Qu'on se le dise, Ronnie Spector rayonne sur scène. Bien qu'on ne puisse conclure à une réhabilitation au firmament des superstars, sa carrière retrouve un lustre qui peut rappeler ses lointaines années de gloire.

Vendredi soir, la chanteuse de 71 ans animait elle-même le film documentaire de sa vie, tubes à l'appui. Come-back tardif comme on les aime à Pop Montréal! Au fil des années, le festival s'est fait une spécialité de nous ramener sur scène de fabuleux oubliés du showbiz anglo-américain et d'ainsi mobiliser une foule hybride, composée de hipsters et de nostalgiques.

La Rose de Spanish Harlem respirait le bonheur et la fierté dans ce Rialto rempli au trois quarts. On sentait chez elle la satisfaction d'être sortie «plus forte» de cette trajectoire en montagnes russes (un euphémisme!), existence néanmoins remplie à ras bord et dont les derniers chapitres sont marqués par la félicité.

Ce spectacle Beyond the Beehive se traduirait par «au-delà de cette coiffure en ruche », allusion à  l'imposante crinière de Ronnie Spector que Thomas Fersen qualifierait de «pièce montée des grands jours».

Le film de sa vie démarre à la fin des années 50 et se termine avec la condamnation encore récente de Phil Spector pour meurtre au second degré sans préméditation, qui coïncide avec l'intronisation des Ronettes au Temple de la renommée du rock & roll. Rappelons que le fameux girl group avait été propulsé au firmament de la pop culture, un demi-siècle plus tôt.

À peine sorties de l'adolescence, les soeurs Bennett (feue Estelle et Veronica, alias Ronnie) ainsi que leur cousine Nedra Talley étaient des stars au Royaume-Uni après avoir été découvertes par le producteur et réalisateur Phil Spector. En tournée là-bas, elles avaient tissé des liens avec les Beatles et les Stones, rien de moins.

Très rapidement, leur réputé producteur pétait ses premières coches. Entre autres comportements autoritaires, il refusa que sa future épouse rentre d'Angleterre dans un avion de la british invasion qui transporta les Beatles. Refusa aussi que Brian Wilson offre à Ronnie un tube fait sur mesure (Don't Worry Baby). Lui piquera des crises en studio, on en passe et des meilleures. Possessif, jaloux, dénigrant à l'endroit de sa chose, il la neutralisa totalement au point de saboter la carrière lorsqu'elle devint sa femme.

La narratrice et actrice principale nous raconte cette vie de réclusion, de déprime et d'alcoolisme qui se conclut par son évasion du manoir californien que possédait son mari despote. S'ensuivirent divorce à Los Angeles, retour à New York, tentative avortée d'un spectacle permanent à Las Vegas. Durant cette même période, Ronnie fréquenta Bruce Springsteen et Little Steven Van Zandt, ce dernier s'impliqua dans la production de la chanson You Mean So Much To Me. Malgré cet épisode flamboyant, la remontée s'annonçait ardue, car Phil Spector refusa catégoriquement de céder les droits sur la plupart des tubes qu'il avait produits pour les Ronettes.

On aura deviné que le spectacle Beyond the Beehive escamote ces nombreuses années de productions médiocres, cette vie de plus ou moins has been qu'a mené la chanteuse jusqu'à une période récente. En revanche, sa vie familiale semble avoir été réussie et voilà cette embellie professionnelle. Le succès de cette autobiographie chantée devant public est certes un baume pour la pétillante Ronnie. Y renaissent tous ses tubes (Be My Baby, I Can Hear The Music, Do I Love You?), sans compter une reprise de Back to Black de la regrettée Amy Winehouse.

Peut-on conclure à la totale résurrection comme ce fut le cas de Tina Turner à l'époque de l'album Private Dancer? Le spectacle Beyond the Beehive est certes chaleureux, touchant, assorti d'une multitude de photos et films d'époque, truffé de tubes connus de tous, mené par une septuagénaire en pleine possession de ses moyens. Cela dit, nous sommes loin des standards actuels en matière de showbiz; accompagnement un tantinet daté, scénographie et propositions audiovisuelles quelque peu défraîchies. Certes idéal pour les hipsters et les inconditionnels, peut-être moins évident pour le grand public qui carbure aux effets spéciaux