Depuis quatre ans, la galeriste Madeleine Forcier et le commissaire Nicolas Mavrikakis se sont investis dans une relecture de l'oeuvre de Pierre Ayot (1943-1995). Il en découle une rétrospective soignée pour honorer et redécouvrir cet artiste montréalais disparu trop tôt. Nous avons visité quelques-unes des expositions organisées dans ce cadre.

Pour aborder l'impressionnante rétrospective Pierre Ayot, le marathon d'art peut débuter avantageusement à la Grande Bibliothèque. Nicolas Mavrikakis y signe une expo intitulée Pierre Ayot - Regard critique. On y constate le jugement pertinent qu'a su porter le fondateur d'Atelier Libre 848 sur la société québécoise, s'engageant en faveur du féminisme, de la liberté d'expression ou de l'environnement. Une exposition foisonnante, intelligente, de qualité muséale.

«L'exposition fait renaître Pierre alors que, pour la jeune génération d'aujourd'hui, Pierre Ayot, c'est le nom d'un prix d'excellence montréalais», dit la galeriste Madeleine Forcier.

«Je trouve que son oeuvre n'a pas vieilli. Il est encore très actuel quand on voit qu'il parlait d'enjeux qui, aujourd'hui, ne sont pas encore réglés.»

Des études au Museum Circus

À la galerie Graff, nouvellement installée dans l'édifice du Belgo, Madeleine Forcier présente Pierre Ayot - Face à face, qui fait le tour des quatre décennies de la carrière de son ancien compagnon, depuis ses premiers dessins et gravures jusqu'à sa dernière oeuvre, En piste les Heathrow Brothers, découlant du corpus Museum Circus. En passant par ses sérigraphies géométriques, ses trompe-l'oeil, ses recyclages de cartons de vernissage et, bien sûr, ses installations qui combinent objets réels et objets créés. Un délice d'exposition.

À la galerie Joyce Yahouda, qui croisait parfois Pierre Ayot à la foire de Bâle, l'expo Push and Pull associe des oeuvres d'Ayot à celles d'artistes ayant adopté une facture plus formaliste, tels que Paterson Ewen, Denis Juneau, Stéphane La Rue, Guido Molinari, Alana Riley, Andrea Szilasi, Claude Tousignant et Julie Tremble. Brillante, l'expo élaborée par Nicolas Mavrikakis révèle l'intelligence d'Ayot, son imagination sans limites et ce bonheur de jouer avec les éléments et les formes.

On y trouve des photos qu'il avait faites de ses amis en partance pour New York, tels qu'Yvon Cozic, Claude Gosselin ou Yves Gaucher. Dans une petite pièce à part, on a même accroché quelques dessins érotiques de Pierre Ayot, jamais montrés...

Fondation Guido Molinari

Nicolas Mavrikakis a aussi eu l'idée heureuse d'inviter la Fondation Guido Molinari à entrer dans la danse de cette rétrospective. Il en ressort une exposition originale, Ayot/Moli (en passant par Maclean), et une autre, Familiarités, préparée par Madeleine Forcier.

La galeriste Marthe Carrier, de B-312, rend aussi hommage à Pierre Ayot qu'elle a connu quand elle était étudiante. Avec Yan Romanesky, Isabelle Guimond et Nicolas Mavrikakis, elle s'est chargée du financement de la reconstitution et de l'installation de l'oeuvre La croix du mont Royal à l'angle des avenues Du Parc et Des Pins. Une aventure remplie de bonnes et de moins bonnes surprises, on l'a déjà dit, mais l'oeuvre revit publiquement et c'est le principal.

Dans sa galerie, elle a aussi créé, avec Nicolas Mavrikakis, un espace pour documenter «l'affaire Corridart», l'événement d'art public de 1976 qui a été éphémère en raison de l'étroitesse d'esprit de l'administration Drapeau. La galerie expose le Coffret Corridart, une «pierre tombale» sur laquelle sont inscrits les noms des artistes ayant contesté devant les tribunaux la décision municipale, notamment Françoise Sullivan, Bill Vazan, Pierre Ayot et Bob McKenna.

Elle présente aussi le jugement qui leur a donné tort - il faudra attendre l'élection de Jean Doré, en 1986, pour qu'ils finissent par avoir droit à une compensation financière - ainsi que quelques oeuvres de ces artistes qui luttaient pour la liberté d'expression.

Enfin, le Musée d'art de Joliette propose cet automne de découvrir l'univers photographique de Yan Giguère, une installation de Charles Stankievech, des témoins de la période new-yorkaise de Marcel Barbeau, mais aussi une installation ludique de Pierre Ayot, Femmes de toilette, installée judicieusement... dans les toilettes pour femmes du musée! Bonnes visites!

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Ses créations font partie de grandes collections publiques et privées, notamment celles du Musée d'art moderne de New York et de la Tate Modern de Londres.

Biographie Pierre Ayot

Né à Montréal en 1943.

1964-1972: Enseigne à l'École des beaux-arts de Montréal après y avoir étudié.

1966: Fonde l'Atelier Libre 848 qui deviendra l'Atelier Graff.

1972-1995: Donne des cours à l'UQAM.

1995: Mort.

2001: Première rétrospective au Musée des beaux-arts de Montréal.

Photo Michel Gravel, La Presse

Pierre Ayot à la galerie Graff, rue Rachel, à Montréal, en 1986