La galerie de l'UQAM présente, jusqu'au 8 avril, le premier solo au Canada de l'artiste écossais Graham Fagen. Émouvante et évocatrice, son exposition aborde les thèmes de l'esclavagisme, du colonialisme et des rencontres humaines, invitant à privilégier la confluence culturelle, source de partage et de progrès, plutôt que la domination et la rivalité.

Pour l'artiste écossais Graham Fagen, les oeuvres de Robert Burns (1759-1796) sont incontournables. Comme Émile Nelligan est notre joyau national, Burns est le poète emblématique de l'Écosse. Quand Fagen a pris connaissance de son poème lyrique The slave's lament, écrit en 1792, il a découvert le destin d'un Sénégalais, enlevé pour devenir esclave en Amérique. 

Du coup, Fagen s'est intéressé au rôle de l'Écosse dans la déportation d'esclaves africains dans les Caraïbes au XVIIIsiècle et à la politique esclavagiste de puissances colonialistes telles que la France ou la Grande-Bretagne. 

De cet intérêt est née une oeuvre vidéo et musicale que Louise Déry, commissaire et directrice de la galerie de l'UQAM, a découverte à la Biennale de Venise, il y a deux ans, alors que Graham Fagen y représentait l'Écosse. 

« Son oeuvre The Slave's Lament m'avait marquée. En ce moment, on est un peu sommé de regarder les questions de diversité, mais comment les regarder pour que ce ne soit pas artificiel ? », se questionne Louise Déry.

The slave's lament est une complainte. Pour en dégager un moment d'émotion, Fagen a demandé à un descendant d'esclave, le chanteur reggae Ghetto Priest (un Londonien d'origine jamaïcaine), de chanter le poème de Burns. Il a filmé sa performance et y a greffé l'enregistrement séparé de trois musiciens du Scottish Ensemble, une violoncelliste, un violoniste et une contrebassiste.

Création intense

Aménagée dans la grande salle de la galerie, entre deux photographies maritimes prises depuis l'Écosse et la Jamaïque, l'installation The Slave's Lament est constituée de quatre écrans qui diffusent l'interprétation musicale et vocale du poème de Burns. 

La richesse de cette histoire d'esclave sénégalais, les images délicates de Fagen (parfois captées de près), la forte présence de Ghetto Priest et la musique magnifique et lancinante créent une tension qui imprègne totalement le visiteur. 

L'installation interroge aussi la conscience de Robert Burns. Ruiné à la suite de la mort de son père, il a failli quitter l'Écosse en 1786 pour aller soutenir le trafic d'esclaves en acceptant un poste de comptable sur une plantation de Jamaïque où un de ses amis avait des intérêts. 

Pour des raisons personnelles, Robert Burns n'est jamais parti dans les Caraïbes. Le poème étant postérieur à cette décision, on est enclin à l'envisager comme l'expression possible d'un repentir ou, à tout le moins, d'une prise de conscience. Entre 1786 et 1792, de nombreuses sociétés se sont développées en Europe pour réclamer l'abolition de l'esclavage. En 1792, le Danemark devenait même le premier pays à abolir la traite des esclaves. 

Dessins à l'encre de Chine

À l'installation vidéo et audio s'est ajoutée Scheme for Post Truth, une série de dessins que Graham Fagen a réalisée spécifiquement pour cette présentation montréalaise. Des encres de Chine dans lesquelles il a utilisé ses propres empreintes dentaires pour aborder le thème de l'identité. 

La dentition était un des caractères retenus par les esclavagistes pour évaluer et identifier les asservis. Avec cette empreinte dentaire reproduite selon deux traits crénelés, les dessins de Fagen ressemblent à de petites têtes de Noirs. Avec des expressions diverses. La tristesse, l'effroi, la passivité, la souffrance, etc. Mais Fagen est blanc... Ses « autoportraits » mêlent donc les cartes et incitent à nous départir de nos préjugés, même visuels... 

