«Pour que la lumière rejaillisse si clairement, la noirceur doit être présente», a déjà dit le peintre Francis Bacon. Gay Talese l'avait compris.

Ce brillant journaliste a pondu dans les années 60 et 70 de sublimes portraits d'anciens héros. Pendant que ses collègues couraient après les vedettes de l'heure, lui flânait auprès de celles légèrement défraîchies.

Il a tiré de ces rencontres des portraits beaux et vrais, touchants parfois et toujours justes. Il y a eu cette rencontre avec Floyd Patterson, l'ancien champion du monde de boxe obsédé par ses défaites; celle avec un Joe DiMaggio grisonnant, qui passe ses vieux jours à pêcher et à boire des coups; ou encore celle avec Frank Sinatra, monument qu'un rhume a rendu irritable et plutôt imbuvable. La bande derrière les revues françaises Feuilleton et Desports vient de réunir 14 des meilleurs articles de Gay Talese dans un recueil qui n'a pas pris une ride.

Ses papiers étaient construits comme des nouvelles littéraires plutôt que comme des articles à consommation rapide. Cinquante ans plus tard, ils restent comestibles. La force d'un portrait est dans ses ombres: c'était vrai en 1960, ça l'est encore aujourd'hui.

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Sinatra a un rhume, Gay Talese. Éditions du sous-sol, 311 pages.