Au domaine des fouteurs de baffes, Alec Empire et ses activistes de choc peuvent être considérés parmi les plus puissants observés en 30 ans de chroniques. À cette esthétique hardcore signée Atari Teenage Riot, ces anarchos supérieurement doués suggèrent un assortiment de beats nettement au-dessus de la moyenne, de très violentes ponctions de noise, punk, hardcore et métal par-dessus lesquelles ils viennent  scander leur urgence.

Plus urgent que ça, tu meurs, effectivement. Lorsque Carl Crack, l'un des membres originels du groupe berlinois, a succombé à une overdose il y a dix ans, Alec Empire en avait stoppé les activités. Et vient de reprendre du service avec une forme d'athlète. Une telle intervention l'exige! Je ne sais pas si ce que j'ai pris dans la gueule samedi est supérieur à l'époque où feu Carl Crack et Hanin Helias travaillaient avec Alec Empire, aux connaisseurs de nous le faire savoir. Chose certaine, l'actuelle mouture sur scène me laisse conclure à une authentique contribution à l'histoire récente de la musique dure dure.

Marnie Stern: déception

Les concerts subséquents de samedi ont eu l'effet d'un anticlimax. À commencer par ma plus grande déception à Pop MTL depuis mercredi : Marnie Stern. Vraiment inférieure sur scène. Chante souvent faux. Joue nettement moins bien en temps réel qu'en studio...ou même sur YouTube. Cet extrait de conceret peu généreux, mal fagoté et d'autant plus mal préparé  me mène à croire que mon petit hype doit être désamorcé dès maintenant.

À moins d'une mauvaise soirée ?  Je ne sais pas si c'était le fait d'un méchant virus, d'une fatigue extrême ou je ne sais quelle autre facteur, Marnie Stern fut franchement ordinaire. J'aurais dû rester au Foufs jusqu'à la fin d'ATR... Mais bon, de tels marathons impliquent de tels risques. Il fallait, de toute façon, confirmer ou infirmer l'aura de Marnie Stern. C'est infirmé.

Mary Margaret O'Hara cabotine

Au Cabaret du Mile-End, j'ai passé ensuite une heure plutôt moyenne avec la mythique Torontoise Mary Margaret O'Hara. Trop de jasette, trop de pauses, trop de cabotinage dans un festival exigeant la concision étant donné la vitesse obligée des interventions.

Oui, elle chante toujours singulièrement. Oui, elle peut improviser singulièrement. Oui, elle peut passer singulièrment du country au jazz à des formes avancées de pop indé. Oui, elle sait mettre sa psyché très particulière au profit de son art. Oui, elle peut compter sur d'excellents musiciens. J'en voulais plus, voilà tout.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Mary Margaret O'Hara

Budos Band, chaud chaud mais... redondant

Au Lambi pour coiffer le tout, une heure de sueur passée avec le Budos Band from New York. À la différence de tous ces Antibalas, ces bands obnubilés par l'afrobeat nigerian depuis la fin des années 90, ces musiciens blancs ajoutent quelques éléments de groove éthiopien (Mahmoud Ahmed, etc.) et un esprit funk rock assez rugueux pour faire les plus chaudes soirées.

En trois albums (étiquette Daptone), ces musiciens compétents (sans être virtuoses) exploitent des filons intéressants quoiqu'un peu redondants en ce qui me concerne.

Naomi Shelton: sainte nuit à la Sala!

Truffée de référence archiconnues mais ô combien rafraîchissantes autour de minuit au terme de quelques heures plus exigeantes. What have you done my brother ? questionne le bon pratiquant.   Aucune idée, balbutie le brother pécheur, culpabilisé par son Seigneur.  À la Sala Rossa, la question était posée par la sexagénaire Naomi Shelton, un autre de ces obscurs  joyaux extirpé du trésor afro-américain par le label Daptone qui nous a fait découvrir l'explosive Sharon Jones et aussi  The Budos Band (prévu ce soir) et qui se spécialise dans l'afro soull, c'est-à-dire un furieux mélange de funk, afrobeat, jazz, groove éthiopien, etc.

Originaire de l'Alabama, New-Yorkaise depuis les années 60 sauf une résidence de quelques années en Floride, cette soliste à la voix puissante et graveleuse rappelle un tantinet Dinah Washington, en plus gospel et avec encore plus de rugosité. La section rythmique est la même que Sharon Jones, les claviers sont joués par Cliff Driver avec qui Naomi Shelton travaille à Brooklyn depuis des temps immémoriaux - la semaine R&B dans les clubs, le dimanche gospel à l'église. L'instrumentation est complétée par la guitare, la basse et un trio de choristes aux voix très puissantes il va sans dire. Du bonbon!  Aux anges avec ses gospel Queens, Naomi Shelton ne peut que se réjouir de sa renaissance professionnelle parmi les hipsters. On la comprendra !