Avec son exposition Place to Form, l'artiste montréalaise Natalie Reis présente un quatrième solo à la galerie Trois Points. Un corpus d'oeuvres plus intimes et moins frappantes que lors de ses accrochages précédents au Belgo, l'aspect incisif de ses créations antérieures n'étant plus là.

À 34 ans et deux jeunes enfants à la maison, on voit évidemment la création avec d'autres yeux. Depuis 2008 qu'elle expose sur les murs blancs de la galerie d'Émilie Grandmont-Bérubé et Jean-Michel Bourgeois, Natalie Reis s'est distinguée avec un style particulier - plus de représentation que strictement de figuration - et un sens aigu du concept et de la suggestion. 

Laissant derrière elle les têtes décapitées, les mères infanticides, les intestins, les phallus et les évocations féministes de ses dernières expositions, Natalie Reis présente, avec Place to Form, un ensemble relié à sa propre réalité de femme, à son environnement immédiat et à ses racines. «Une observation introspective», dit l'artiste en entrevue, ajoutant que sa notion de féminisme s'est élargie avec le temps, étant devenue plus «inclusive». Sa «vision du monde a changé» tout comme ses intérêts et elle assure conserver son regard critique.

Passage serein

Du coup, Place to Form est empreint de cette sérénité qui souligne une maturité naissante. En même temps, cette nouvelle proposition n'a pas l'insolence, l'audace et la force d'évocation des productions antérieures. 

Les toiles de Natalie Reis ont perdu en épaisseur, en travail de surface, mais ont gagné en légèreté, en simplicité. La toile brute, même, est parfois laissée telle quelle. Du coup, cette économie plastique confère aux oeuvres une douceur inédite.

Comme pour son oeuvre de 2013 Ballistic Pendulum, Natalie Reis s'est intéressée au thème des plantes toxiques mais aussi aux éléments de son environnement familial et de son atelier. Parallèlement, un désir d'artisanat a épousé ses inspirations.

Retour aux sources

Plated with Care, avec ses collages de photos tirées de livres de recettes, réfère autant aux céramiques azulejos du Portugal, pays d'origine d'une branche de sa famille, qu'à sa domesticité quotidienne. 

Dans une salle de la galerie, Natalie Reis a d'ailleurs placé des oeuvres pour créer une atmosphère intime. Une sorte de salon personnel ou de chambre avec un «portrait» (la toile Mother Head), une oeuvre rappelant une tapisserie orientale (Pattern of Gold) et, sur une tablette, des sculptures de petits objets, sorte de déclinaison en trois dimensions d'éléments qui apparaissent ici et là dans ses oeuvres. 

Ces objets sont reliés à ses origines portugaises et à sa grand-mère qui a collectionné bien des choses après en avoir beaucoup manqué pendant sa jeunesse. Ce sont de petites écuelles, des objets de céramique de formes variées, parfois brutes, des objets en voie de devenir artistiques ou d'être utilitaires. 

En résidence, depuis janvier, à l'Atelier circulaire, Natalie Reis veut parfaire cette année sa technique de l'estampe. Elle a déjà présenté, lors de la dernière foire Papier, quelques exemples de gravures dans lesquelles elle a incorporé du texte. Il s'agit d'une nouvelle phase de création chez cette artiste qui ne se répète pas, profitant de ses incursions au coeur de nouvelles techniques pour élaborer un cheminement artistique singulier. À suivre.

Natalie Reis en bref

Née en 1981 à Montréal.

Dessinait dès son plus jeune âge.

A étudié à Dawson, Concordia et Waterloo.

Son frère est le cinéaste Robby Reis.

Inspirée par les artistes Eva Hesse, Louise Bourgeois et Marc Séguin pour lequel elle a été assistante.

Collectionnée aux États-Unis et au Canada.

_____________________________________________________________________________

À la galerie Trois Points, jusqu'au 21 mai.