Cette expo parle de l'Écosse mais éveille aussi inévitablement une réflexion sur la façon dont le Canada a traité sa population autochtone depuis l'arrivée des premiers colons. 

Une prise de conscience qui conduit, depuis quelques années, à reconsidérer la place et l'influence des Amérindiens au sein du pays. « C'est bien de vouloir tendre la main aujourd'hui, dit Louise Déry. Mais cela ne veut pas dire qu'ils veulent la prendre. On les a tellement écrasés... » 

Graham Fagen. Complainte de l'esclave est une proposition éloquente de la galerie de l'UQAM. Elle complète à merveille l'exposition Ego portrait ou l'errance des oiseaux du Guadeloupéen Eddy Firmin que présentait, jusqu'au 12 mars, la galerie Dominique Bouffard. Des occasions de méditer sur la vie en société en 2017, sur les choix que l'on doit poser pour vivre en paix et en harmonie. Subtilement, ces deux expositions indiquent une direction. Celle d'un monde où la domination de l'autre serait incongrue et au sein duquel toutes les cultures se mêleraient, sans heurts, en un enrichissant dialogue. On a le droit de rêver...

« On est dans une université ici, dit Louise Déry. Il faut les poser, ces questions de réconciliation et de rédemption, et ce, dans un contexte de critique de notre héritage culturel et social. » 

À la galerie de l'UQAM (1400, rue Berri, Montréal), jusqu'au 8 avril

Virée des galeries

Yves Tessier

Inspiré par la peinture murale égyptienne, la bande dessinée et l'actualité, le peintre montréalais Yves Tessier connaît un beau succès avec son expo solo de peintures à la galerie Shrine, à New York. Ses toiles aux couleurs composées de caséine et de pigments naturels ont été remarquées par le New York Times. Partageant sa vie entre Montréal et la Grosse Pomme, l'artiste sexagénaire commence à récolter ce qu'il a semé. « Ça fait depuis 2001 que je sème... ça commence à pousser ! », dit-il.

À la galerie d'art Shrine (191, Henry Street, New York), jusqu'au 9 avril

Sarah Anne Johnson

Le Musée des beaux-arts de Montréal a annoncé récemment l'acquisition de deux oeuvres de l'artiste canadienne Sarah Anne Johnson grâce à un don du Cirque du Soleil : l'installation monumentale Sans titre (Goélette et feux d'artifice), exposée à l'Arsenal en 2013, et Explosion Panorama, une photographie panoramique rehaussée d'encres. Deux oeuvres de sa série Arctic Wonderland créée à la suite d'une résidence à Svalbard, en Norvège, en 2009.

Au sous-sol 2 du Musée des beaux-arts de Montréal (1380, rue Sherbrooke Ouest, Montréal)

Martin Bureau

La maison de la culture Frontenac présente, jusqu'au 15 avril, Les fables de l'Empire, une exposition saisissante d'une dizaine de tableaux et d'un court métrage de Martin Bureau au propos social et politique toujours percutant. Celui-ci s'est penché sur les empires pouvant présenter une menace pour l'humanité, qu'ils soient idéologiques, économiques ou politiques. Et sur ces murs qui s'érigent pour séparer des communautés. Intitulé Ils n'ont demandé à personne, son court métrage a été tourné en 2014 le long du mur de séparation israélien.

À la maison de la culture Frontenac (2550, rue Ontario Est, Montréal), jusqu'au 15 avril 

Jacques Venne

L'artiste verrier Jacques Venne propose 29 de ses vitraux dans le cadre de l'exposition L'homme et son univers, à L'Assomption. Des oeuvres qui racontent des histoires, notamment les traversées périlleuses des migrants sur les mers du monde, mais aussi qui parlent d'art. Et de talent, car ce sculpteur de bois - qui a commencé à créer des vitraux il y a seulement trois ans - n'en manque pas...

Dans le hall du Théâtre Hector-Charland, à L'Assomption, jusqu'au 16 avril. Du lundi au mercredi, de 12 h à 18 h, et du jeudi au samedi, de 12 h à 20 h. Entrée gratuite.