqaluit, au Nunavut. S'étant distingué l'an dernier à Mundial Montréal, le groupe poursuit son ascension en mettant de l'avant un mélange vitaminé de folk-rock indie, d'alt-country, de reggae et de jeu de gorge inuit. Voilà qui nous remet les pendules à l'heure de l'Arctique. Dans le même contexte, plusieurs artistes issus des Premières Nations seront présentés samedi après-midi à Pop Box (aux Quartiers Pop), dont Melody McKiver, Courtney Montour, Skawennati et Skeena Reece.

Love Theme - Au Piccolo Little Burgundy, à 0 h 40Autrefois connu sous la bannière Dirty Beaches, Alex Zhang Hungtai travaille désormais au sein de Love Theme avec Austin Milne et Simon Frank. Le travail de ces musiciens consiste en de singulières méditations sonores aux saxophones, voix humaines, synthétiseurs, percussions et machines. En résulte une rencontre insolite entre la musique instrumentale et l'électronique. Les ambiances qui émanent du traitement de ces musiques d'abord improvisées ne sont pas violentes en soi. On est à la fois dans l'anxiété et la sensualité, on passe doucement de la lumière à la pénombre, du calme à la pulsation, de la dislocation à la régénération. Ces contrastes réservent des surprises!

JEUDI

Oh Sees - À La Tulipe, à 22 hAvec ou sans Thee, ce garage-punk-noise signé Oh Sees trace un chemin sûr et graveleux. À l'évidence, ces Californiens semblent en pleine maîtrise de leurs moyens avec l'excellent Orc, nouvel album rendu public il y a quelques semaines à peine. À la fois bien construit et fidèle à l'esthétique originelle de la formation, cet enregistrement récolte les éloges de tous les fans et critiques de rock misant sur une instrumentation classique - John Dwyer, voix, guitares et autres instruments d'appoint, Tim Hellmann, basse, Paul Quattrone, batterie. L'actuelle configuration de San Francisco a le feu au derrière et se promet de poivrer ses fans montréalais. Paroxysmes en perspective!

Bing & Ruth - Au Rialto, à 23 hAu début de l'année, la prestigieuse étiquette 4AD a lancé No Home of the Mind, album de facture minimaliste signé Bing & Ruth. Cet ensemble new-yorkais est mené par un pianiste et compositeur originaire du Kansas, David Moore, diplômé de la New School et de la New York School of Jazz, auxquels se joignent le clarinettiste Jeremy Viner et les bassistes Jeff Ratner et Greg Chudzick, ainsi que Mike Effenberger aux effets sonores sur bande et plus encore. Voilà une force montante du post-minimalisme américain dont l'auditoire se compose essentiellement d'amateurs en transition vers la musique contemporaine et qui aiment les propositions harmoniques consonantes afin d'effectuer le passage.

Ty Segall - Au Théâtre Fairmount, à 23 h 30Au tournant de la trentaine, le tonitruant Ty Garrett Segall calme le jeu et se produit soliloque à Pop Montréal. Il nous a pourtant habitués aux plus grandes et plus longues déflagrations rock d'allégeance garage, hardcore, lo-fi. Le caractère brut, animal, viscéral, brutal de ce songwriter californien, sorte de Jack White sur le 220, peut aussi faire place à la douceur folk et à l'infusion de racines indigènes. C'est ce à quoi nous pourrions avoir droit jeudi, cette fois sans la présence de son Freedom Band. Voilà l'occasion de goûter les chansons nues de Ty Segall, l'autonomie de son oeuvre chansonnière sans le revêtement habituel.

King Woman - À La Vitrola, à 23 h 30Doom rock et autres effets de saturation lentement déployés figurent au programme de King Woman, ensemble originaire de San Francisco chapeauté par Kristina Esfandiari. La soliste faisait déjà dans le shoegaze avant d'alourdir sensiblement ses propositions vocales et instrumentales; elle propose aujourd'hui un style à la fois méditatif et violent, cohabitation hypnotique des extrêmes. Méchant paradoxe! D'abord un projet solo en 2009, King Woman s'est progressivement transformé en groupe, et plusieurs enregistrements ont été rendus publics depuis lors.

Photo Mini Van, fournie par le groupe

Oh Sees

VENDREDI

Joanne Pollock - Au Ministère, à 22 h; aussi au Cagibi, samedi, à 22 hCe printemps, elle a lancé Stranger, un premier album que tous les amateurs de musique émergente au Canada doivent absorber. Voilà une des propositions les plus intéressantes de synthpop expérimentale à venir de l'Ouest, plus précisément du Manitoba. La diversité des sons engrangés, la richesse rythmique des phrases, la densité du discours, l'autorité et le vaste registre de la voix, le souci de l'accroche mélodique, le tout au service de la forme chanson: voilà autant d'arguments qui risquent de mobiliser un public comparable à celui de Grimes à ses débuts. À l'évidence, Joanne Pollock révèle une forte signature d'entrée de jeu, fait rarissime dans la pop culture.

