Le photographe et communicateur Alexandre Champagne, bien connu pour son travail avec Marilou sur le projet de recettes et d'art de la table Trois fois par jour, est le porte-parole du Word Press Photo qui se déroulera du 29 août au 30 septembre au Marché Bonsecours. Il y présentera lui-même des photos prises un an après la tuerie de la Mosquée de Québec. Alexandre Champagne lancera aussi le 19 septembre un livre intitulé L'art de réussir toutes ses photos avec son téléphone cellulaire, aux éditions Cardinal.

L'utilisation de photos d'amateurs dans les journaux

Pour

«C'est une excellente question. C'est sûr que je trouve que le métier de photojournaliste est très important et qu'il faut limiter l'utilisation de photos d'amateurs. Mais les photojournalistes ne peuvent pas être partout, et on devrait leur réserver des grands reportages, des choses qu'un amateur ne serait pas capable d'aller chercher. Par contre, un fait divers pris par un amateur, ça rassemble les gens. Monsieur et madame Tout-le-Monde ont l'occasion de faire une belle photo de temps en temps, alors pourquoi ne pas se donner un angle de vue supplémentaire?»

Les photos de bouffe sur Instagram

Pour

«Pour des raisons évidentes, je suis bien obligé de dire que je suis pour [rires]! Mais c'est correct. La manière dont je le faisais, c'est un art. On m'a souvent accusé de faker des affaires, mais tout le monde aime ça faire des belles tables quand il reçoit! Et moi, je suis là pour les prendre en photo. Après ça, si tu veux montrer aux gens ce que tu manges... Il faut arrêter de dire aux gens ce qu'il faut montrer ou pas. Si tu es sur Instagram et que tu aimes montrer de photos de toi en train de t'entraîner, la personne qui fait de la bouffe à la maison a le droit de mettre ses photos de bouffe sur Instagram. Ce n'est pas à moi de décider ce que les autres font.»

La démocratisation de la photo

Pour

«C'est parfaitement correct. La photographie était réservée aux gens très riches il y a une centaine d'années. Les gens se l'approprient maintenant parce qu'avec le cellulaire, on peut prendre des super photos. Il y a deux ans, je pense, au World Press, il y a même eu une photo gagnante qui avait été prise avec un cellulaire. C'est un médium qui augmente en popularité. Ce n'est pas trop cher, il n'y a pas d'objectif à traîner, on l'a toujours dans la poche, on peut faire ça rapidement et les performances sont magnifiques. Il va falloir qu'on se rende à l'évidence, c'est ça qui se passe.»

Parler de sa vie privée sur les réseaux sociaux

Pour

«Dans une certaine mesure, c'est correct. Marilou et moi, quand on faisait Trois fois par jour ensemble, on se rendait compte qu'il y avait un peu moins d'intérêt quand on ne parlait pas de notre vie privée. On a été pris un peu là-dedans. Mais aussi on préférait dire les choses nous-mêmes et donner tous les détails, plutôt que laisser les rumeurs aller. Il y a beaucoup de sites de potins au Québec, qui sont très amateurs et très, très mauvais. On ne voulait pas qu'ils fassent circuler des nouvelles approximatives sur nous. Mais encore une fois, les gens font ce qu'ils veulent sur les réseaux sociaux. S'ils veulent partager leur vie privée, tant mieux. Si c'est à outrance, peut-être qu'il y a un problème, mais ce n'est pas à moi de juger.»

Montrer l'horreur en photo

Contre

«Je trouve que ça ne donne rien. On sait de quoi ça a l'air du sang, du monde mort, on n'a pas besoin de le voir pour comprendre, on peut se l'imaginer et c'est bien en masse. J'ai souvent reproché au World Press, il y a quelques années - maintenant c'est beaucoup mieux -, de montrer les conflits par leur fatalité. Par exemple à l'époque des cartels de drogue mexicains, il y avait des règlements de compte en pleine rue, en plein jour; on voyait des gens décapités, pendus, tout ça... Je trouve qu'il y a des manières moins suggestives et plus objectives de montrer des conflits. C'est le travail du photojournaliste de laisser une certaine place à l'interprétation. Pour moi, c'est faire preuve de créativité, et c'est un must pour un métier où tu te sers de l'image pour raconter les choses.»

Les filtres

Pour

«Dans une certaine mesure, on peut donner un aspect différent à une photo en mettant des filtres, l'améliorer. Ça fait des années qu'on consomme des magazines où les photos sont photoshopées, et là ça chiale quand on fait juste changer la couleur du ciel. Mais on peut appliquer les couleurs qu'on aime sur une réalité qui existe. Tant qu'on ne ment pas, on peut mettre un filtre. C'est une manière de s'exprimer, dans le fond. Moi, je mets des filtres sur toutes mes photos! Une photo, c'est un bloc d'informations. Après, tu le traites comme tu veux pour que ça ressemble le plus possible à la réalité, mais en l'améliorant. C'est comme une toile.»