«Si ces oeuvres-là peuvent faire réagir, ce sera notre plus grande victoire.» Agent culturel dans Villeray-Saint-Michel-Parc Extension, Claude Morissette a eu l'idée de rassembler une cinquantaine d'oeuvres d'artistes québécois dans la quarantaine ou pas loin et ayant des préoccupations sociales ou politiques.

Cela donne une double exposition présentée à la TOHU et dans la Salle de diffusion de Parc-Extension sous le titre «Narration et engagement dans la peinture contemporaine».

Mis à part le fait d'entretenir des relations d'amitié entre eux, les artistes Marc Séguin, Max Wyse, Sylvain Bouthillette, Osvaldo Ramirez Castillo, Massimo Guerrera, Martin Bureau, David Lafrance et Rafael Sottolichio ont en commun d'utiliser leur art pour évoquer des situations, voire les dénoncer.

Chaque artiste a ses thèmes et exprime ses «coups de gueule» selon sa propre tonalité. Par exemple, chez Osvaldo Ramirez Castillo, originaire du Salvador, le coup de gueule est clair. L'artiste a encore, ancrées dans sa mémoire, les violences qui ont marqué ce pays dans les années 80. Avec une précision d'illustrateur, il dessine des hommes qui sont des monstres de cruauté. Dans sa toile Atlacatl Soldier, un militaire tue avec le portrait du Christ sur la poitrine.

De l'horreur à l'absurde, il n'y a qu'un pas avec les plexiglas très graphiques de Max Wyse, qui laisse aller son imagination pour créer des univers fantastiques dotés de créatures multiformes et dans lesquels la critique sociale est moins évidente que la liberté créatrice.

Avec Massimo Guerrera, on plonge dans l'introspection avec sa manière d'envisager les relations humaines comme symbiotiques et créatrices d'énergie, et ce souci de promouvoir des échanges fondés sur la croissance de l'âme. Dans ses tableaux vernis, ses messages ne sont pas toujours clairs, mais c'est le cas dans Partager les outils d'affection, où il rappelle que le livre peut s'avérer libérateur.

Parmi les autres oeuvres exposées, celles de Sylvain Bouthillette - avec ses éléments itératifs (comme son tigre dans Shovel) ou leur aspect lugubre et tragique - surprennent et interrogent. Qu'a-t-il voulu dire par «émission-absorption»? Que l'on est en mouvement permanent, en interaction constante, dans une société complaisante. Bouthillette condamne l'impertinence avec impertinence. Et finalement pertinence.

On retrouve aussi les paysages faussement enfantins de David Lafrance, prônant un retour aux valeurs de base, et les toiles colorées de Rafael Sottolichio qui, avec ses thèmes industriels et architecturaux, met le doigt sur notre obsession de la consommation.

Marc Séguin expose quelques-unes de ses grandes toiles évocatrices, notamment la cathédrale de Port-au-Prince en ruines et son coyote qui s'abreuve du bleu du ciel, Closed Circuit et cette femme au visage recouvert de goudron qui semble en suspension, ou encore Portrait de Stéphanie B, magnifique tableau sur l'enfermement.

Enfin, on tombe sous le charme des toiles que Martin Bureau a réalisées à son retour de Chine. Des oeuvres fortes et sombres, sur l'empire du Milieu qui devient le centre du Monde, sur les violences guerrières ou sur celles de l'industrie polluante. Son sous-marin en forme de requin qui sème le mal dans des eaux sanguines est tout aussi suggestif que son dragon chinois émergeant d'un édifice glacial qu'on croirait sorti d'un lac d'aluminium.

Coup de coeur pour un coup de gueule.