Oui, François Morency est l'ami des stand-up et il l'a encore prouvé hier pendant son gala, où il n'y avait aucun invité qui sortait du genre. Pas de danse, très peu de chansons (sinon pour faire rire), aucune imitation, pas de cirque, pas de clown: que des blagues et encore des blagues.

Ouverture sobre, d'ailleurs, pour l'humoriste, qui célébrait ses 15 années consécutives de participation aux galas Juste pour rire. «Vous êtes chanceux, tous les humoristes annoncés sont là ce soir» a-t-il lancé, en revenant sur la polémique du Gala de Mike Ward où plusieurs vedettes de l'humour ont dû annuler leur présence.

Il a expliqué son nouveau métier: «interprète de vérité», qui consiste à traduire pendant leurs discours la vraie pensée des gens. Parmi ses clients: la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, Charles Lafortune, le Bonhomme Carnaval, Colette Provencher, Louise-Josée Mondoux et Claude Poirier, qui ont tous fait une petite apparition pendant laquelle ils acceptaient gentiment les services un peu impudiques de Morency. Difficile à expliquer ici, car il fallait les voir sur scène pour constater le décalage entre ce qu'ils disaient et ce que Morency dévoilait...

Ce qui a été fort apprécié en tout cas, ont été les numéros d'enchaînement entre les invités, sous le thème du «tough». François Morency n'a pas cessé d'écoeurer son technicien gros et costaud en surenchérissant à outrance sur ses qualités viriles. Le public en redemandait.

Le jeune Pierre Hébert, mieux connu sous le personnage de l'handicapé Renaud, y est allé à découvert, en racontant son premier voyage dans le sud avec sa blonde. Amusant, mais il lui sera difficile de se séparer de ce personnage fort que tout le monde lui réclame. Alex Perron a livré un extrait de son spectacle solo qu'il présentera bientôt à Montréal, Un gars, c't'un gars - titre ironique bien entendu. Il conteste la création de Dieu qu'est l'Homme, et propose une foule de changements à son corps. Pourquoi pas deux coeurs au lieu d'un? «Ça va prendre pas mal de Kentucky pour en boucher juste un!». Texte gentil d'un humoriste dont on attend un humour beaucoup plus bitch - c'est comme ça qu'on l'aime...

Le premier à avoir vraiment brisé la glace a été le jeune français Fabrice Éboué - événement rare dans les galas où les jeunes premiers, surtout quand ils sont français, se cassent souvent la gueule. Morency l'a d'ailleurs présenté comme faisant partie de la nouvelle génération d'humoristes de l'Hexagone qui font du stand-up d'inspiration américaine, c'est à dire sans quatrième mur... Il faut dire aussi que Fabrice Eboué a sûrement bien écouté les conseils qu'on lui a donnés car il a livré un texte sur les Québécois. Et il n'y a rien que le public québécois n'aime plus que d'entendre parler de lui par «les autres». Éboué a ri de Jacques Cartier, de la devise «Je me souviens», louangé la beauté des Montréalaises (sauf dans le quartier anglais), et trouvé le souvenir parfait à rapporter en France: une baguette de pain en forme de pénis achetée au Village. Un peu cliché, mais un sans faute quand même.

Le jeune Alexandre Barrette s'est vraiment très bien débrouillé en racontant quels sports il trouve plates, et pourquoi. Le lancer du javelot, la pêche («surtout quand on remet les poissons à l'eau») et le ski de fond, «le seul sport où même la nature te trouve ennuyant». Tout cela en ne cessant de faire des liens entre eux.

Puis est arrivé Sugar Sammy, cet humoriste montréalais d'origine pakistanaise en train de conquérir la planète. Il fait rarement des numéros en français mais il s'est lancé, avec l'humour méchant qu'on lui connaît. Si on le compare à son ami Rachid Badouri, par exemple, ce dernier serait Batman et Sammy serait le Joker. Humour grinçant, particulièrement rough envers les «pures laines», mais il épargne peu de monde. «C'était cute votre petit projet de référendum. C'est là que nous, le vote ethnique, on a su qu'on était passé à ça de l'esclavage.» Protestation de la foule. «Je vous taquine, mais au moins, c'est en français» a répliqué cet enfant de la Loi 101.

Anthony Kavanagh était en meilleure forme qu'au gala Dubosc et Rousseau. Dans un texte où il rappelait que le monde était, en tout, divisé en deux, «les clitoridiennes et les menteuses, les bons et les Blanc...». Un monologue mieux maîtrisé et mieux rendu. «La seule différence entre l'école publique et l'école privée, c'est le prix de la dope.» «Il y a les sportifs qui se dopent et ceux qui perdent.» Devinez ceux qui sont allés au privé...

Jean-Marc Parent est venu clôturer la liste des invités en racontant, comme d'habitude, une anecdote qu'il peut étirer des heures dans ses moindres détails hilarants. Difficile de rapporter une blague, un punch, dans ses monologues qui se tiennent du point A au point B, provoquant un crescendo de rires dans la salle, qui lui offre chaque fois, comme l'a rappelé Morency, son nanane: l'ovation debout.

En finale, François Morency a chanté la sérénade à une spectatrice, interrompu par une foule d'apparitions surprises, parmi lesquelles Bruno Pelletier, Ringo Rinfret, Gilles Latulippe... et le fameux tough, qui a raflé la fille. Un gala 100% stand-up.