Dominique Michel est une fidèle de Juste pour rire depuis la création du festival. Elle est aussi la marraine de bien des humoristes qui ont eu, en sa présence, leur premier gros succès sur la scène de l'événement créé par Gilbert Rozon. Pour La Presse, Dodo a accepté de se remémorer des événements marquants de ses participations au festival.

Q Avez-vous assisté à la naissance de Juste pour rire ?

R Oui, j'étais allée voir un spectacle la première année, en 1983. En 1984, je me souviens qu'il y avait l'imitateur français Thierry Le Luron. Puis, en 1985, à cinq jours du gala, j'ai remplacé Jean-Guy Moreau qui avait dû être opéré, pour animer avec Michel Drucker. On a travaillé sans arrêt pour préparer le gala, presque jour et nuit !

Q Vous avez animé cinq galas avec Michel Leeb en 1986. Toute une tâche !

R À ce moment-là, c'était comme ordinaire ! La première fois que j'ai animé, j'avais aussi deux numéros à faire par soir. Là aussi, j'ai travaillé comme une folle.

Q Et les années suivantes ?

R J'ai animé plusieurs fois avec pratiquement tout le monde ! En 1985, j'ai présenté André-Philippe Gagnon et son We are the World. C'était formidable. Le délire total ! Il était dans le même gala que l'humoriste français Francis Perrin, très abstrait, qui voulait passer après André-Philippe en fin de première partie. Mais j'ai baissé le rideau et j'ai dit au Français, très déçu :« Écoutez, je viens de vous sauver la vie, là ! » Je me souviens aussi de Popeck que j'avais dû sortir de scène, car il y était depuis une demi-heure alors que son numéro ne devait durer que quelques minutes !

Q Vous étiez animatrice également quand Jean-Marc Parent a fait son célèbre numéro du handicapé, en 1987.

R Il était très inquiet, mais je l'avais rassuré, car le public de Juste pour rire a toujours été un public averti, très spécial, en qui il faut avoir confiance, car il embarque dans la folie des gens. Par la suite, en 1991, j'ai présenté Patrick Huard pour sa première à Juste pour rire, à la suggestion de la directrice de l'École nationale de l'humour, Louise Richer.

Q Vous êtes un peu la marraine de Juste pour rire...

R C'est vrai que j'ai présenté plein de jeunes à leurs débuts, comme Lise Dion aussi. Tu vois tout de suite où ça peut aller. Et on ne s'est pas trompé. Chaque fois qu'on voyait quelqu'un qui était bien préparé, ça marchait. L'idée de Gilbert Rozon de faire un festival Juste pour rire était géniale et extraordinaire. Juste pour rire a permis de faire des découvertes. D'ailleurs, avec Yvon Deschamps, on se demandait pourquoi on n'avait pas pensé à créer un festival du rire avant, puisque les gens aiment tellement rire ici.

Q L'humour est une spécialité québécoise ?

R Au Québec, on aime rire. Le Québécois est bon enfant. Il aime s'amuser. Gaétan Labrèche (le père de Marc) m'avait dit que les comédiens, on les respecte, mais que les humoristes, on les aime. C'est tout à fait juste. Il y a une relation d'affection et de tendresse avec les humoristes au Québec.

Q Est-ce qu'on va vous voir cette année au 30e Juste pour rire ?

R Non, j'ai fait une apparition l'an passé. J'ai cru que je mourrais dans la boîte ! Cette année, ces traitements de chimio, ça enlève toute l'énergie. Je ne me plains pas, mais je ne pensais pas que ça pouvait nous jeter à terre comme ça. Les médecins m'ont recommandé de me reposer. Alors là, je me repose, car pour faire ce métier-là, ça prend une énorme énergie.

Q Quand vous voyez les jeunes humoristes d'aujourd'hui, quel regard portez-vous sur l'évolution de l'humour depuis une trentaine d'années ?

R Je pense qu'aujourd'hui, il y en a pour tous les goûts. J'aime bien François Bellefeuille, par exemple. Il est enragé. Tout lui tombe sur les nerfs ! Ce n'est pas facile de faire ce qu'il fait et ça fait du bien d'avoir un humoriste comme ça. Il sort exactement ce qu'on pense. Il est excellent et intelligent. Quand on fait de l'humour, il faut être intelligent et avoir le sens du ridicule. J'aime bien Cathy Gauthier aussi. Elle a du talent. Elle est vindicative. Elle en veut. Mais je l'ai prévenu que sacrer sur scène... il faut faire attention ! Je n'ai jamais sacré dans mes spectacles. Il ne faut pas en abuser.

Q L'humour fonctionne sur toutes les plateformes aujourd'hui au Québec, même dans les bars, comme dans les cabarets autrefois.

R À la seule différence que le public écoute maintenant. Tandis que pour nous, il n'écoutait pas! On attirait énormément au cabaret Le Beu qui rit, mais les gens parlaient tout le temps ! Les étudiants venaient fêter leur diplôme. Mais on avait un public super intelligent et on aimait être là et faire rire...