Le ciel était maussade, hier matin, au-dessus du Musée d'art contemporain de Montréal - ou MAC - mais, à l'intérieur, l'humeur était à la fête. On avait le sentiment qu'une même famille s'était réunie pour célébrer l'art contemporain et la renaissance de son principal écrin montréalais.

Investisseurs, galeristes et employés du MAC s'étaient joints aux trois femmes qui représentaient les trois ordres de gouvernement : Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, Hélène David, ministre suppléante de la Culture et des Communications du Québec, et Manon Gauthier, responsable de la Culture à la Ville de Montréal. 

Cela fait des années que les amateurs d'art contemporain rêvent d'un MAC plus grand et plus conforme aux défis de l'art actuel. Quand l'ex-directrice Paulette Gagnon avait abandonné, en 2011, l'idée de Marc Mayer, ex-directeur du MAC, d'installer le musée dans le Silo no 5, on projetait alors la reconstruction du musée au coût de 88 millions. Trop cher. Un an et demi plus tard, en juin 2012, Alexandre Taillefer, fraîchement arrivé à la présidence du C.A., enterrait ce projet. 

L'homme d'affaires souhaitait d'abord redonner du lustre au musée qui avait accueilli en 2011-2012 quelque 247 000 visiteurs. Pour 2015-2016, l'affluence était 60 % plus importante, s'établissant à près de 391 000 personnes. 

« INTERVENTION LIMITÉE »

L'annonce faite hier reprend à peu près le projet de 44 millions avalisé en 2014 par l'ex-première ministre Pauline Marois, à laquelle le directeur général du MAC, John Zeppetelli a rendu hommage, hier. Sauf qu'on parlait en 2014 d'une expansion et d'un agrandissement du musée. Il s'agira en fait d'une « transformation », « une intervention assez limitée », a prévenu John Zeppetelli. 

Celui-ci a d'ailleurs mis les choses en perspective en évoquant l'agrandissement du San Francisco Museum of Modern Art, qui rouvre aujourd'hui même, et pour lequel 500 donateurs ont réuni 650 millions de dollars US. À titre de comparaison, la Fondation du MAC essaiera de rassembler d'ici trois ans quelque 7 millions, pour combler la différence entre le coût de la transformation d'environ 45 millions et l'aide publique d'environ 38 millions. 

La transformation permettra tout de même, si l'on en croit Alexandre Taillefer, de doubler la superficie d'exposition - actuellement de 2500 m - en réarrangeant les espaces. 

John Zeppetelli est moins optimiste, estimant que ce sera moins du double. Quoi qu'il en soit, en doublant la superficie, le MAC, avec 5000 m2 demeurerait encore 10 fois plus petit que le Musée des beaux-arts de Montréal qui frôlera les 49 000 m2 en novembre avec l'ouverture de son cinquième pavillon. 

« Je pense qu'en terme d'architecture, on va quand même être capable de faire quelque chose de fantastique, et ce, avec des firmes québécoises, dit Alexandre Taillefer. On va démontrer que, comme d'habitude, au Québec, on fait plus avec moins. Je pense que ce sera spectaculaire. » 

LA BATAILLE DE MÉLANIE JOLY

Ceci dit, l'annonce démontre l'intérêt du fédéral et du provincial à donner un certain élan au MAC. Sous le règne conservateur, le projet n'avançait pas. Mélanie Joly semble avoir pesé de tout son poids pour permettre de débloquer 18,85 millions. Membre du C.A. du MAC de 2006 et 2013, elle a affirmé avoir mené une « bataille » pour changer, au cours de l'hiver dernier, les critères d'admissibilité au Fonds Chantier Canada. 

« Auparavant, il était impossible pour les provinces de financer des projets d'infrastructures culturelles avec ce fonds. C'est pourquoi ç'a été si long avant d'annoncer cet engagement. Et il y aura d'autres investissements culturels annoncés... » 

- La ministre Mélanie Joly

Un concours d'architecture sera lancé dans les prochains mois pour transformer le MAC, accompagné d'une consultation publique. Le début des travaux est prévu à l'automne 2018 et une inauguration du « nouveau MAC » deux ans plus tard. Le musée pourrait demeurer partiellement ouvert pendant les travaux. 

DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

Transformer le MAC est une chose, le faire rayonner adéquatement en est une autre. La ministre David a réitéré, hier, le souci de son gouvernement d'« accompagner » les musées dans « l'accomplissement de leur mission ». Mais les coupures libérales des dernières années ont affecté les musées, les poussant à se tourner toujours plus vers le privé ou à couper dans leurs projets. Alexandre Taillefer garde donc les pieds sur terre. 

« On a multiplié par quatre nos revenus autonomes en moins de trois ans, passant de 450 000 $ à 1,6 million, dit-il. Mais en transformant, on aura près de 1 million en plus de taxes municipales. Il faudra avoir des conversations au niveau du financement car, avec les coupures, notre budget n'a pas été indexé. On va donc avoir besoin d'une aide similaire à ce que le Musée des beaux-arts de Montréal a pu avoir dernièrement. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

John Zeppetelli, directeur du MAC