Le Mois de la photo est mort! Vive Momenta | Biennale de l'image! Organisée du 7 septembre au 15 octobre, la biennale montréalaise de la photographie a cette année pour thème De quoi l'image est-elle le nom? Un titre qui suggère un intérêt pour le «caractère fantasmé et sublimé de la réalité». Nous avons rencontré le commissaire de Momenta 2017, Ami Barak, et la directrice générale de l'organisme, Audrey Genois.

Le Mois de la photo a profité de sa 15e édition pour adopter une nouvelle identité, plus conforme à sa réalité de biennale de l'image fixe et en mouvement...

Audrey Genois: On a réalisé qu'il y avait un problème de perception lié au nom. Avec «Mois de la photo», on pensait souvent qu'on était un festival, alors qu'on est une biennale, avec un commissaire invité et une thématique. De plus, aujourd'hui, on ne pense plus le médium de la même manière...

Il y avait donc un momentum pour Momenta...

Ami Barak: Oui, mais en plus l'image fixe, ça fige le temps, ça reste éternellement un moment. D'où Momenta...

Quel concept se cache derrière le thème De quoi l'image est-elle le nom?

A. B.: La phrase découle de Lacan sur le désir: «De quoi l'objet est-il le nom?» Et d'une réflexion que je mène depuis longtemps par rapport au statut de l'image et à ce qu'on peut appeler un malentendu permanent puisque dans l'inconscient collectif, on pense que l'image est le miroir du réel. Ce n'est pas le cas et ça ne l'a jamais été. Les photographes disent souvent beaucoup plus que ce que l'on voit sur leur photo. Le visiteur de cette biennale pourra se demander ce que chaque image raconte au-delà de l'apparence.

Ce concept prend en 2017 une dimension qu'il n'aurait pas eue en 1975... 

A. B.: Oui, car, à l'époque, pour faire des photos, il fallait un savoir-faire, alors qu'aujourd'hui, l'image est comme un autre jeu d'enfant. On est dans une autre approche, tant dans la prise d'images que dans leur diffusion.

Bien des photographes retravaillent leurs images. Quel regard doit-on poser sur cette pratique?

A. B.: Aujourd'hui, what you see is not what you get!

A. G.: Avec d'autres médiums, on ne se pose pas cette question. Je crois qu'avec la photographie, comme pour la peinture ou la sculpture, on travaille une matière. Auparavant, on n'avait pas ce rapport à l'image...

Le thème aborde les questions de véracité, mais aussi les changements dans la société. L'affiche de Momenta, avec cette photo du Mexicain Luis Arturo Aguirre sur l'ambiguïté identitaire, on n'aurait pas pu l'avoir en 1975.

A. B.: Effectivement. Elle aurait été censurée d'emblée. Pour des motifs éminemment politiques. C'est une image magnifique, puissante, forte, avec une esthétique formidable. Cette personne a une histoire, la sienne et la nôtre aussi.

Il y a la ségrégation des races, mais aussi la ségrégation sexuelle...

Momenta aura quatre temps forts à partir de jeudi...

A. G.: Auparavant, on avait 25 expos solos dans un lieu central. Cette année, on présente la thèse du commissaire dans une double exposition de 23 artistes à la galerie de l'UQAM et au centre Vox. Ensuite, il y a 14 expos solos, notamment au musée McCord, au MAC - qui participe à Momenta pour la première fois -, au Musée des beaux-arts, à la Maison de la culture Frontenac et dans des centres d'artistes. C'est une mixité d'organismes très importante pour nous. Il y a un volet documentaire avec une expo chez Artexte et on a ajouté des expos satellites dans des galeries d'art pour fédérer le milieu de l'art autour de Momenta.

Comment avez-vous choisi les artistes? 

A. B.: On a choisi des artistes qui n'étaient pas présents dans les éditions précédentes. On a sollicité des personnalités fortes dont la démarche va de pair avec notre thème. Il y a de jeunes artistes et d'autres qui reviennent en force... 

A. G.: Comme Jin-me Yoon, qui présentera, à la galerie B-312, deux nouvelles vidéos tournées en Corée du Sud.

A. B.: Ou encore des artistes complexes et intéressants qui méritent pleinement leur visibilité sur la scène internationale, comme Erin Shirreff ou Sara Cwynar.

A. G.: On est très chanceux aussi d'avoir l'Américaine Taryn Simon, le Libanais Akram Zaatari, le Français Melik Ohanian ou encore Zanele Muholi, une photographe sud-africaine très en vue partout et dont on est chanceux d'avoir un solo au Centre Clark.

A. B.: Dans l'expo de groupe, il y a des artistes aux CV très fournis comme Yto Barrada, Adel Abdessemed, Camille Henrot, Boris Mitić, Terrance Houle ou encore la figure mythique qu'est J.D. 'Okhai Ojeikere, du Nigeria, qui n'est plus parmi nous, mais dont l'oeuvre demeure et prend de l'ampleur...

Photo Luis Arturo Aguirre, fournie par Momenta

Phoebe, de la série Desvestidas, 2011, Luis Arturo Aguirre, épreuve numérique, 98 cm x 70 cm