La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, trouve « regrettable » qu'une oeuvre d'art puisse quitter le pays, mais ne compte pas s'ingérer dans les affaires du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) pour respecter son indépendance.

« Je trouve toujours ça regrettable quand une oeuvre d'art importante quitte le pays, mais en même temps, il y a des décennies, on a décidé qu'on ne politiserait pas le financement de l'art et les opérations de musées », a-t-elle affirmé mercredi.

L'institution a causé la surprise au début du mois lorsqu'elle a mis en vente La Tour Eiffel, une toile du peintre impressionniste Marc Chagall.

Le directeur du musée, Marc Mayer, a par la suite révélé que l'argent servirait à acquérir le tableau Saint Jérôme entendant la trompette du jugement dernier, peint en 1779 par l'artiste français Jacques-Louis David, et appartenant à la Fabrique de la paroisse Notre-Dame-de-Québec.

L'oeuvre est d'une grande importance pour le Canada, a-t-il expliqué, car elle est parmi les premières toiles de l'artiste à être parvenue en Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle.

Documentée à Québec vers 1917, elle a été donnée à la Basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec en 1938. Plus récemment, ses propriétaires, qui peinaient à la conserver, l'ont confié au Musée de la civilisation de Québec, où elle est demeurée entreposée jusqu'à ce que le MBAC en demande l'emprunt pour l'exposer de 1995 à 2013. L'oeuvre est actuellement exposée au Musée des beaux-arts de Montréal.

D'Ottawa où il est situé, le MBAC a fait savoir qu'il poursuit, depuis 2016 et « sans relâche », l'objectif d'en faire l'acquisition.

Bien patrimonial québécois?

Or, mercredi, la ministre québécoise de la Culture, Marie Montpetit, a annoncé qu'elle fera évaluer le célèbre tableau du Saint Jérôme en vue de le classer bien patrimonial. Le but est « d'empêcher sa sortie du Québec », a-t-elle affirmé en mêlée de presse à l'Assemblée nationale.

D'ailleurs, des démarches « accélérées » ont été entamées il y a près d'une semaine, a-t-elle dit.

« Si on identifie qu'il a une valeur nationale, je procéderai à un classement afin d'éviter que le tableau puisse être vendu, quitte le Québec », a précisé la ministre.

La ministre Joly a évité de se prononcer sur la démarche québécoise.

Le Musée de la civilisation de Québec et le Musée des beaux-arts de Montréal ont indiqué qu'ils pourraient faire une offre conjointe pour tenter d'acquérir le tableau, avec des partenaires publics et privés.

Même si les deux musées achètent le Saint Jérôme, la vente de La Tour Eiffel se poursuivra selon le processus en vigueur, a affirmé M. Mayer dans un communiqué.

« Les produits de cette vente pourront être utilisés pour enrichir la collection nationale et, plus particulièrement, pour que le Canada puisse se donner les moyens de conserver son patrimoine en empêchant l'exportation d'oeuvres majeures hors du pays », peut-on lire dans le communiqué.

Image fournie par le MBAC

La tour Eiffel, 1929, Marc Chagall (1887-1985), huile sur toile, 100 cm x 81,5 cm