Si Pop Montréal devait se trouver une mascotte, ça pourrait bien être l'influent orchestre californien Deerhoof, en concert demain à La Tulipe. Indépendant, jusqu'à la moelle, méconnu des masses, adulé par tout un bataillon de musiciens de la nouvelle génération. Depuis près de 15 ans, le groupe crée une musique radicalement libre, éternellement optimiste, où lumière et chaos se heurtent à coup de guitares lo-fi, de manipulations électroniques, de rimes en anglais et en japonais, langue première de la chanteuse et multi-instrumentiste Satome Matsuzaki.

Sufjan Stevens, les Flaming Lips, Of Montreal, Dirty Projectors et Xiu Xiu (en concert samedi, à la Fédération ukrainienne) se réclament tous de l'influence de Deerhoof, prolifique quartet aux influences musicales kaléidoscopiques, versé autant dans la pop électronique que dans l'art-punk ou le folk confidentiel. Enfin, ici, c'est la dynamique, l'audace, le plaisir de jouer sur scène qui prime.

«Parfois, une musique joyeuse peut surgir d'endroits glauques», philosophe le guitariste John Dieterich, assis sur un banc en bordure d'un terrain de football déserté, par un autre après-midi de grisaille à Portland. «Mais, pondère-t-il avec entrain, je dois dire que je viens de déménager à Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Là-bas, il fait toujours beau!»

C'est un peu des vifs rayons de soleil de San Francisco, lieu où le groupe est né, que semble venir leur énergie. La musique de Deerhoof, quatuor pop-rock d'avant-garde depuis le milieu des années 1990, ne cesse de se réinventer à chaque album. Offend Maggie, lancé il y a deux ans, devrait connaître un successeur très bientôt: «C'est tout enregistré déjà, on a aussi le titre et la date de parution, mais je ne sais pas si je peux te dire tout ça», titille Dietrich.

Fondé en Californie en 1994 par le multi-instrumentiste Greg Saunier, le groupe a des bases en musique improvisée, donc avec l'instantané et l'auditoire. Ici, c'est la dynamique, l'audace, le plaisir de jouer sur scène qui priment. C'est probablement la seule constante dans l'histoire et l'évolution de Deerhoof, qui a lancé 10 touffus albums en 13 ans, tous sur le vétéran label Kill Rock Stars.

«On a répété beaucoup ici ces derniers jours, alors, oui, vous entendrez des nouvelles chansons.» Génial. Encore faudra-t-il savoir départager le neuf du vieux, le groupe ayant la réputation de parfois refaire complètement ses version enregistrées d'une manière pratiquement méconnaissable...

«Évidemment, tout paraîtra nouveau pour les fans, mais disons que l'idée du prochain disque, c'est d'utiliser un son rock franc, mais en mixant, en trafiquant le son des guitares, d'une manière moins directe que sur le précédent disque. On voulait retrouver les éléments chaotiques naturels de nos instruments.»

En un mot, Deerhoof, c'est la liberté. Donner un concert hommage à Joy Division, remixer la pop beige de Maroon 5, ouvrir pour Yoko Ono Plastic Band ou lancer une poignée de projets solo en même temps. Deerhoof, une vraie boîte à surprise musicale.

«Peut-être que tous ces musiciens qui nous citent envient ces libertés qu'on prend. Moi, j'envie plusieurs de ces groupes-là parce que j'ai parfois le sentiment que notre processus de création est mal perçu. Nous avons des intérêts musicaux très différents, et pour nous, accepter ça, accepter notre éclectisme et, par conséquent, accepter qu'on n'a vraiment aucune idée d'où on s'en va, c'est ça le plus difficile.»

Sur scène, Deerhoof promet (et livre) l'émerveillement: «Un truc qui ne cesse de m'émerveiller, ajoute John, c'est l'espace entre nous et l'auditoire, l'interaction nécessaire entre nous deux.» À voir et à vivre.

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Deerhof. À La Tulipe demain soir, 21 h 15.