Cheveux lissés, élégante chemise bleue, santiags, verres fumés. Profondes inspirations précédant les réponses, débit lent, propos évanescents, éclairs de substance. Comme ce fut le cas l'été dernier, Alain Bashung s'est attablé devant les médias pour une heure entière de générosité avant de se diriger à la répétition du Métropolis où il se produira deux soirs d'affilée avec ses invités dans le cadre des FrancoFolies.

«Vous aviez vu l'autre spectacle l'an dernier? Celui-ci n'a rien à voir «, prévient-il d'entrée de jeu. Fidèle à lui-même, l'artiste ne s'y prendra pas de la même façon pour nous jeter par terre comme il l'a fait magistralement en 2004 après avoir créé L'Imprudence, disque mémorable s'il en est.

« C'était une conception visuelle où j'évoluais comme un personnage dans un film. Là, il y a moins de sollicitation d'images, il y a une autre atmosphère, je suis peut-être plus là en tant qu'Alain Bashung et non pas un univers où un bonhomme évolue plus ou moins bien. Musicalement, c'est aussi différent; c'est moins orchestré, chaque musicien occupe une autre place.»

Ces deux cartes blanches, d'ailleurs, font suite à une série de six soirées parisiennes données en juin par Bashung et six brochettes d'invités sous la bannière Domaine privé, à la Cité de la musique.

« Il s'agissait de réunir des musiciens ou des artistes qui m'ont aidé à fabriquer des disques. Des types assez particuliers comme le guitariste Link Wray, un monsieur de 76 ans qui a eu beaucoup de mal à venir... et à repartir! Il y a eu aussi le guitariste Sonny Landreth qui m'avait aidé à faire Osez Joséphine. Il y a eu Colin Newman, qui fait des choses étonnantes et qui est venu avec Githead, son nouveau groupe. Il y a eu également Arto Lindsay, une espèce de bonhomme qui mélange le punk new-yorkais à la musique brésilienne avec de l'humour et de la virtuosité... C'était une manière de montrer ce qui peut se passer entre l'attitude naïve et la virtuosité. «

Seul Christophe est retenu

Configuration différente des spectacles montréalais, donc. De ces soirées tenues à Paris, seul Christophe a été retenu- sauf le groupe de Bashung, bien entendu. Au sujet de Christophe, un de ses principaux invités de ce soir dont il a déjà repris Les Mots bleus, l'hôte des cartes blanches sera tendre et louangeur.

«C'est un type qui a fait des succès populaires mais qui s'est aussi intéressé aux sons, à l'esthétique des mots, aux musiciens, à la façon de fabriquer des disque. Il est très savant. Il a longtemps préféré s'abstenir de monter sur scène, il y est revenu après une très longue absence et il a fait le meilleur spectacle de l'année... Moi je l'avais connu à une autre époque, il y a très longtemps... J'ai déjà repris sa chanson Les Mots bleus, un peu pour lui dire que je l'aimais toujours. J'ai aussi fait allusion à Christophe sur une chanson de l'album Novice qui s'appelait Alcaline (dont le titre contient Aline, un de ses grands succès); c'était pour lui faire un petit coucou de loin. C'est notre façon de parler... « Au sujet de Robert Charlebois, autre plat de résistance du programme de ce soir, Alain Bashung multiplie les salam: « Avant que je puisse enregistrer des choses avec une espèce de démarche, j'avais écouté ce disque où il était coiffé d'un casque militaire avec des fleurs dessus. Je m'étais dit: ça c'est en français? Wow! Là, on a fait un grand pas en avant. Dans une langue domestique, Charlebois était un des premiers à introduire l'ironie, une ironie qu'on ne trouvait peut-être pas chez Félix Leclerc, Claude Léveillée ou Gilles Vigneault. L'ironie n'est pas un sentiment nouveau, mais qu'un artiste l'utilise, ça voulait dire quelque chose.»

«On avait besoin de ça pour avoir une distance par rapport à la société, à la vie qui se présentait alors. De plus, on commençait à avoir une notion de vie internationale, une culture qui n'était plus seulement le reflet de son propre pays. Charlebois nous a tous aidés en ce sens car on voyait bien qu'il aimait le rock, le country, le blues. Et c'était vivant. C'est très important car même une belle écriture peut devenir académique », fait valoir l'artiste français, estimant qu'évoluent désormais chez nous tout plein « d'enfants de Charlebois ».

De Daniel Darc, autre artiste remarqué dans l'Hexagone et peu connu en Amérique francophone, Bashung souligne le parcours assez particulier.

« Il a eu une première carrière avec un groupe qui s'appelait Taxi Girl, c'était la période punk/new wave avec tous les clichés qui vont avec. Daniel les assumait, je crois qu'il les assume toujours. Il fait partie de ces gens qui se sont réveillés quand le rock a commencé à exister pour eux... en leur disant Vous n'êtes pas fous. Le rock devenait une manière de faire ressortir les plaisirs et la sensualité de la vie, le rock permettait de se libérer sans se sentir intrus, de trop, déplacé. »

De Diane Dufresne, invitée québécoise du second programme (demain) comme l'est Daniel Darc, Bashung sera aussi bref qu'élogieux. « C'est une femme de spectacle, une des plus grandes au monde. Personne n'a imaginé le spectacle comme elle l'a fait. »

De Chloé Mons, sa compagne, elle aussi artiste, il évitera poliment de commenter l'invitation. « Nous sommes très attachés... Je suis mal placé... » Ce qu'il y a en commun entre lui et ses invités? Le musicien se contente d'insister sur ce qui distingue les artistes des autres humains.

«Nous essayons de trouver des biais, d'être étonnés, de nous trouver dans des situations particulières car nous ne sommes pas routiniers. Nous sommes très malheureux quand nous répétons les choses... Ça décourage parfois notre entourage, il peut y avoir une incompréhension... mais nous tirons presque une fierté de cette incompréhension. Nous n'avons pas envie de trop expliquer les choses... Il y a pas mal de pudeur et de timidité, ce qui ne nous empêche pas d'avoir une espèce de diable qui cavale dans la tête. »

Alain Bashung et ses invités se produisent ce soir et demain, 21 h au Métropolis.