Quarante-sept tableaux, ce n'est pas énorme, mais les musées et les collectionneurs laissent rarement sortir leurs précieux Van Gogh. Il faut donc en profiter quand ils passent dans un musée près de chez nous. Van Gogh. De près, à Ottawa, propose un regard neuf et révélateur sur l'oeuvre de cet artiste mythique. On en oublie sa triste histoire et son destin tragique.

On nous le dit dès l'entrée dans les salles du Musée des beaux-arts du Canada: Van Gogh faisait de gros plans. Il zoomait avant que le mot ne soit inventé. Il adoptait des points de vue insolites. Ses couleurs étaient audacieuses. Surtout dans les dernières années de sa vie, à Paris, puis en Provence. De 1886 à 1890. Une fois que le visiteur sait cela, il regarde d'un oeil neuf chaque tableau exposé. Il imagine l'artiste couché dans l'herbe s'attardant à ce qu'il voit dans cette position, depuis l'iris, en gros plan, jusqu'à la ville au loin, comme c'est le cas pour Vue d'Arles avec iris au premier plan. Ou, encore, debout sur un balcon d'où il aurait pu avoir cette étonnante vue en plongée sur un jardin (Jardin à Auvers).

Les tableaux exposés - paysages et natures mortes - sont regroupés par thèmes et présentés de manière à montrer l'évolution du peintre depuis le moment où, influencé par les impressionnistes, il se détache de la figuration traditionnelle du XIXe siècle pour aller vers une certaine abstraction, en passant par plusieurs découvertes plastiques qui feront de lui un artiste d'avant-garde. Le musée insiste aussi sur les liens étroits de Van Gogh avec la nature. Il n'y a ni portraits ni autoportraits dans cette exposition.

Tout le long du parcours proposé, le visiteur a droit à l'explication des thèmes et, pour un bon nombre de tableaux, à des affichettes décrivant sa manière de faire. Il faut les lire. C'est là qu'est la clé. Outre ces explications, on trouve, écrites directement sur les murs, des citations de Van Gogh, entre autres. Celle-ci par exemple: «Je m'allonge à plat ventre dans le sable, devant une vieille racine d'arbre, et je dessine. Affublé de mon sarrau de toile, ma pipe au bec, je plonge mon regard dans les profondeurs du ciel bleu ou je contemple la mousse et l'herbe. C'est ainsi que je retrouve le calme.»

Van Gogh voulait compter dans l'histoire de l'art. Il voulait innover, faire partie des peintres d'avant-garde comme ses amis Gauguin et Degas. Il était, lui aussi, sous influence japonaise. On en a un bel exemple avec Amandier en fleurs, un tableau célébrant la naissance de son neveu. Simplicité, humilité à la japonaise dans le choix de certains sujets: un gros plan de fleur de tournesol desséché, un champ de pissenlits, un tas de pierres. Pour lui, même le plus petit détail est essentiel à notre compréhension du monde.

Pour mieux comprendre le peintre Van Gogh et le situer dans l'époque, le musée a ajouté trois petites expositions. L'une est consacrée à une série de gravures japonaises, dont un bon nombre d'estampes remarquables de Hiroshige, contemporain de Van Gogh. La deuxième s'intéresse au nouvel art de la photographie (de la nature), à laquelle le peintre néerlandais n'était pas indifférent. La troisième au genre d'images auxquelles il a pu être exposé au cours de sa vie.

Parce c'est Van Gogh, de la visite rare, on n'a pas hâte de quitter l'exposition. Même s'il y a dans les salles presque autant d'agents de sécurité que de tableaux. Il faut réserver sa visite au musée, date et heure comprises. Mais on a le droit d'y rester aussi longtemps que l'on veut.

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Van Gogh. De près, jusqu'au 3 septembre, au Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Entrée: adultes 25$. On peut se procurer des billets horodatés par téléphone, au 1-888-541-8888 et sur achatsmbac.ca