Kent Nagano y alla de quelques mots sur Prométhée : le Poème du Feu, de Scriabine, la grande nouveauté du programme de l'Orchestre Symphonique de Montréal hier après-midi, lançant son «Vous pouvez m'entendez?» de ses deux mains formant haut-parleur et rejoignant chacune des 2800 personnes qui remplissaient la salle Wilfrid-Pelletier, malgré cette belle journée de fête des Mères.

On avait en effet noté, dès l'entrée dans la salle, que la scène était «décorée» de sept panneaux suspendus, plus un huitième en retrait et cinq autres au-dessus, soit 13 en tout - combien tout cela a-t-il coûté? -, destinés à recevoir les couleurs imaginées par Scriabine (qu'une spectatrice, non loin de moi, avait joliment rebaptisé Scarabine).

Le Scriabine se fit attendre cependant. L'après-midi commença par un hommage au percussionniste Jacques Lavallée, l'un des piliers de l'OSM, qui prend sa retraite après 27 ans. Son collègue André Moisan, clarinettiste, lui présenta un souvenir au nom de l'orchestre.

Nagano lança ensuite le concert sur une pièce de Dutilleux. On en avait déjà entendu le 5 octobre et le 27 mars et on allait en entendre une quatrième après l'entracte. Notre maestro est manifestement un fan de Dutilleux. Mais faut-il que 2800 personnes le soient aussi? Cette musique est extrêmement organisée - on n'attend pas moins d'un nonagénaire qui écrit très peu -, mais elle est aussi un rien prétentieuse et un rien ennuyeuse.

La réorganisation de la scène prit 10 minutes, le «mot» de Nagano inclus. Ce Prométhée d'une durée de 20 minutes est une espèce d'immense indigestion orchestrale dont émerge péniblement le piano, au centre. L'oeuvre s'augmentait hier de son côté cinéma souhaité par Scriabine. C'est-à-dire: couleurs diverses projetées sur tous les panneaux à la fois ou successivement, ou encore directement dans les yeux des pauvres spectateurs, et ce, depuis un «clavier de lumières» opéré à droite sur scène par le deuxième chef assistant Nathan Brock.

Je n'ai été impressionné ni par la musique, ni par les couleurs, et je n'ai pas remarqué, dans le brouhaha, le petit choeur de 20 personnes qui intervient à la toute fin. Quant aux odeurs de parfum promis, je n'ai rien senti et plusieurs personnes ont fait la même remarque.

Très chargé, ce concert, que complétait une quatrième oeuvre: la version originale, de 1926, du quatrième Concerto de Rachmaninov, où le fébrile soliste était de nouveau Alain Lefèvre. Cette version de 32 minutes - plus longue que les deux subséquentes et, en fait, trop longue - a trouvé Lefèvre en grande forme technique mais capable aussi de la plus belle expression. À vrai dire, le mouvement lent, marqué Largo, où le piano est souvent seul à se faire entendre, fut le seul moment émouvant du concert entier.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Soliste : Alain Lefèvre, pianiste. Hier après-midi, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Dimanches en musique». Programme : Métaboles (1964) - Dutilleux Prométhée : le Poème du Feu, avec piano, op. 60 (1911) - Scriabine Muss es sein? (2000) - Dutilleux Concerto pour piano et orchestre no 4, en sol mineur, op. 40 (version originale, 1926) - Rachmaninov