Reflet iconique de l'Amérique, le western fait l'objet d'une grande exposition multidisciplinaire qui débute demain au Musée des beaux-arts de Montréal. Il était une fois... le western - Une mythologie entre art et cinéma traite des mythes, des stéréotypes et de l'influence du western sur la culture américaine, mais aussi internationale depuis 150 ans.

Il était une fois... le western est la nouvelle expo rassembleuse du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Dynamique, très visuelle, nourrissante, elle s'adresse tant aux enfants d'aujourd'hui qu'à ceux d'hier qui ont tellement joué aux «Indiens» et aux «cowboys»... 

Les amateurs de cinéma western vont se réjouir: elle propose pas moins de 150 extraits de films! Les passionnés d'arts visuels ne sont pas en reste. La naissance et le développement du western sont explicités avec 250 peintures, sculptures, installations et photographies. Le tout dans une scénographie soignée de Sandra Gagné, avec de beaux décors et un déploiement aussi efficace qu'agréable, telles ces deux petites salles de cinéma créées pour la filmographie de John Ford et de Sergio Leone.

Nostalgie récurrente

«Le western aura été un regard nostalgique et fantasmagorique de la conquête de l'Ouest, avec des valeurs qui structurent encore aujourd'hui l'imaginaire américain, dit Nathalie Bondil, directrice générale du MBAM.

Le western est le grand récit national américain, né d'un idéal de justice et de liberté, de l'individualisme et de l'attirance pour les grands espaces.»

Pour introduire le sujet, le musée amorce le parcours de la visite (qui s'étend sur 12 salles!) par l'imagerie initiale du western dont l'émergence a croisé celle de la photographie et du cinéma. On peut ainsi découvrir de très vieilles images filmées, comme celles du célèbre Wild West Show que Buffalo Bill vint présenter à Québec et Montréal. Et de magnifiques tableaux et sculptures d'artistes comme W. Herbert Dunton, Charles Marion Russell, Albert Bierstadt, Thomas Moran, Alexander Phimister Proctor ou Frederic Remington. Avec des paysages panoramiques glorifiant la démesure géologique et l'immensité du territoire américain. 

Le rôle du cinéma

Le cinéma a évidemment joué le premier rôle comme véhicule de la mythologie de l'Ouest. Le cinéma, une usine à mythes, disait Sergio Leone. Hollywood est au coeur de la diffusion du western. C'est John Ford qui donna ses lettres de noblesse au genre, même s'il a avoué avoir essayé de «copier le style Remington». 

L'exposition lui consacre donc logiquement un grand espace décrivant la chronologie de sa production de quelque 140 films.

Les variantes subséquentes du genre sont aussi détaillées. Les films de Sergio Leone, évidemment. Plus tard, ceux d'autres réalisateurs (tels Kevin Costner ou Quentin Tarantino) qui ne véhiculent plus les stéréotypes des bons cowboys et des mauvais Indiens. On aborde le western contemporain, avec notamment Easy Rider, ou les films qui prirent en compte l'histoire réelle, comme Little Big Man d'Arthur Penn, qui évoque la bataille de la rivière Washita.

Photo Martin Chamberland, La Presse

Dans la première salle de l'exposition Il était une fois...le western, un tipi a été reconstitué. Il contient des vêtements amérindiens, dont une coiffe de plumes. Autour, des photographies, peintures et extraits de films évoquent l'Ouest américain.

Dérives et fabulations

L'expo conçue par le Denver Art Museum et le MBAM met l'accent sur les dérives, fabulations et mystifications du western. Sa vision virile souvent transformée en machisme. Son culte des armes qui a conduit aux tragédies que l'on connaît encore aujourd'hui aux États-Unis. Et surtout l'annihilation des droits et le génocide des autochtones dont on n'a reconnu l'ampleur que très tard. 

On apprend notamment qu'entre l'arrivée des premiers colons dans l'Ouest, à la fin du XVe siècle, jusqu'à la fin du XIXe siècle, la population amérindienne a diminué de 90 %. À cause des maladies importées d'Europe, de la destruction de leur mode de vie et, bien sûr, de la guerre qui lui fut menée. 

La réalité et le point de vue autochtones éclairent l'exposition. Avec des dessins naïfs cheyennes, lakotas et arapahos du XIXe siècle qui relatent les batailles entre «Blancs» et «Indiens». Avec une évocation de leur influence dans tous les domaines des arts, dont le cinéma dès les années 70, notamment au Québec (Le révolutionnaire, de Jean-Pierre Lefebvre, Visage pâle, de Claude Gagnon, ou Red, de Gilles Carle). Ou encore avec des oeuvres d'artistes autochtones ou d'origine autochtone comme Kent Monkman, Wendy Red Star ou Brian Jungen. 

L'exposition aborde enfin l'aspect canadien du western. Avec les trappeurs et explorateurs canadiens-français qui jouèrent un rôle notable dans le développement de relations pacifiques avec les autochtones. Mais aussi avec la culture country (ne pas manquer la vidéo Willie Lamothe: devenir et être le héros, de Myriam Jacob-Allard), avec les photos documentaires de William Notman, ou encore l'épopée romanesque en Amérique du Québécois Ernest Dufault, curieux personnage qui se faisait appeler Will James... le «cousin» du hors-la-loi Jesse James! 

Il y a donc du ludique, de l'histoire, du cinéma et de l'art dans cette nouvelle réalisation du MBAM, mais aussi beaucoup de matière à réflexion...

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Il était une fois... le western - Une mythologie entre art et cinéma, au Musée des beaux-arts de Montréal, du 14 octobre au 4 février.

Photo Martin Chamberland, La Presse

Une diligence du spectacle de Buffalo Bill a été placée dans une salle décorée de manière à suggérer les paysages spectaculaires de l'Ouest, notamment de l'Arizona.