«Notre Pompéi à nous», voici comment Louise Pothier, archéologue en chef du musée Pointe-à-Callière, décrit le site qui abritait le parlement du Canada-Uni, incendié en 1849. Montréal a été, l'espace de quelques années, la capitale du pays. Retour sur un pan clé de l'histoire de la métropole.

Construit en 1833, le marché Sainte-Anne, premier marché fermier de Montréal, est établi pour répondre à la croissance rapide de la population. La métropole, devenue capitale économique du pays, transforme, 10 ans plus tard, le lieu en parlement. Dans la nuit du 25 avril 1849, un incendie ravage le bâtiment. La place est rasée. Un marché y est reconstruit. Il sera finalement démantelé, puis recouvert d'un stationnement municipal en 1925.

Ce n'est qu'en 2010 que le musée Pointe-à-Callière commande des fouilles exploratoires à une centaine de mètres de l'institution. «On a fait des sondages pour déterminer s'il restait des choses. On se disait que des murs allaient rester, mais on voulait savoir aussi quelle richesse se cachait à l'intérieur de ce site, explique Francine Lelièvre, directrice du musée de Pointe-à-Callière. On a confirmé son importance. C'est le dernier site archéologique d'envergure à Montréal.»

C'est ainsi qu'à l'été 2017, que 22 employés, principalement des techniciens et des archéologues, travaillent quotidiennement sur le site de quatre mètres de profondeur et d'une centaine de mètres de longueur.

Montréal, capitale

Avant même que le gouvernement soit centralisé à Ottawa, le Canada-Uni avait choisi Montréal pour accueillir le parlement. Après avoir siégé un an à Kingston, emplacement moins logique, les élus déménagent en 1844 dans la capitale économique. Plusieurs réformes d'envergure y ont été votées au cours des cinq ans d'existence du parlement à Montréal.

Dans les années 1840, le Canada-Uni tente d'acquérir un peu plus d'autonomie face à la Grande-Bretagne. «Ce sont les tories qui ont le pouvoir avant 1848 et qui font des pressions pour que les politiques en place ne changent pas», raconte Francine Lelièvre.

Le Parti réformiste, constitué de l'alliance LaFontaine-Baldwin, prend finalement le pouvoir en 1848. Parmi les réussites du gouvernement se trouvent le rapatriement du budget, la Loi démocratique sur le gouvernement responsable, la création des ministères et l'adoption du français comme deuxième langue officielle du pays.

Mais c'est en 1849, lorsque le gouvernement en place vote la Loi pour l'indemnisation des victimes des Rébellions des patriotes, que le saccage des tories débute. Ces riches marchands britanniques réunissent 1500 citoyens, majoritairement anglophones, qui mettront le feu au parlement.

Photo IVANOH DEMERS, LA PRESSE

Louise Pothier, archéologue en chef du musée Pointe-à-Callière

Procédures en cas d'incendie

Selon Francine Lelièvre, le défi qui s'est posé en 2010 était de savoir si la Ville avait nettoyé le lieu à la suite de l'incendie de 1849. La procédure habituelle veut que le sol soit complètement vidé avant de reconstruire. Ainsi, en entamant ces premières fouilles, les archéologues ont pu déterminer que le site en question a fait exception à la règle, donnant lieu à des recherches plus approfondies.

«Un incendie pour un archéologue, c'est une capsule temporelle fermée», estime Louise Pothier, archéologue en chef du musée Pointe-à-Callière.

Le site a permis de découvrir plusieurs centaines de milliers d'objets, en plus de délimiter les contours du parlement. Les fouilles n'étant complétées qu'à 25 % actuellement, les archéologues travailleront jusqu'au mois de novembre prochain, espérant y découvrir d'autres éléments qui permettront de reconstituer ce pan important de l'histoire.

«On essaie de faire comprendre que l'incendie n'est pas le coeur même de ce lieu-là», déclare l'archéologue en chef.

Parmi les principaux vestiges, on trouve de la vaisselle, des encriers, des pièces de monnaie et de l'équipement d'hygiène. Plus d'une trentaine de livres ont été retrouvés. En effet, la parlement abritait une grande bibliothèque de plus de 20 000 livres.

Reconnaissance patrimoniale

Il n'a suffi que d'une lettre pour convaincre le gouvernement québécois d'accepter le site comme lieu d'importance nationale.

La directrice du musée Pointe-à-Callière prépare actuellement un plan pour rendre le site accessible à la population à plus long terme. Pour l'instant, l'idée de protéger le site par un cube de verre est privilégiée. Francine Lelièvre précise cependant que le lieu doit être complètement exploré avant d'entamer plus concrètement les procédures de mise en valeur.

L'exposition Montréal, capitale du Canada est présentée jusqu'au 24 septembre. Des visites guidées sont organisées du mercredi au dimanche, de 12 h 30 à 16 h 30, à l'angle de la rue Saint-Pierre et de la place d'Youville Ouest.

Photo IVANOH DEMERS, LA PRESSE

Une portion des murs de l'ancien parlement est toujours debout.