La Ville de Montréal et l'Association des galeries d'art contemporain ont décerné, hier soir, leurs prix annuels d'art contemporain à deux diplômées de l'Université Concordia. Le prix Pierre-Ayot a été remis à la jeune artiste Celia Perrin Sidarous et le prix Louis-Comtois, qui récompense un artiste ayant plus de 15 ans de pratique, est allé à Sophie Jodoin.

Le prix Louis-Comtois porte le nom du regretté peintre et sculpteur minimaliste montréalais mort en 1990. Doté d'une bourse de 7500 $, il récompense cette année Sophie Jodoin, une artiste qui s'est beaucoup penchée sur l'identité, les relations humaines et le récit social. Dominique Pétrin et Karen Tam étaient les deux autres finalistes de ce prix. 

Le jury a voulu honorer la manière de Sophie Jodoin «d'intégrer dans des installations des éléments dessinés et textuels qui interrogent les régimes invisibles de pouvoir s'exerçant sur les corps, dans la vie sociale et intime d'univers féminins». 

Diplômée de l'Université Concordia en 1988, Sophie Jodoin était représentée par Battat Contemporary jusqu'à la fermeture de cette galerie, il y a quelques jours. L'artiste de 52 ans est réputée pour une conception éclatée du dessin et une écriture visuelle en noir et blanc présentée sous forme d'installations.

Cette année, elle a exposé chez Arprim, au Belgo, et au centre d'exposition Expression, à Saint-Hyacinthe, où elle a montré une sélection de son travail des dernières années. Cette exposition intitulée Room(s) to move: je, tu, elle, dont la commissaire est Anne-Marie St-Jean Aubre, est le premier chapitre d'une trilogie qui se poursuivra à Barrie, en Ontario, en mars, puis au Musée d'art contemporain des Laurentides, à Saint-Jérôme, en juin. 

L'oeuvre de Sophie Jodoin est d'une grande actualité, en ces temps d'une prise de conscience internationale de la nécessité d'un plus grand respect dans les relations humaines, notamment vis-à-vis des femmes.

Une prise de conscience «nécessaire», dit-elle. 

L'automne est décidément faste pour Sophie Jodoin. La firme de gestion de portefeuilles privés Giverny Capital et son président François Rochon ont annoncé, au début de la semaine, qu'ils lui attribuaient le 6e prix Giverny Capital, accompagné d'une bourse de 10 000 $. «J'ai toujours trouvé son art intrigant et empreint d'une grande poésie», a réagi François Rochon. 

Prix Pierre-Ayot

Accompagné d'une bourse de 5000 $, le prix Pierre-Ayot vise, année après année, à reconnaître l'excellence des artistes visuels alors en début de carrière. Préférée à Simon Belleau et Andréanne Godin, Celia Perrin Sidarous a déjà 35 ans et un beau parcours qui lui a valu le prix Barbara Spohr, du Banff Centre, en 2011, et le prix Jeune tête d'affiche 2015 de Dazibao.

Photographe s'exprimant par des installations, des collages et associations d'objets relevant de la nature morte, elle a été choisie pour la «finesse» de son approche artistique. «C'est avec une économie de moyens que l'artiste réussit habilement à témoigner de la construction de l'histoire et de sa représentation matérielle et visuelle», a déclaré le jury constitué de Caroline Andrieux, âme de la Fonderie Darling, Marie-Ève Beaupré, conservatrice au Musée d'art contemporain de Montréal, Marie-Ève Charron, commissaire indépendante, l'artiste Clément de Gaulejac et Anne Philippon, conservatrice adjointe de la galerie de l'UQAM. 

Très contente de recevoir ce prix («Il tombe à un bon moment», dit-elle), Celia Perrin Sidarous apprécie le fait que les femmes étaient majoritaires au sein de la sélection finale. Quand elle porte un regard sur son début de carrière, à qui pense-t-elle être redevable? 

«Certainement à Raymonde April, ma directrice de thèse, répond-elle spontanément. À Marie-Christine Simard, aussi, qui a été ma première professeure de photographie et un mentor. Et à la galerie Parisian Laundry qui soutient mon travail depuis plusieurs années.» 

Celia Perrin Sidarous participe jusqu'au 14 décembre à une exposition collective à la galerie 8eleven, à Toronto. En janvier, elle retournera en Méditerranée pour nourrir son nouveau corpus qui sera, entre autres, vidéographique et photographique. Et au printemps, elle présentera son deuxième solo à la Parisian Laundry. 

Deux prix pérennes

Les prix Pierre-Ayot et Louis-Comtois comprennent l'acquisition d'une oeuvre de chaque lauréate pour la collection d'art de Montréal. Ils incluent aussi un cachet de 2500 $ pour permettre aux deux artistes de financer une partie des frais de l'organisation d'une exposition à Montréal. 

Ces deux prix sont les seuls remis en arts visuels par la Ville, depuis 1991 pour le Louis-Comtois et 1996 pour le Pierre-Ayot. Peu avant les dernières élections municipales, La Presse avait eu vent que l'administration montréalaise pourrait remettre en question leur financement. La nouvelle administration de la mairesse Valérie Plante a pris position sur le sujet. 

«Il n'y a aucune volonté de mettre fin à ces prix», a dit à La Presse Christine Gosselin, conseillère municipale nouvellement responsable de la culture, du patrimoine et du design à la Ville. «La remise de ces prix est l'occasion de renouveler l'engagement et le soutien indéfectible de la Ville envers ses créateurs, affirme, par ailleurs, Mme Gosselin. Ces prix soulignent et font la promotion de la vitalité et de l'audace de l'art contemporain montréalais et ont un impact réel sur le rayonnement de leur carrière artistique.»