Pour ses 40 ans de carrière, François Morelli fait l'objet d'une exposition de grande envergure au centre d'art 1700 La Poste. Une rétrospective qui illustre l'originalité, la sensualité et la virtuosité de l'artiste et professeur montréalais, un plasticien hors du commun.

Parmi les grands artistes montréalais, François Morelli est l'un des plus buissonniers. Une liberté et une indépendance qui l'ont toujours habité depuis qu'il s'est extirpé du cadre dans lequel l'académisme l'avait contraint. Depuis 40 ans, Morelli exprime son souffle vital d'abord par le dessin - moteur de son élan, expression de sa pensée -, mais aussi par la performance, la sculpture, l'estampe et l'installation. Avec des projets narratifs qui survolent la condition humaine et notre mémoire plurielle, dans le temps et dans l'espace. 

Chanceux, François Morelli... Alors qu'il cessera à la fin de l'année de mettre ses chers étudiants de Concordia dans des situations d'exigence et de créativité, la mécène Isabelle de Mévius lui offre le plus beau des cadeaux: une mise en scène des fruits de son art au 1700 La Poste, un des écrins de choix de la métropole artistique. 

On y retrouve la sensualité de ses papiers, choisis avec soin pour leur matérialité épidermique et leur caractère imparfait, à l'image de la peau et du corps, sources d'inspiration. Dans une scénographie sur mesure, pour ses dessins sculpturaux de taille monumentale, et une exposition d'oeuvres souvent inédites telles ses créations réalisées lors d'une résidence en Inde.

Dans la première salle, on découvre ses derniers grands papiers (dont Speaking in Tongues et La femme loup, avec leurs personnages maillés) couplés - en le surplombant - à son Escadron (1997), un ensemble aérien de cinq chaises pourvues de longues ailes en métal. Une évocation du combat entre sédentarité et libération. 

Dans un espace contigu, les Colossal Head de 2006, la sculpture Belthead I de 1998, son magnifique Big Tangle Suite de 2009 (avec ses formes, ses couleurs et ses motifs associés dans une danse virevoltante) et ses Body Politic des années 80, de petites armures en tissu métallique figurant des corps absents, évaporés ou peut-être décimés. Elles côtoient trois de ses six grands dessins roses de 2010 dans lesquels on retrouve son usage des tampons, son vocabulaire poétique aux motifs floraux et une figuration à la fois intime et de grand déploiement. Des oeuvres splendides dont un exemplaire a été acquis par la Caisse de dépôt et placement du Québec. 

À la mezzanine a été encoffrée une grande frise de 12 panneaux, Dream Figures in Moonlight, créée à l'encre et tampon encreur sur papier artisanal à Bombay (Mumbai), en Inde. Une oeuvre lyrique dans laquelle l'oeil s'évade. Un voyage atmosphérique favorisé par ses vaporisations et ses figurines ombrées. 

En parallèle, a été encadrée sa série À la frontière entre deux mondes, des encres sur papier de 1989 présentées recto verso sur des structures métalliques que l'on peut faire bouger.

Photo André Pichette, La Presse

Vue de l'exposition consacrée à l'artiste montréalais François Morelli au centre d'art 1700 La Poste à partir du 6 octobre

Au sous-sol, on découvre ses dessins noirs verticaux d'apparence surréaliste de 1985, des cahiers de dessins, des aquarelles colorées rappelant les enluminures du Moyen Âge et l'art perse, des encres sur papier d'une grande volupté réalisées à son retour d'Inde l'an dernier et sa sculpture en fibre de verre qu'il promena en Europe sur son dos en 1985 lors de sa performance Marche transatlantique

C'est dans cet espace que l'on savoure le documentaire que Suzanne Guy a réalisé avec le caméraman Philippe Lavalette en suivant Morelli à Montréal et New York. Un film de 48 minutes dans lequel est révélée l'essence de l'artiste. Avec des photos d'archives (quelle ressemblance entre François, jeune étudiant à Chicoutimi, et son fils Didier, qui emprunte le même sentier de l'art vivant...), des références à ses performances insolites et des rencontres éclairantes, notamment à Manhattan avec son ancien professeur de l'Université Rutgers, John Goodyear, qui décrit son ancien disciple comme «assez intelligent pour être fou»... 

Une opulente publication bilingue de 258 pages accompagne la rétrospective, avec les perspectives éclairées de Bernard Lamarche, conservateur de l'art actuel au Musée national des beaux-arts du Québec, qui suit le travail de François Morelli depuis belle lurette. C'est d'ailleurs lui qui avait suggéré à Isabelle de Mévius de célébrer l'art de Morelli, ancré dans le mouvement, le geste et la sublimation du corps. 

«François Morelli nous offre les fruits d'un travail très incarné, dit Isabelle de Mévius. Un travail sensuel, de chair et de lumière.» Une lumière auprès de laquelle il ne faut pas manquer d'aller se réconforter cet automne... 

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François Morellirétrospective présentée au centre d'art 1700 La Poste (1700, rue Notre-Dame Ouest, Montréal), du 6 octobre au 17 décembre. Du mercredi au dimanche, de 11 h à 18 h.

Photo Guy L’Heureux, fournie par le 1700 La Poste

Colossal Head III, 2006, François Morelli, encre sur papier