Dans le cadre de sa programmation hivernale consacrée aux arts imprimés à travers le monde, la galerie de l'Atelier circulaire expose son premier solo d'oeuvres de Daniel Sylvestre, illustrateur montréalais qui se fait désormais plaisir avec la lithographie sur pierre.

Artiste dans l'âme, Daniel Sylvestre a fait sa renommée dans l'illustration, travaillant dans la pub, réalisant des contrats pour des magazines comme Châtelaine et L'actualité ou lançant des projets d'édition comme les séries Puce, Zunik et Clémentine. Il a d'ailleurs remporté le prix du Gouverneur général en 2010 pour le recueil de poésie Rose, derrière le rideau de la folie.

L'illustration, c'est un peu de création et beaucoup de communication, dit-il. «Ça me convenait de moins en moins. L'Atelier circulaire a été la façon de m'émanciper, d'éclater ma démarche.»

C'est ainsi que Daniel Sylvestre s'abreuve, depuis une vingtaine d'années, aux techniques de la lithographie sur pierre, dans cet atelier du Pôle de diffusion De Gaspé, dans le Mile End, un des mieux équipés au Canada.

Patience et concentration

Fort de cette formation, il a pu se laisser aller et ses dernières créations - son corpus le plus cohérent, dit-il - dévoilent son intérêt pour l'expressionnisme abstrait et une signature un peu sauvage qui s'est définie en se projetant au-delà de la technique.

Quand on observe distinctement les deux grandes lithographies de son corpus Surfaces - Grands lacs et Crinqués -, on constate le plaisir qu'il a à élaborer en collant, juxtaposant et façonnant de petites chutes de papier.

«Au départ, j'aime la matière. Et la lithographie me permet d'aller ailleurs, d'être plus concret. Ça ressemble à la vie!»

Puisant dans son monde intérieur, inspiré par la sculpture, Daniel Sylvestre est attaché à l'impact de la lumière autant qu'à la constitution par strates de ses lithographies, un travail alliant patience et concentration. Il utilise la gravure comme apport à une mise en oeuvre qui comprend autant l'huile, l'acétate que l'encre.

Cela donne des oeuvres aussi dynamiques que ses illustrations mais qui expriment une plus grande liberté, un mélange d'intimité et d'exaltation. Une exaltation non débridée. Car l'artiste est aussi un équilibriste. Ses lithos témoignent d'une sage pondération sans laquelle ce serait du n'importe quoi.

All-over attractifs

Sa série de petites lithos et huile constituée de PachaGravats 1Gravats 2 et Les yeux fous atteste du soin qu'il prend à élaborer des all-over attractifs, aérés, lumineux voire poétiques comme dans le cas de l'oeuvre Les yeux fous, au côté surréaliste appuyé avec ses découpages d'yeux globuleux dessinés au crayon.

Son oeuvre de techniques mixtes Encres révèle sa capacité à trouver une cohérence dans une création plurielle, provenant d'une combinaison de pages d'annuaire téléphonique, d'acétate et de peinture agglomérée en mottons!

Photo Bernard Brault, La Presse

Arbre, 2017, Daniel Sylvestre, huile et lithographie, 30 po x 30 po

Et puis, il y a Arbre, l'huile et lithographie à l'origine de l'exposition. Une oeuvre réalisée avec de petites chutes de lithos fixées sur la toile, qui lui donnent des airs de Jackson Pollock. C'est cette complexité et en même temps cette unité de mouvement qui a suggéré la suite de créations qui forment Surfaces.

«J'ai réussi à trouver un vocabulaire. À trouver le plaisir premier de ce que c'est qu'être un artiste. J'essaie de faire en sorte que mon premier geste soit le plus spontané possible.»

«Mais il y a aussi un côté ludique et parfois même l'idée de fourrer le système, poursuit l'artiste. Afin de sortir de la fiction et de l'insignifiant. J'ai besoin de vérité et de réalité.»

Pour aller jusqu'au bout de son élan créatif, Daniel Sylvestre est aussi son propre imprimeur. Le travail à la presse, les encres: il fait tout lui-même. Par plaisir, par souci de contrôler ce qu'il fait, mais aussi pour réduire ses coûts. Et parce qu'il est pas mal bricoleur, ayant retapé lui-même une vieille presse venue d'Allemagne.

Sans avoir fermé la porte à l'illustration (il vient d'obtenir une bourse pour créer un roman graphique évoquant la carrière de sa mère, l'auteure Andrée Thibault), Daniel Sylvestre présentera, l'automne prochain, une autre exposition à la galerie Linea, mais cette fois-ci avec ses Carnets libres, des illustrations et de courts textes réservés aux plus de 18 ans qui proviennent de son blogue. Un espace qui permet de mesurer le calibre et l'envergure de cet aventurier de l'art.

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À la galerie de l'Atelier circulaire (5445, avenue De Gaspé, #105, Montréal) jusqu'au 10 février.

Photo Étienne Roussy, fournie par l’Atelier circulaire

L'exposition Surfaces, de Daniel Sylvestre, est à l'affiche à la galerie de l'Atelier circulaire, au coeur du Pôle de diffusion De Gaspé.