Artiste de Vancouver, Paul Morstad est de retour à Montréal pour un deuxième solo à la galerie Youn, présenté jusqu'au 14 juillet. Avec ses aquarelles minutieuses et délicates, l'artiste britanno-colombien évoque la fragilité de la nature et l'inconscience humaine.

Paul Morstad connaît bien Montréal et s'y sent chez lui. Il a vécu dans la métropole québécoise pendant dix ans alors qu'il y réalisait des courts métrages d'animation pour l'Office national du film.

Aujourd'hui parvenu à vivre de son art, il regrette un peu le temps où il se baladait dans les quartiers de la ville. «Mon coeur est encore ici à Montréal, dit-il en entrevue. Montréal est une ville d'aventure, d'amitié et tellement ouverte.»

Passionné d'ornithologie, de zoologie, de musique et de voyages, Paul Morstad est venu récemment à Montréal présenter le corpus qu'il a montré avec succès en mars à Paris quand la galerie Youn a participé à la foire Drawing Now. Une série de dix aquarelles, plus engagée que son travail précédent et toujours aussi riche de contenu.

Avec habileté et une certaine retenue, Paul Morstad nous immerge dans la nature maritime et terrestre dont il raffole pour aborder sans emphase notre incapacité à faire cesser la pollution des océans, notre arrogance envers le règne animal et notre ingéniosité... à nous gâcher la vie!

«Aujourd'hui, tout va très vite dans le monde, notamment en ce qui a trait au climat, avec des citoyens qui ne semblent pas avoir conscience qu'il faut changer nos comportements», dit-il.

«Même si je ne veux pas faire d'art politique, je ne peux faire autrement que de parler de ces choses. Car je suis complètement amoureux de la nature et de la diversité des espèces.»

Les oeuvres de Morstad mêlent humanité, animalité et fantastique. Comme dans son aquarelle Virungu Mountain Breakdown, où le monde de la littérature est embarqué, en pleine jungle, dans un hors-bord tiré par un okapi!

Le fantastique peut parfois prendre toute la place: dans l'aquarelle Song Lines, un cycliste ailé (l'écrivain britannique Bruce Chatwin) bouquine et fume tout en survolant un paysage désertique, en compagnie de kangourous virevoltants. Un hommage à Chatwin et à l'ouverture aux cultures des autres de cet auteur de nombreux récits de voyage.

Poésie

Paul Morstad a une façon très poétique d'évoquer les menaces faites à la biodiversité et les tensions militaires. Comme avec ce rorqual encadré par des mines explosives et chevauché par une grappe de petites vieilles dans Dong Fang Hong. Il y a ainsi souvent à la fois un constat, un espoir et une tendresse dans plusieurs de ses aquarelles. Parfois même un peu d'histoire, comme dans Submarine Incident (Gangneung Style), où le sous-marin utilisé comme plongeoir rappelle une célèbre opération d'espionnage ratée de la part de la Corée du Nord chez son voisin du Sud en 1996.

Il y a aussi une sorte d'indolence dans ses oeuvres. Les êtres humains semblent y vaquer à leurs occupations, plongeant autour des baleines, les utilisant comme tremplin. Ses baigneurs et baigneuses d'un autre temps, vêtus de combinaisons de bain des années 20, nagent en harmonie avec les animaux marins. Profitant des richesses marines de cet écosystème si fragile et précieux sans visiblement s'en soucier.

Le travail de Paul Morstad est soigné, détaillé, minutieux. Il travaille souvent dix heures par jour sur ses dessins. Il a un bon sens des proportions, un trait sûr pour imprimer le mouvement et le caractère des personnages. Ses couleurs sont feutrées, jamais agressives. Une oeuvre belle, inspirante et nuancée.

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Le club de baignade de l'île de Baffin, par Paul Morstad, à la galerie Youn (5226, boulevard Saint-Laurent, Montréal), jusqu'au 14 juillet.