Cinq artistes et groupes participant à Pop Montréal suscitent notre intérêt. Place aux découvertes et aux groupes attendus à Montréal.

Portugal. The Man : refrains rassembleurs

Portugal. The Man est à Montréal depuis mardi. Le groupe profite de deux jours de congé avant son spectacle, ce soir, au théâtre Corona.

Son septième album, Evil Friends, lui a ouvert de nouvelles portes. Non seulement Portugal. The Man est maintenant sous contrat avec un major (Atlantic), mais il a travaillé avec le célèbre réalisateur Danger Mouse (Brian Burton), associé au succès de The Black Keys.

Avec de plus importants moyens de production à sa disposition, le groupe pensait devoir s'ajuster. Il avait préparé des maquettes avant d'arriver en studio, mais la plupart ont rapidement été mises de côté. «Brian a une façon spontanée et honnête de travailler», souligne John Gourley.

Une chanson pouvait naître le matin et se terminer en soirée. Cette façon de faire explique pourquoi Evil Friends est un album si concis. «Quand tu écris une chanson, tu la réinterprètes en studio. Tu ajoutes ceci, tu changes ça par rapport à la maquette... Là, le tempo pouvait me faire écrire telle ou telle parole. Nous étions comme dans un monde à part.»

Evil Friends comprend de nombreuses pièces aux rythmes et refrains jubilatoires qui hameçonnent l'auditeur dès la première écoute. Trop pop? Portugal. The Man assume pleinement son nouveau pouvoir rassembleur. «Qu'est-ce qu'il y a de mal avec les gros refrains? Dans les années 90, ils n'en avaient pas honte. Oasis faisait ça à la pelletée!», lance John Gourley

«Par rapport à nos albums précédents, nos nouvelles chansons sont faites pour la scène. La réaction des gens est forte. Pendant des chansons comme Evil Friends, Creep in a T-Shirt et Hip Hop Kids, il y a une énergie incroyable», ajoute Zach Carothers, son acolyte musical depuis l'école secondaire.

Les musiques hop la vie du groupe originaire de l'Alaska aujourd'hui installé à Portland, en Oregon, n'empêchent pas John Gourley d'explorer des thèmes sérieux. Dans la pièce Modern Jesus, le parolier dénonce la tendance voulant que les gens aient besoin de croire en quelque chose à tout prix plutôt que de croire en eux-mêmes. - Émilie Côté

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Portugal. The Man se produit ce soir au théâtre Corona.

Arp : se réinventer

Le curriculum vitae d'Alexis Georgopoulos a de quoi donner la frousse à un artiste en panne d'inspiration, tellement il se réinvente et cumule les projets artistiques.

More, le nouvel album de son projet musical Arp, est considéré comme son aventure musicale la plus pop. Attention: tout est relatif ici quand on emploie le mot «pop»... «C'est le disque où je me suis approché le plus de la structure traditionnelle d'une chanson avec des couplets et des refrains, explique Alexis Georgopoulos. C'est un album de transition.»

More réunit des pièces de pop-garage (Judy Nylon), des chansons minimalistes au piano (High-Heeled Cloud) et des pièces instrumentales aux influences baroques, seventies, électros, folks, souls et classiques.

«Les films et la littérature sont de grandes influences. Je ne voulais pas faire un seul type de chansons, mais plutôt refléter le sentiment qu'on a en regardant un film.»

La chanson High-Heel Clouds est inspirée de la 5e Avenue de New York, où vit Arp. «New York est un personnage de mon album», dit-il.

Producteur, compositeur et musicien, Georgopoulos signe des musiques pour des défilés de mode, des spectacles de danse, des pièces de théâtre et des expositions muséales.

«Je ne pensais pas que c'était possible d'innover, note-t-il. On digère tellement d'information et on traverse tellement toutes les époques avec les musiques qu'on entend un peu partout dans une journée. [...] C'est possible, pour moi, de représenter ça avec mon album.» - Émilie Côté

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Arp se produit aux Katacombes, demain soir.

Photo: fournie par Pop Montréal

Arp

Moonface ne regarde que Spencer Krug

Originaire de Colombie Britannique, résidant de Montréal de 2001 à 2012, Spencer Krug a tour à tour été membre crucial de Frog Eyes, Wolf Parade, Fifths of Seven, Swan Lake, Sunset Rubdown et, depuis 2010, Moonface. Plus d'une vingtaine d'albums et maxis! À la différence des groupes précédents auxquels l'artiste de 36 ans s'est taillé une solide réputation sur la planète indie, Moonface ne regarde que lui.

