Alors que l'Association des galeries d'art contemporain célèbre toute la fin de semaine à l'Arsenal la 10e foire Papier, le support de cellulose est en fête à la galerie antoine ertaskiran avec un solo du Torontois Derek Sullivan et une installation murale quasiment hallucinogène de Dominique Pétrin.

Première expo solo à Montréal pour Derek Sullivan. Ayant déjà exposé aux États-Unis, en Belgique, en Écosse et à Vienne, l'artiste ontarien de 40 ans crée de grands dessins dans lesquels résonnent les coloriages de notre enfance et, bien sûr, une certaine maîtrise esthétique et architecturale dans la manière dont il définit ses motifs, qu'ils soient raffinés, cartésiens ou obsessionnels. 

Sullivan présente à la galerie de la rue Payette quelques spécimens de corpus différents, tous réalisés avec son meilleur ami : le crayon de couleur. Poster Drawing, le plus largement exposé, est constitué d'oeuvres qu'il élabore depuis 2005, inspirées par les affiches de pub qu'on voit dans le métro pour vanter des films ou des concerts. 

« Ce travail est un peu devenu l'axe central de ma pratique, dit Derek Sullivan. Il découle d'un regard continu sur ce que je vois quand je prends les transports en commun. Chaque affiche est une occasion d'explorer différents sujets. » 

Les cadres choisis sont effectivement variés. Abstractions géométriques, oeuvres figuratives, cadres se référant à l'art (sculpture de Calder, scènes de musée), oeuvres évoquant l'atelier et la phase préparatoire du créateur, ou encore dessins en partie autobiographiques comme #118, afternoon studio floor et ses tickets du métro parisien. 

Plus spéculatif, le corpus Mirrors comprend des dessins plus opaques sur diverses interprétations du reflet, un travail plus sur la variation des textures que sur la réflexion de la lumière. Des créations au toucher pictural et aux titres ironiques ou cocasses qui renvoient, tels des miroirs, à l'intimité de l'artiste. 

Dominique Pétrin

Auréolée de sa collaboration hivernale au projet palestinien de Banksy, Dominique Pétrin est une artiste occupée et partout ! Vous la retrouverez en fin de semaine à l'Arsenal où elle expose une installation dans le cadre de la foire Papier 17.

Chez Ertaskiran, elle a déployé - sur tout l'espace mural de la petite salle - un échantillon « vite fait bien fait » de son exubérante imagination. Avec cet impact visuel assez unique, qui a fait sa réputation, dans le genre psychédélique obsessionnel. 

L'installation est un avant-goût en attendant de retrouver Dominique Pétrin pour un solo très attendu au même endroit, à la fin de l'été. Pour nous aguicher, elle a plaqué, sur un des murs, des références à l'oeuvre réalisée à Bethléem. Chinoiseries, stylo d'entreprise et autres motifs, découpés et collés, reliés au thème de la « colonie britannique qui tourne au vinaigre ». 

Pour les deux autres cloisons, elle a placé des cadres de bouquets de fleurs sur l'ornementation murale comme elle l'avait fait à la foire Nada de New York en 2015. L'oeuvre murale rappelle le papier peint. Mais ne nous laissons pas aveugler par la multiplication linéaire des motifs colorés. En s'approchant davantage, on remarque les détails, comme la répétition d'affirmations, « it's so cool ! lol I guess...whatever :) », ou de toutes petites pilules médicamenteuses de différentes formes. 

En apparence frivole et joliment ornementale, la fresque de Pétrin renvoie au visiteur le miroitement de nos angoisses et de nos malaises refoulés. Un trompe-l'oeil délicat, subtilement immersif, qui demande un travail architectural de découpage et d'assemblage assez dingue ! Ne jamais se fier aux seules apparences, semble dire Dominique Pétrin. Comme Derek Sullivan le professe avec ses propres motifs. 

