Présentée du 3 février au 6 mai au Musée des beaux-arts de Montréal, Napoléon - Art et vie de cour au palais impérial n'est pas seulement une exposition sur le plus célèbre des empereurs français et ses demeures richement parées. C'est aussi une réflexion sur le recours des gouvernants au pouvoir de l'image pour consolider leur autorité.

Le don, au Musée des beaux-arts de Montréal, de la collection d'objets reliés à Napoléon assemblée par le philanthrope montréalais Ben Weider (1923-2008) durant toute sa vie est à l'origine de l'intérêt du musée pour l'empereur français. Ce cadeau patrimonial a entraîné la création d'une galerie permanente, inédite en Amérique, consacrée à Napoléon.

Ajoutons à cela la passion qui anime le conservateur des arts décoratifs anciens au musée, Sylvain Cordier, pour cette période de l'histoire, et vous obtenez une exposition fort originale sur la Maison de l'empereur et le souci de Napoléon 1er (1769-1821) de contrôler son image publique.

Napoléon - Art et vie de cour au palais impérial illustre en effet avec brillance et sans ostentation l'atmosphère raffinée d'un palais napoléonien. Mais elle va plus loin. Elle démontre que la «mise en scène impériale» organisée avec des artistes avait pour but de forger et de glorifier l'image de l'empereur, d'imposer sa marque (le grand N majuscule) et de lui conférer une stature solide et souveraine aux yeux du peuple et des dynasties étrangères.

Sans être une apologie de l'empereur, l'exposition met en relief des oeuvres d'artistes de l'Empire - peintres, orfèvres, ébénistes, tapissiers, armuriers ou bronziers - qui ont enjolivé les palais impériaux de Saint-Cloud et des Tuileries avant que ceux-ci ne soient détruits en 1870 et 1871.

Des prêts exceptionnels

La visite fait ainsi valoir l'excellence de l'art français de 1804 à 1815, soit durant le règne bref de Napoléon 1er. Des prêts d'oeuvres d'une soixantaine d'institutions et de particuliers d'Europe, des États-Unis et du Canada rendent l'exposition unique, avec des oeuvres montrées pour la première fois en public. 

Lors de la conférence de presse, hier, Jean-François Hébert, président du Château de Fontainebleau, un des prêteurs, a souligné ce caractère unique de l'exposition. «C'est un bonheur absolu», a-t-il dit. 

Le parcours est divisé en une douzaine de salles. La scénographie est de bon goût, avec les animations murales discrètes mais efficaces de Graphics eMotion. Et des abeilles napoléoniennes gravées au laser sur quelques murs.

L'amateur d'art découvrira, dès samedi, un grand nombre de peintures célèbres telles que Le songe d'Ossian, d'Ingres, une esquisse de Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, d'Antoine-Jean Gros, ou encore Napoléon Bonaparte à l'âge de 32 ans peint à Milan par Andrea Appiani.

Forger une image

L'effigie en marbre de l'empereur Auguste (un prêt du Louvre) a été placée près de la peinture de François Gérard qui représente Napoléon 1er en costume de sacre. Les deux visages ont une douceur et un charme similaires. Une volonté de séduire, de transmettre l'image rassurante d'un pouvoir fort, typique des gouvernants, qu'ils soient monarques ou présidents. 

«L'exposition est aussi fascinante pour notre époque et son rapport à l'image des gouvernants actuels», fait remarquer Sylvain Cordier.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Une salle consacrée au grand écuyer et au grand veneur comprend (à droite sur la photo) un portrait, par Antoine-Jean Gros, de Charles Legrand, page de l'empereur engagé dans les hussards et mort à l'âge de 18 ans lors d'une intervention des forces napoléoniennes à Madrid le 2 mai 1808, célèbre Dos de Mayo.

«L'influence des équipes de conseillers et de communicants politiques, les mises en scène médiatiques peuvent sembler très ancrées dans une culture contemporaine du pouvoir des images. Pourtant, le fonctionnement de la Maison de l'empereur montre combien ces questions étaient d'actualité il y a 200 ans!»

L'expo permet de découvrir comment la vie de palais était régentée avec six grands officiers. Le grand maréchal était responsable de l'organisation du palais. Le grand chambellan, des services de chambre. Le grand maître des cérémonies définissait le protocole. Le grand écuyer était responsable des équipages. Le grand veneur organisait les chasses et le grand aumônier supervisait l'exercice du rite catholique. 

La salle du Trône est une des plus belles réussites de cette exposition. On se croirait aux Tuileries. De part et d'autre du fauteuil impérial ont été placées deux tapisseries d'origine, dont celle de Jean-François de Troy avec Esther couronnée reine de Perse. Des décorations évoquent le design de Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine, duo d'architectes néoclassiques qui ont imposé le style Empire.

Avec ses immenses chandeliers et son crucifix en vermeil provenant de la garniture d'autel du mariage de Napoléon et de Marie-Louise d'Autriche, le 2 avril 1810, la salle consacrée à la chapelle impériale en impose. Tout comme la table de 10 couverts dressée avec des objets d'orfèvrerie provenant de Chicago, Fontainebleau ou encore Sèvres.

L'exposition est accompagnée d'un catalogue luxueux de 352 pages avec une soixantaine de textes passionnants et près de 400 photos. Une série de conférences, des concerts et des projections de films sont proposés parallèlement à l'exposition jusqu'au 29 avril.

Après Montréal, l'exposition se rendra au Virginia Museum of Fine Arts, à Richmond (du 9 juin au 3 septembre), puis au Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City (du 26 octobre au 3 mars 2019). Elle finira logiquement son parcours du 13 avril au 15 juillet 2019 au Château de Fontainebleau, où se trouve le musée Napoléon 1er, en France. 

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Au Musée des beaux-arts de Montréal (1379, rue Sherbrooke Ouest), du 3 février au 6 mai.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Derrière le buste de l'impératrice Joséphine sculpté dans le marbre par Joseph Chinard en 1805, on distingue, au centre, le portrait de Pierre Daru, intendant général de la Maison de l'empereur en 1810, par Antoine-Jean Gros, et à droite, du même peintre, l'esquisse du tableau Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, réalisée en 1807.