«Je voulais adopter un pseudonyme sous lequel je pourrais m'exprimer sans souscrire à quelques règles ou paramètres observés au sein d'un groupe. Moonface n'est pas un groupe, c'est mon alter-ego. Et je souhaite que ce soit le dernier nom auquel je serai associé en tant qu'artiste. Tout ce que je fais désormais porte cette signature», explique l'auteur, compositeur, interprète et multi-instrumentiste, joint à Helsinki où il vit depuis l'an dernier.

Associé de près à la mouvance indie de Montréal, Spencer Krug a estimé nécessaire d'être seul maître à bord.

«J'étais las des restrictions et du fonctionnement des groupes normaux: suivre les lignes d'un album sur scène, respecter le jeu de chacun, éviter les digressions qui créent la confusion ou même des tensions entre musiciens. Qu'on ne s'y méprenne, respecter le bon fonctionnement d'un groupe m'apparaît normal et compréhensible mais je commençais à trouver cela un peu suffocant. Cela étant, j'ai toujours eu des rapports cordiaux et positifs avec mes collègues de travail.»

Sans restriction aucune, Moonface est l'occasion d'exprimer son éclectisme tous azimuts.

«Il y a beaucoup de changement et il y en aura beaucoup du moins j'essaie d'implanter cette approche.

Cependant, je n'essaie pas de faire quelque chose d'absolument neuf chaque fois que j'enregistre. Bien sûr, j'écoute plus de musique instrumentale que la moyenne des fans de rock mais je ne mets pas à écouter Steve Reich lorsque je compose pour les marimbas. J'aime beaucoup la musique instrumentale mais je préfère la forme chanson car l'écriture des paroles représente pour moi le plus grand défi de création. En fait, il m'importe d'enregistrer ce qui m'excite au moment présent. Et cela n'a pas nécessairement de lien direct avec ce qui a été fait précédemment ou simultanément.»

Preuves à l'appui de ses propos: sous étiquette Jagjaguwar, Moonface a sorti depuis 2010 un maxi de musique pour percussions, Marimba and Shit-Drum; un album avec orgue et boîtes à rythmes, Organ Music Not Vibraphone Like I'd Hoped; un autre album carrément rock enregistré avec un groupe finlandais, With Siinai: Heartbreaking Bravery; enfin, un enregistrement pour piano et voix, Julia With Blue Jeans, dont la sortie officielle est prévue le 29 octobre. Cet album solo, qu'il vient chanter à Pop Montréal, a été créé sous la neige et la pénombre.

«J'ai commencé à l'enregistrer l'automne dernier, me préparant à passer un premier hiver à Helsinki. Les températures et l'enneigement sont semblables à Montréal, mais la luminosité y est beaucoup plus faible. Ainsi, j'ai essayé de vivre cette noirceur du mieux que j'ai pu. Je me suis installé en studio sans savoir si je ferais un album avec ce que j'allais créer. À l'orée du printemps, j'avais enregistré une quinzaine de chansons. Chansons d'amour, chansons d'introspection, parfois sombres, tranquilles de manière générale. De la musique d'hiver, en somme.»

 Pour les mois qui viennent, Spencer Krug compte refaire du rock avec Siinai.

«Je redoute le prochain hiver, je prévois m'accrocher à ma santé mentale par la musique.  De toute manière, je ne passerai pas ma vie en Finlande. Je prévois rentrer au Canada.»

Meilleur éclairage en perspective pour Moonface lorsque chutera le mercure... - Alain Brunet

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Précédé de Caroline Keating, Moonface se produit dimanche, 20h30, à la Fédération ukrainienne.

Photo: fournie par Pop Montréal

Moonface

Jessy Lanza : le grand saut

Jessy Lanza n'est plus le secret bien gardé de Hamilton. Le magazine britannique NME l'a choisie parmi les artistes post-R & B à surveiller.

La jeune femme de 28 ans, qui a étudié le piano à Montréal, à l'Université Concordia, a lancé son premier album, Pull My Hair Back, il y a trois semaines. Les critiques? Fort élogieuses.

Jessy était dans son studio de Hamilton lors de notre entretien téléphonique. Elle se préparait à son premier grand départ en tournée. «C'est la première fois que je ferai autant de spectacles. Je suis un peu nerveuse», a-t-elle confié.

La pianiste a grandi en écoutant Janet Jackson et Mariah Carey. D'où le son R & B de son album. La musicienne affectionne aussi l'électro-pop expérimentale et les pulsations technoïdes. Comme si on avait ajouté un relaxant musculaire à la musique de Grimes.

