De tendance post-punk, l'artiste portugaise Wasted Rita a été invitée par la galerie d'art Artgang à exposer pour une première fois au Canada. Avec The Waking, the Sleeping and all the Nihilism in Between, elle exprime un certain pessimisme de la vie au moyen d'un humour décapant et froidement réaliste.

Elle est arrivée à la galerie avec sa tuque «No Fun» posée sur la tête. Comme un manifeste. Elle sourit, répond aux questions, n'a pas l'air rebelle. Wasted Rita n'est pas idéaliste. Elle ne croit pas au bonheur mais trouve son bien-être dans un équilibre entre acuité et fatalisme.

Artgang a fait un bon coup en l'invitant, grâce à une collaboration avec sa galerie de Lisbonne, Underdogs Gallery, qui diffuse des artistes urbains renommés tels que Cyrcle, Felipe Pantone ou Bicicleta Sem Frio. La galerie lui a réservé une petite salle dans laquelle on pénètre à travers une porte aux montants fracassés. Comme un squat dans un édifice abandonné. Ça donne le ton mais à l'intérieur, ce n'est pas la zone, mais un cube blanc où l'on a accroché 4 cadres de l'artiste, 1 oeuvre néon et 68 dessins gentiment alignés.

La scénographie ne signifie pas pour autant un univers bon chic bon genre. Car avec Wasted Rita, ce sont les mots qui vous frappent. Des élans sans filtre, issus de son humeur quotidienne et d'un tempérament qui flagelle le ronron des bobos. Mais cela dit, ça n'en fait pas une dépressive chronique. 

«Il y a des choses qu'il faut savoir accepter. Et quand on a accepté ça, la vie commence à être agréable.»

Née au sein d'une famille catholique plutôt stricte, Wasted Rita est devenue, après des études en design graphique, une artiste dans la sphère de l'illustration, de l'affiche et surtout du web qui a fait sa notoriété grâce à son blogue Rita Bored. Le web meuble ses créations. Elle avoue ne lire pratiquement jamais un livre et passer une bonne partie de son temps sur le Net à regarder... des émissions de télé, de l'humour et des films. Elle tweete aussi de temps en temps. Elle a déjà écrit sur Twitter: «Fun fact: dead men don't rape» («Drôle d'évidence: les hommes morts ne violent pas»).

Langage tranché

Une de ses peintures est une reproduction d'une recherche sur Google. Dans le rectangle réservé à l'énoncé de la recherche, Wasted Rita a écrit: «how to stop being an apathetic bitch»! Un autre de ses tableaux indique trois mots: INTERNET, TRACT et INFECTION. Mais quand on regarde de plus près, on voit que le dernier T de TRACT a remplacé un K partiellement effacé. Le graphisme n'est pas clair, contrairement au message.

Sur un de ses cadres, elle a écrit dans une boucle mimant le serpent qui se mord la queue: «ALL I DO IS COMMENT LIKE SHARE AND POST NO MATTER WHAT.» Dans le même esprit, une toile annonce: «UPDATE EVERYTHING IMPRESS NO ONE». Des incitations à changer d'attitude? Peut-être. Mais Wasted Rita se veut surtout un miroir de notre réalité.

Sur un mur ont été épinglés 68 petits dessins à l'encre. La plupart créés depuis son arrivée chez nous. En une semaine! «Je m'assois, je pense et ça me vient, alors je me mets à dessiner. Même si le matin, la première chose qui me vient à l'idée, c'est "ça va être une journée déprimante"! Mais j'ai du fun quand même!», lâche-t-elle dans un éclat de rire.

Les dessins sont des slogans ou des mini-BD. Dans l'un d'eux, une femme est sur un lit avec un homme. Près d'elle, un contenant de sushis posé sur le lit. Elle consulte son ordinateur portable, lui, son cellulaire. Et lui lance que tout ce qu'elle aime faire avec lui, c'est d'être au lit pour manger des sushis!

Des dessins qui reflètent ses états d'âme, son féminisme et le souci de dire ce qu'elle ressent avec un certain humour noir.

Le célèbre Banksy a fait appel à elle, l'an dernier, en l'invitant à son superévénement Dismaland. Elle a aimé l'expérience, reconnaît qu'elle lui a permis d'augmenter sa notoriété. Mais elle est tannée d'en entendre parler et ne veut pas perdre son temps à pérorer sur le passé. Pas pour rien qu'elle s'est baptisée Wasted Rita, une artiste qui veut avancer et dire ce qu'elle pense. Et qui rêve d'une expo solo à New York...

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À la galerie d'art Artgang, jusqu'au 23 novembre.

Photo Robert Skinner, La Presse

internet killed my ability to look at the stars #1, Wasted Rita, encre acrylique sur canevas, 45 po x 59,5 po