William Basinski - À la Fédération Ukrainienne, à 22 hOriginaire de Houston et diplômé de la North Texas University, ce compositeur américain est associé au minimalisme, à l'ambient et au drone, de Steve Reich à Brian Eno. Sa discographie comprend 24 albums studio depuis 1998, ce qui témoigne d'une longue et riche démarche compositionnelle. À la fois nourri par les musiques instrumentales et électroniques, William Basinski a aussi développé une technique personnelle de la mise en boucle, notamment avec la bonne vieille bande magnétique. Rien de tel pour planer un vendredi... avant les libations nocturnes.

John Maus - Au Rialto (salle Saint-Ambroise), à 23 h 30Ex-collaborateur d'Ariel Pink et ex-professeur de philosophie à l'université d'Hawaii, l'Américain John Maus a lancé trois albums primés par la critique entre 2006 et 2011 - particulièrement le mémorable We Must Become the Pitiless Censors of Ourselves. Apparemment, cet intello de la pop alternative sort d'une longue accalmie en tant qu'artiste solo et prévoit lancer un nouvel opus le mois prochain: Screen Memories (étiquette Ribbon Music), dont les fans montréalais auront fort possiblement un aperçu vendredi lorsque le performeur remontera sur scène. Au carrefour des pistes synthpop, krautrock, post-punk et gothique, les chansons et pièces de John Maus résonnent jusqu'aux tréfonds de la conscience.

Photo tirée de la page Bandcamp de l’artiste

Joanne Pollock

SAMEDI

Moor Mother - À l'église Saint John The Evangelist, à 23 h 30Camae Ayewa est Moor Mother (et fait aussi partie du tandem Black Quantum Fururism avec Rasheedah Philips). Cette femme de Philadelphie parle, crie, déclame, fredonne, s'appliquant du coup à «reformuler les concepts de mémoire, d'histoire et de projection dans l'avenir», dixit son profil biographique. Les grappes de sons accompagnant ses mots puisent dans le bruitisme, l'esprit punk/hardcore, plusieurs pans de musique populaire afro-américaine ou même le free jazz. Avant-gardiste redoutable, Moor Mother récolte les éloges partout où elle se produit. La direction artistique de Pop Montréal n'y fait pas exception: c'est une des plus chaudes recommandations de Dan Seligman, tombé de sa chaise au dernier SXSW.

Think About Life et Lunice - Au Piccolo Little Burgundy, à 1 hLes vrais nuitards pop-montréalais se retrouveront à 1 h du mat' pour le retour de Think About Life. À qui l'on doit deux albums importants de notre discographie indie sous étiquette Alien8 (homonyme en 2006, Family en 2009). Ainsi donc, Matt Shane, Graham Van Pelt (aussi membre de Miracle Fortress) et Martin Cesar (ex-Donkey Heart) reprennent du service. Pour le meilleur ou pour le pire? À l'époque, en tout cas, on promettait un très bel avenir à ce groupe indie pop imaginatif et extrêmement efficace devant public. Qu'en sera-t-il en 2017? Voilà qui pique la curiosité de leurs fans. Au même programme, le très doué DJ et producteur montréalais Lunice nous servira un aperçu de ses récentes découvertes.

Royal Trux - Au Théâtre Fairmount, à 23 hActif de 1988 à l'an 2000, le groupe culte construit autour du guitariste Neil Hagerty et de la chanteuse Jennifer Herrema a sorti cette année Platinum Tips + Ice Cream, premier album de Royal Trux depuis 17 ans - compilation de chansons enregistrées jadis devant public, faut-il préciser. Inutile d'ajouter que les connaisseurs les plus pointus et autres taupes du rock se rendront au Théâtre Fairmount pour ces retrouvailles sur scène, présentées à quelques reprises depuis 2015. Saletés rock et hurlements à la lune sont prévus au buffet. Ça risque d'exulter d'aplomb!

Photo tirée de la page Facebook de l’artiste

Moor Mother

DIMANCHE

Mount Eerie - À la Fédération Ukrainienne, à 21 hMount Eerie est le pseudonyme de l'auteur-compositeur-interprète américain Phil Elverum. Il était marié à la bédéiste et musicienne québécoise Geneviève Gosselin, dite Geneviève Castrée. Il coulait des jours heureux avec sa douce qui... peu après avoir enfanté d'une fille, fut atteinte d'un cancer du pancréas et mourut en juillet 2016, entourée de son mari et de ses parents. Cette disparition tragique a inspiré A Crow Looked at Me, huitième album studio de Mount Eerie. On peut résumer l'approche de cet opus très touchant par le deuil et la catharsis; chaque mot de ces 11 chansons est à la fois empreint de tristesse et de beauté. Une instrumentation très sobre, surimpression de guitares, piano, effets et bidules, porte cette poésie incarnée.

Trio Joubran - Au Rialto, à 20 hLe Trio Joubran est un ensemble fondé par les frères Samir, Wissam et Adnan Joubran, originaires de Nazareth, là même où naquit jadis une personnalité connue. Ils s'inscrivent dans la grande lignée de la musique classique arabe, mais s'appliquent à en actualiser le répertoire pour l'oud et la percussion. Ils sont accompagnés depuis 2007 par le percussionniste Youssef Hbeisch et jouissent d'une excellente cote à l'échelle internationale. L'ensemble s'est déjà produit à Montréal; on se souvient de la charge émotive d'un concert donné en 2009, pendant un conflit armé en Israël dans les territoires palestiniens.

Photo Allyson Foster, fournie par Pop Montréal

Mount Eerie