En studio, Jessy Lanza a fait équipe avec son compatriote Jeremy Greenspan, de Junior Boys. «Je le connais depuis longtemps, mais j'ai commencé à travailler avec lui quand je suis revenue à Hamilton, il y a trois ans, explique-t-elle. Au début, nos tracks étaient plus dansantes et house. Ensuite, nous avons pris une direction vers des sons plus R & B.»

Jessy Lanza considère le chant et les paroles d'une chanson comme un instrument de musique. «Je ne me suis jamais considérée comme une chanteuse, mais comme une pianiste et productrice. Ma voix est un son comme un autre, et j'utilise beaucoup d'effets pour faire de l'ombre aux paroles.»

Pourquoi tant de musiciens académiques se laissent-ils charmer par la musique populaire? «La plupart des artistes pop ne savent pas lire la musique. Ils font confiance à leur écoute. En jazz, j'essayais d'oublier les progressions pour éviter les changements prévisibles. Dans le fond, c'est d'être créatif.»

Que dire de plus? - Émilie Côté

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Jessy Lanza se produit vendredi, au Club Lambi, avec Un et Le Couleur.

Photo: fournie par Pop Montréal

Jessy Lanza

METZ en de la distorsion!

En peu de temps, le trio torontois s'est taillé une réputation internationale auprès des férus de l'hyperdistorsion rock. Quelques chansons enregistrées depuis 2009, multitude de concerts souterrains, un premier album sans titre sous la prestigieuse étiquette Sub Pop et... voilà METZ parmi les dix finalistes du Prix Polaris, décerné lundi dans sa ville, soit près d'une semaine avant sa prestation dominicale à Pop Montréal.

«Nous ne réfléchissons pas vraiment aux prix à gagner mais notre mise en nomination sur la liste restreinte du Polaris a été une grande surprise. Être simplement sélectionnés parmi les autres excellents groupes et artistes canadiens représente pour nous une chance inestimable, un réel privilège. Car nous sommes d'avis que le Canada compte tant de groupes exceptionnels, dont certains n'apparaissent même pas dans les listes longue et restreinte du Polaris», allègue Alex Edkins, guitariste et chanteur de METZ, natif de Montréal mais ayant résidé «un peu partout au pays» dont Ottawa et Toronto où il vit désormais.

Le chanteur et guitariste voit dans l'évolution rapide de son groupe une  «progression naturelle», un son mûri sur la route, au fil des concerts. «Lorsque nous créons nos chansons ensemble, nous avons en tête les façons dont nous allons les enregistrer. Sans trop de réflexions préliminaires, la scène influence le studio et vice versa. Tout est lié, tout est en constate évolution.»

Bien au-delà du rock,  METZ a forgé son identité musicale au pays de la haute saturation.

«Nous avons grandi à l'écoute du punk, du grunge, du hardcore, du post-rock. Sans avoir de préférences particulières, nous avons voulu mélanger tout ça. Nous avons poussé l'affaire au meilleur de nos capacités, poursuivi nos expériences faisant confiance à notre instinct. Nous essayons humblement de créer une musique distincte des modes et des tendances évidentes, nous souhaitons éviter toute copie carbone.»

Alex Edkins estime néanmoins que son groupe a émergé à une période propice aux genres dont il s'inspire: «Le rock usant d'un maximum de saturation existe depuis longtemps. C'est une chance pour nous qu'il attire davantage l'attention durant la période actuelle. Cette façon de faire existe et existera, même si cela ne deviendra jamais une musique très populaire.»

La prochaine étape de METZ? Alex Edkins veut s'appliquer à rendre plus intelligibles la voix et les mots.

«Cela devient de plus en plus important dans le son du groupe et ce sera mis de l'avant dans nos nouvelles chansons. Au départ, la voix se fondait dans le son, elle était traitée comme une instrument parmi les autres. Nous avons essayé de la mettre un peu plus de l'avant pour l'album sans titre et nous le ferons davantage au  prochain album.»

À ce titre, d'ailleurs, le processus est en marche. Encore faut-il trouver le temps de s'y consacrer.

«Depuis un an sauf les deux derniers mois, nous n'avons cessé de tourner. Nous avons eu plus ou moins deux mois de pause, ce qui nous a permis d'improviser ensemble et travailler à de nouvelles musiques, excitantes et fraîches. Nous avons quelqeus chansons en chantier, nous avons le sentiment d'aller là où nous ne sommes pas allés encore. Nous reprenons la tournée jusqu'à Noël, après quoi nous pourrons nous consacrer au prochain album.» - Alain Brunet

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METZ partage le programme de Crabe, Fist City, et Evan Dubinsky as The DJ, dimanche, à l'Église POP Little Burgundy.

Photo: fournie par Pop Montréal

METZ