À l'étroit après seulement 16 ans d'existence, le musée Tate Modern de Londres s'est doté d'une extension pyramidale qui va lui permettre de redéployer ses collections et d'offrir davantage d'espace à ses millions de visiteurs.

Plus de 5 millions de personnes se bousculent chaque année dans l'ancienne centrale électrique où s'est installé en 2000 le musée d'art moderne, dominant de sa silhouette de briques claires la rive sud de la Tamise, face à la cathédrale Saint-Paul.

C'est plus de deux fois la jauge initialement prévue, qui était de 2 millions de visiteurs. D'où la décision très rapidement de s'agrandir.

Le cabinet d'architectes suisse Herzog et de Meuron, qui s'était chargé de la reconversion de l'ancienne centrale électrique désaffectée, a été de nouveau choisi pour ce projet qui a coûté 260 millions de livres (472 millions $).

Le résultat: une pyramide étêtée et aux angles brisés, de briques revêtue, fidèle à l'architecture industrielle de l'ancien bâtiment auquel elle est accolée.

L'inauguration publique du bâtiment aura lieu à partir de vendredi, avec un week-end de festivités, dont une chorale de 500 chanteurs dirigée par l'artiste britannique Peter Liversidge.

À l'intérieur, les visiteurs découvriront le même dépouillement industriel: béton brut, bois brut, rampes en métal peintes de noir.

Si le rez-de-chaussée, situé dans les anciens réservoirs de la centrale, est sombre comme une grotte, aux étages supérieurs, les briques qui recouvrent le bâtiment sont disjointes et laissent filtrer la lumière telles des moucharabieh. De grandes fenêtres laissent aussi généreusement entrer le jour dans les espaces destinés à la déambulation et au repos, nombreux.

C'était l'une des priorités affichées par les commanditaires: permettre aux visiteurs de se poser davantage et voire même d'engager la conversation avec leur voisin. D'où des bancs et des chaises nichés dans des alcôves, devant les ascenseurs ou face aux baies vitrées qui ouvrent sur la terrasse panoramique du 10e et dernier niveau du bâtiment.

«Nous voulions fournir de grands espaces pour les performances et installations des artistes mais aussi des espaces plus intimes», explique le directeur des musées Tate Nicholas Serota.

Quelque 800 oeuvres, 300 artistes

Avec son extension baptisée Switch House, posée comme une tour garde, la Tate Modern gagne 60% de surface, ce qui lui permet de présenter désormais 800 oeuvres et 300 artistes. Avec un coup de projecteur particulier sur des pays jusque-là ignorés.

«Nous avons travaillé dur ces dernières années pour transformer notre collection internationale afin de refléter le fait que le grand art est produit partout dans le monde», a souligné Frances Morris, directrice de la Tate Modern, admettant un biais favorisant jusque-là l'art américain et d'Europe occidentale.

Parmi les artistes mis en valeur, l'Ukrainien Boris Mikhailov, le Japonais Yayoi Kusama, le Brésilien Ricardo Basbaum, le Franco-algérien Kader Attia.

La Tate Modern a aussi décidé d'acheter et montrer davantage d'oeuvres de femmes, que ce soit la Roumaine Ana Lupas, l'Italienne Marisa Merz ou l'Américaine Joan Jonas.

La première exposition temporaire accueillie dans le nouveau bâtiment sera d'ailleurs consacrée à l'artiste américaine Georgia O'Keeffe dont l'oeuvre a trop souvent été minorée et réduite à des peintures de fleurs, a expliqué à l'AFP le directeur des expositions de la Tate Modern Achim Bochardt-Hume.

Au rez-de-chaussée de la Switch House, le visiteur est accueilli par des installations et performances en mouvement.

Au-dessus, les niveaux 2, 3 et 4 accueillent des espaces thématiques illustrant la relation entre objets et architecture, artistes et spectateurs, travail artistique et environnement urbain.

Les autres étages sont occupés par des salles de conférences, les bureaux du personnel, des boutiques, restaurants et café et la fameuse terrasse panoramique.