Cet automne, le peintre montréalais expose ses oeuvres minimalistes dans trois galeries de la métropole en même temps. Trois corpus différents et interconnectés par son souci de célébrer la géométrie, l'architecture et la photographie.

Ce n'était pas calculé, mais on a droit en ce moment à un véritable festival Pierre Dorion à Montréal. D'abord à la galerie Occurrence, à la suite d'une invitation lancée en 2012 par sa directrice Lili Michaud. Entre-temps, la galerie a déménagé de l'avenue du Parc au Pôle de diffusion de Gaspé. C'est donc cinq ans plus tard qu'il répond finalement à la proposition de la directrice qui lui avait donné carte blanche. 

Sa réponse est en partie reliée à l'espace, puisqu'il y expose un grand triptyque inspiré du point de vue qu'on a en regardant la galerie depuis le corridor, à travers l'immense vitrine.

La peinture a été réalisée à partir de photos qu'il a prises dans un espace contigu, dont la large fenestration fournit un panorama sur l'est de la ville. Les bandes verticales de cette fenestration font écho à la vitrine de la galerie. Et les couleurs d'un soleil couchant donnent, sur la moitié de la peinture, des variations de mauve, du doux au ténébreux.

On retrouve aussi dans la peinture les piliers de béton de la galerie. En prenant du recul, l'impression de mise en abyme saute aux yeux.

Dans la petite salle d'Occurrence, Dorion a accroché deux séries de 36 petits tableaux. Chacune rappelle des oeuvres présentées il y a cinq ans au Musée d'art contemporain de Montréal. Mais le travail monochromique du bilan critique de 2012 a laissé place à des tableaux où deux tons se fondent l'un à l'autre et donnent une impression de relief.

Une série a des teintes pastel florentin, de la couleur sable au bleu maya. L'autre a des nuances plus affirmées. Installés face à face, les deux polyptyques reflètent la pratique quotidienne de l'artiste en atelier.

Galerie Soon

Chez Soon, rue de Bellechasse, Dorion expose des tableaux créés à partir de photos prises sur place l'an dernier, tout près des ateliers de Jean-François Lauda et de Jérôme Nadeau (directeurs de la galerie), avant une phase de rénovation. Des espaces qui ont du vécu: atelier de peintre, salle musicale, etc.

«Des espaces avec des couleurs, des accidents, de la patine, des traces, dit Pierre Dorion. L'an dernier, j'ai exposé à Kinderhook [dans l'État de New York], dans un espace aménagé dans une ancienne école. Deux classes étaient demeurées telles quelles avec des traces au mur et sur le plancher. Cette idée a tellement plu à Jean-François et Jérôme qu'ils m'ont proposé de créer des tableaux à partir de leurs locaux avant transformation.»

Un des tableaux représente une fenêtre, ou plutôt une idée de la fenêtre d'une des pièces. Son vitrage était originellement recouvert d'un enduit coloré orangé.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le peintre Pierre Dorion devant la fenêtre d'un local de la galerie Soon et l'interprétation qu'il en a faite, avant des travaux de réfection des lieux.

L'effet lumineux provoqué par l'enduit a donné au tableau l'atmosphère ocrée des fins de journées automnales.

Peindre les murs, les plafonds et les encadrements, Dorion l'a déjà fait, mais, dans le cas de Soon, il ajoute le souvenir des lieux. Avec des teintes travaillées, un tantinet sépia, comme si des couleurs ternies par le temps avaient sédimenté. Et des dégradés impeccables... comme ceux de Nicolas Grenier, appréciés récemment chez Ertaskiran. Logique, puisque Pierre Dorion a été son professeur à Concordia. 

«Mais Nicolas est encore plus technique que moi, dit Pierre Dorion avec humilité. Il est très bon et très travaillant.» 

Galerie René Blouin

Contrairement à Soon et Occurrence, les oeuvres présentées chez René Blouin n'ont pas été créées pour la galerie. Cela dit, cette expo plus traditionnelle, couvrant des thèmes et des styles que Dorion aborde depuis 25 ans, n'en est pas moins intéressante. Elle comprend des tableaux de 2013 et d'autres plus récents s'intéressant aux questions d'espace et d'architecture. Une oeuvre, Windows and traces, fait même une sorte de lien avec le triptyque d'Occurrence.

Trois expos en même temps: oui, Pierre Dorion travaille beaucoup ces dernières années. «J'ai maintenant une banque d'images suffisante pour des années ! dit-il en riant. Il y a encore beaucoup de tableaux que je n'ai pas faits et que je veux faire. J'ai encore beaucoup de pistes pour poursuivre ma recherche en peinture.» 

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Pierre Dorion, à la galerie René Blouin (10, rue King, Montréal), jusqu'au 6 janvier

Big Chill, de Pierre Dorion, à la galerie Soon (305, rue de Bellechasse, local 101, Montréal), jusqu'au 16 décembre

Carte blanche, de Pierre Dorion, à la galerie Occurrence (5455, avenue De Gaspé, local 108, Montréal), jusqu'au 16 décembre

PHOTO RICHARD-MAX TREMBLAY, FOURNIE PAR LA GALERIE OCCURRENCE

Chaque petit tableau de cette série exposée à la galerie Occurrence a été créé en atelier par Pierre Dorion à partir de restes de palettes de couleurs utilisées pour ses peintures inspirées de photographies.