L'organisme Art souterrain et le Carrefour jeunesse-emploi Montréal centre-ville se sont associés pour former de jeunes artistes visuels aux réalités du marché de l'art. Le programme intitulé Artch a débuté en juin avec une formation théorique et des ateliers, et s'achèvera en septembre par une expo au square Dorchester. La Presse a rencontré quelques-uns des 21 artistes qui forment la première cohorte d'Artch.

Le fondateur d'Art souterrain, Frédéric Loury, l'avait annoncé dans La Presse l'hiver dernier. Depuis deux ans, il mijotait l'idée de créer un marché de l'art émergent en repérant, formant et accompagnant de jeunes pousses des arts visuels provenant des universités. 

Intitulé Artch (contraction des mots «art» et «marché»), ce projet inédit se concrétise cet été grâce à une collaboration avec l'UQAM, l'Université Concordia, l'agence Jack Marketing et le Carrefour jeunesse-emploi Montréal centre-ville, dont la mission est d'accompagner des jeunes de 16 à 35 ans dans la poursuite de leurs projets éducatifs, professionnels et créatifs. 

En collaboration avec le Conseil des arts de Montréal, un jury formé notamment de la commissaire Anne-Marie Ninacs et du galeriste Pierre-François Ouellette a sélectionné 21 artistes sortis pour la plupart des universités parmi un total de 82 candidatures. 

Formation

La formation de 52 heures est donnée en français et en anglais dans les locaux du Carrefour, à l'intersection des artères Sherbrooke et Robert-Bourassa. Des ateliers, des cours de mise en marché commercial et de financement de projets, des conseils juridiques, fiscaux et administratifs, des informations sur les droits d'auteur et sur l'art de communiquer, etc.

«Le but est de bien outiller ces jeunes qui sortent des études, de les faire connaître auprès des professionnels, et aussi de créer un marché de premiers acheteurs», explique Frédéric Loury. 

«Il est important que ces artistes puissent jouir d'une formation de haut niveau qui leur permettra de devenir des entrepreneurs de leur art, ajoute Martin Choquette, directeur général du Carrefour jeunesse-emploi Montréal centre-ville. Notre mandat est de les aider à se propulser, en plus de leur offrir une vitrine originale afin de leur procurer de la notoriété.» 

Le prof Devlin

La Presse a assisté à un cours du galeriste Éric Devlin qui a abordé les différents acteurs des marchés de l'art, l'estimation de la valeur des oeuvres d'art et les différentes manières de se rendre visible sur les plateformes de ces marchés.

Éric Devlin a remonté dans l'histoire de l'art pour évoquer l'émergence du marché primaire, établi entre les artistes et les clients, de façon directe ou par l'intermédiaire des galeries, puis la montée en puissance de ce marché primaire en parallèle avec la constitution d'une classe moyenne dans les pays occidentaux. 

Il a également expliqué aux étudiants comment les prix de l'art évoluent en fonction des modes, des communications et des conditions économiques. Il les a incités à voyager, à s'informer, à s'ouvrir aux influences extérieures, à oser l'originalité, à être débrouillards... 

«C'est une bonne introduction aux marchés, l'argent et l'art, on n'en parle pas beaucoup à l'université! C'est péché!»

Photo François Roy, La Presse

Ann Karine Bourdeau Leduc a déjà présenté une expo solo à Québec. Ayant une pratique sculpturale et installative, elle aime associer des matériaux hétéroclites pour créer des oeuvres qui interrogent «la figure symbolique de la maison».

«C'est pour ça que je trouve qu'Artch est intéressant. On nous apprend des choses qui ne sont pas nécessairement enseignées à l'université, donc c'est très formateur», estime Ann Karine Bourdeau Leduc, diplômée de l'UQAM.

«Je suis à un moment charnière de ma carrière. Je suis prête à aller sur le marché. Ce cours est donc intéressant, car Éric Devlin parle bien franchement des mécanismes et des stratégies du marché de l'art au Québec et à l'international. C'est fou comme on apprend des choses! C'est très complet, concret et enrichissant», poursuit Maude Corriveau, diplômée de l'UQAM.

Même son de cloche chez le jeune peintre montréalais Alexandre Pépin qui estime qu'Artch est un «bon tremplin» pour un artiste en début de carrière. 

«Les cours jusqu'à présent m'ont fourni beaucoup de réponses aux questions que je me posais.»

Le marché montréalais

Pour Julien Trésor Kandolo (de son nom d'artiste Kando), cette formation était nécessaire pour d'autres raisons. Originaire de Kinshasa, la capitale du Congo, il habite à Montréal depuis 2009. Ayant déjà participé à plusieurs expos collectives, notamment à New York et au Texas, il s'était porté candidat à Artch car il voulait mieux comprendre le public montréalais. 

«Montréal n'est pas un marché facile à percer. Quand tu viens d'ailleurs, ce n'est pas évident, d'autant que je n'ai pas encore de galeriste. J'avais cherché un galeriste, mais ma méthode n'était pas la bonne. Avec ce que j'apprends ici, je vais pouvoir m'ajuster.» 

Les artistes qui participent à Artch ont reçu une bourse de 1000 $ pour leurs 10 jours de formation, qui se conclue avec une exposition. En effet, ils présenteront leur travail du 13 au 16 septembre, au square Dorchester, au sein d'une installation de modules alliant design, urbanisme et architecture. Cet événement présentera également des performances et des ateliers d'initiation. 

«Ces initiatives ont pour but de faire rayonner la relève en art contemporain de Montréal [et bientôt de toute la province] en facilitant son intégration dans la réalité du marché, dit Frédéric Loury. Notre intention avec ce programme est aussi de rendre accessible l'art contemporain, de le démocratiser et de stimuler l'éclosion de ces talents indéniables.»

Photo François Roy, La Presse

Diplômée de l'UQAM, Maude Corriveau aime s'interroger sur « le statut des objets de consommation clinquants et obsolètes de notre identité culturelle ».