L'intérêt d'avoir associé ces deux artistes pour un événement synchrone ne repose donc pas seulement sur leur intérêt partagé pour le matériau que l'on honore cette fin de semaine. Tous deux ont aussi une façon détournée, un peu nébuleuse mais habile de parler de nous et d'aujourd'hui, de notre fascination pour l'image, de nos égoportraits psychotropes. Une invitation à nous calmer un peu, comme le suggère le titre choisi par Dominique Pétrin pour son installation : I just wished Martha Stewart was here to tell me to chill down, like real down

« On sent dans la galerie que des liens se créent entre Dominique Pétrin et Derek Sullivan au niveau du langage, mais aussi de leurs réflexions par rapport à la culture populaire », dit Anne Roger, directrice des expositions à la galerie antoine ertaskiran. 

Several Things Happening at the Same Time, de Derek Sullivan, et I just wished Martha Stewart was here to tell me to chill down, like real down, de Dominique Pétrin, à la galerie antoine ertaskiran (1892, rue Payette, Montréal), jusqu'au 6 mai. Du mardi au samedi, de 10 h à 17 h.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Alors que l'AGAC célèbre, en fin de semaine à l'Arsenal, la 10e édition de Papier, le support de cellulose est en fête à la galerie antoine ertaskiran avec un solo du Torontois Derek Sullivan et une installation murale quasiment hallucinogène de Dominique Pétrin.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

#118, afternoon studio floor, 2017, Derek Sullivan, crayons de couleur sur papier, 127 cm x 98 cm.

Les Québécois en lice pour le prix Sobey

La liste préliminaire des 25 artistes visuels canadiens retenus pour le prix Sobey 2017 a été dévoilée hier par la Fondation Sobey et le Musée des beaux-arts du Canada. Cinq artistes ont été choisis pour chacune des cinq régions canadiennes (Atlantique, Québec, Ontario, Prairies et Nord, côte Ouest et Yukon). Pour le Québec, il s'agit d'Annie Baillargeon, Dan Brault, Jacynthe Carrier, Kim Waldron et Ludovic Boney. Le prix Sobey est remis chaque année à un artiste de 40 ans ou moins qui se distingue sur la scène des arts visuels. Il est accompagné d'une bourse de 50 000 $.

En bref

BARBEAU, ALLIKAS ET JULIEN



La Galerie Nicolas Robert présente l'exposition En marge, qui fait dialoguer des oeuvres de trois artistes de trois générations, Marcel Barbeau (1925-2016), Barry Allikas (né en 1952) et Pierre Julien (né en 1976). Les tableaux exposés abordent le thème de la limite dans une approche abstraite et géométrique.

À la Galerie Nicolas Robert (10, rue King, Montréal), jusqu'au 6 mai

CENTRE BANG



Le centre d'art actuel Bang, de Saguenay, propose deux expositions sur « l'humanité par sa déformation ». Avec L'Enfant-Loup/Lycanthrope, Joëlle Couturier expose une série de sculptures qui s'interrogent sur les difformités corporelles, tandis que Graeme Patterson présente, avec Secret Citadel, un corpus constitué d'un film d'animation et d'installations évoquant les liens entre les humains. Deux regards critiques sur les défis de notre époque...

Joëlle Couturier et Graeme Patterson à l'Espace Séquence du centre Bang (132, rue Racine Est, Saguenay), jusqu'au 6 mai

CLAUDE A. SIMARD

Le Centre d'interprétation historique de Sainte-Foy expose Peindre le bonheur, une rétrospective consacrée à l'oeuvre du peintre de Québec Claude A. Simard (1943-2014). L'exposition d'une cinquantaine de peintures aux couleurs vives, de créations graphiques et de carnets de voyage évoque la vie quotidienne de l'artiste, son amour de la nature et ses nombreux voyages...

Au Centre d'interprétation historique de Sainte-Foy (2825, chemin Sainte-Foy, Québec), jusqu'au 3 septembre. Du mercredi au dimanche, de 13 h à 17 h. Entrée libre. Info : 418 641-6068