Il a 20 ans. Il vit et travaille à Québec. Il présente à Montréal sa première exposition solo. Thomas Brassard est un dessinateur et un peintre doué que la galerie Carte blanche a décidé d'encourager en exposant une trentaine de ses oeuvres expressionnistes jusqu'au 20 mars. Voilà un artiste étonnant... à suivre.

Il est toujours périlleux de succomber en découvrant le travail d'un très jeune artiste ! Mais quand à la maîtrise technique se greffent une belle intuition, de la profondeur et des évocations multiples, on subodore une certaine virtuosité.

Nous avons eu la chance de découvrir Thomas Brassard il y a deux ans. Témoignant d'une maturité artistique, ses oeuvres s'inscrivent dans ce courant figuratif proche d'un expressionnisme dégageant une émotion intense.

Dès sa tendre enfance, Thomas Brassard savait que son chemin serait créatif. Doué pour le dessin, il a fait ses premiers pas à l'adolescence en graffitant les murs de la Vieille Capitale. Comme d'autres jeunes rebelles de l'art, il s'est rendu compte que l'illégalité ne menait nulle part et s'est rabattu sur ses études en arts visuels puis en graphisme.

«Le graffiti était un moyen de m'approprier l'espace et de dire que j'existais, mais je n'arrivais pas à exprimer quelque chose de plus concret et de plus travaillé, alors je me suis naturellement dirigé vers la peinture», dit celui qui terminera, en 2018, un bac en graphisme à l'Université Laval.

Des oeuvres ouvertes

À Carte blanche, l'exposition 100 réponses fait le tour de son esthétique personnelle, une facture très ouverte à l'interprétation. D'où le titre de ce premier rendez-vous avec les amateurs d'art. 

On constate l'influence du graffiti dans ses peintures. Mais pas toutes. Signe d'un épanouissement rapide et d'une quête de cohérence, Thomas Brassard a déjà connu plusieurs vagues créatives, influencées par des chapitres de l'histoire de l'art. 

Dans ses oeuvres, on peut déceler le réalisme incisif d'un Lucian Freud ou d'une Marion Wagschal. Un côté morbide, «malaisant», mystérieux et brut auquel s'ajoutent l'audace, le dynamisme, la désinvolture et la fraîcheur d'un Basquiat. D'ailleurs, on retrouve ici et là des éléments de reconnaissance du peintre américain, notamment sa couronne schématisée.

«Je n'aime pas me revendiquer d'un certain courant. Même si j'aime beaucoup l'esprit de Picasso, Edvard Munch et, parmi les contemporains, Peter Doig.»

Le Québécois expose plusieurs de ses nombreux dessins au fusain ou à l'encre de Chine. Quand La Presse l'a rencontré la première fois, nous avions été étonnés par la profusion de ses croquis préparatoires exécutés tous les jours dans des petits carnets. Une frénésie et une recherche qui lui permettent de diversifier ses sujets et d'expérimenter des formes de représentation.

Une démarche de longue haleine

Quand on examine de plus près son travail, on constate qu'il peint par sédimentation, composant sa toile par ajout de couches et laissant évoluer les points de tension du sujet au gré de sa fantaisie. Sa toile L'atelier s'est ainsi métamorphosée à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'il soit satisfait du résultat. 

«Parfois, je sabote la peinture. Je la recouvre, je lance un pot dessus, je provoque les choses pour que ça change. Cette difficulté que j'ai à agencer la peinture, ça se voit au final et je pense que ça la rend plus riche.»

Thomas Brassard a récemment adopté une nouvelle approche avec les couleurs. Ses contrastes sont moins frappants qu'il y a deux ans, plus nuancés, pour suggérer des atmosphères qui révèlent les malaises de l'existence humaine. Car, il faut le dire, sa peinture n'est pas gaie mais forte. Ses toiles transmettent des ambiances ambiguës, moroses et taciturnes, avec des personnages fragmentés ou incomplets illustrant l'artifice ou la mise en scène. 

Dans certains cas, il cache le visage du personnage, jouant sur l'identité et la discordance entre vrai et faux. L'évocation est parfois réussie, comme avec Le dormeur, Errance, Sombres désirs ou encore le magnifique petit tableau En retrait, où les visages sont... magnifiquement hideux. Mais le concept est parfois poussé trop loin, comme avec sa toile récente Se fissurent les masques, moins riche de suggestion. 

Cela dit, on est avec Thomas Brassard en présence d'un artiste éloquent, animé d'une belle énergie, conscient de ses capacités autant que des restrictions de la jeunesse. Ses oeuvres ne laissent pas indifférent. Elles interrogent, intriguent, fascinent même. 

«Nous avons voulu faire découvrir Thomas à un public qui n'est pas habitué à voir une peinture si jeune, si fraîche, dit le galeriste Robert Desaulniers. C'est la raison pour laquelle nous avons ensemble choisi de vendre ses oeuvres à des prix abordables. Pour d'abord le faire connaître au plus grand nombre.» 

À la galerie Carte blanche (1853, rue Amherst, Montréal), jusqu'au 20 mars.