Amateur passionné, l'homme d'affaires François Pinault va installer sa collection d'art au coeur de Paris, dans la Bourse de Commerce aux Halles, un nouveau lieu culturel d'avant-garde qui ouvrira ses portes à l'automne 2018.

«Cette journée est une très belle journée», a déclaré la maire de Paris Anne Hidalgo, lors d'une conférence de presse au côté de l'homme d'affaires. «Nous avons la chance d'accueillir la collection de François Pinault dans "le" site inouï et exceptionnel qu'est la Bourse de Commerce».

Ce bâtiment historique en rotonde, en point de mire de la nouvelle canopée de Halles, va être concédée pour 50 ans à la Fondation Pinault moyennant une redevance. La fondation financera les travaux nécessaires à la transformation de l'édifice et assurera les dépenses de fonctionnement du nouveau musée, l'usage du lieu revenant à la Ville de Paris au terme de la concession.

«Ce projet s'installera dans le tissu culturel parisien aux côtés d'autres institutions publiques et privées qui oeuvrent déjà pour la diffusion de la création contemporaine», a souligné François Pinault, 79 ans, considéré comme l'un des plus grands collectionneurs d'art moderne et contemporain (3500 oeuvres).

«Ça bouge toujours, une collection de l'art d'aujourd'hui; il y a des artistes qui créent, on voit des oeuvres, il faut savoir sauter dessus, les acquérir, ce que ne peut pas faire une grande institution contrôlée par les États. C'est un musée en mouvement et très complémentaire des autres musées existants», a dit François Pinault en marge de la conférence.

Cette implantation devait lui tenir particulièrement à coeur après l'ouverture médiatisée de la Fondation Vuitton au Bois de Boulogne fin 2014 et ses déconvenues pour un projet de musée sur l'île Seguin en 2005.

Excédé par les lenteurs administratives, l'homme d'affaires avait finalement décidé d'installer sa fondation à Venise, au Palazzo Grassi. Il a ensuite acquis, toujours à Venise, la Pointe de la Douane (ouverte en 2009), puis le Teatrino (ouvert en 2013).

Un axe Paris-Venise

«Je ne me souviens pas avoir claqué la porte, je suis amnésique, le passé ne m'intéresse pas, ce qui m'intéresse c'est aujourd'hui et ce qu'on va faire demain. L'avantage d'un amateur privé un peu fou, enthousiaste, c'est de saisir les occasions quand elles se présentent», a lancé l'homme d'affaires, qui imagine un «projet global» et des «synergies» avec les implantations vénitiennes, sans rien leur enlever.

Le projet architectural, qui sera présenté d'ici quelques mois, a été confié au Japonais Tadao Ando, avec lequel «j'entretiens des liens d'amitié et de complicité», a dit M. Pinault. Ce grand architecte, dont ce sera la première grande réalisation en France, est déjà intervenu sur les trois sites vénitiens et avait été retenu pour le projet avorté de l'île Seguin.

La Bourse, «un des premiers chefs d'oeuvre d'architecture utopique», selon Jean-Jacques Aillagon, conseiller de François Pinault, est composée d'un grand vide central couvert de la première coupole en fer et fonte de grande portée du début du XIXe siècle, entouré de deux niveaux de galeries. Un auditorium sera créé en sous-sol pour accueillir spectacles, performances, colloques...

Tadao Ando sera assisté d'un architecte en chef des monuments historiques, Pierre-Antoine Gatier, certaines parties du bâtiment étant classées. Lucie Niney et Thibault Marca (agence Nem), qui ont contruit des résidences d'artistes financées par la Fondation Pinault près du Louvre-Lens, seront les architectes d'opération. Les délais sont serrés, les travaux devant commencer en janvier 2017.

Tant Anne Hidalgo que François Pinault ont insisté sur l'emplacement exceptionnel de la Bourse de commerce, à deux pas du Louvre, du Centre Pompidou, des galeries du Marais et du pôle de transport de Châtelet-les Halles où transitent chaque jour 750 000 voyageurs.

Selon l'homme d'affaires, le musée, dont le conseil d'orientation sera présidé M. Aillagon, ex-ministre de la Culture, portera «une attention particulière à ceux qui sont habituellement éloignés de la fréquentation de l'art contemporain».

La Bourse de commerce était la propriété de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Paris-Île-de-France avec laquelle la Ville a procédé à un échange foncier.