À l'occasion de Papier 16, la 9e foire d'art contemporain sur papier de Montréal, qui se déroulera dans le Hangar 16 au Vieux-Port du 21 au 24 avril prochains, La Presse a rencontré quatre jeunes collectionneurs d'oeuvres d'art qui nous parlent de leur passion et de leurs premiers pas dans... l'art d'acheter de l'art.

LAURENT DUVERNAY-TARDIF: LA PASSION AU COEUR

25 ans. Né à Mont-Saint-Hilaire. Termine des études de médecine à McGill. Joueur des Chiefs de Kansas City (NFL). Petit-fils de l'homme politique Guy Tardif. Sa famille a créé le Pomme de glace et la boulangerie Le pain dans les voiles.

Q: Alors, on peut être joueur de football de la NFL et s'intéresser aux arts visuels?

R: Le monde du sport n'est pas toujours très ouvert aux arts, mais j'ai quand même réussi à emmener deux joueurs des Chiefs voir Casse-Noisette à Kansas City! Le monde des arts est fascinant. Les gens qu'on y rencontre, par exemple dans les galeries, sont passionnés par ce qu'ils font. Comme dans le sport. Un athlète, comme un artiste, est capable de toucher une personne, de l'intéresser. Le sport et l'art sont deux domaines à la fois éloignés et proches.

Q: D'où te vient ta passion pour l'art?

R: De mes grands-parents, notamment de ma grand-mère qui a une impressionnante collection d'oeuvres d'art, surtout canadiennes: Pellan, Riopelle, etc. Mes grands-parents produisaient du cidre, notamment le Pomme de glace. Les étiquettes des bouteilles étaient souvent des oeuvres d'art. Ça m'a marqué. Ma grand-mère m'a offert des oeuvres comme cadeau de fête, notamment des peintures de Michel Bourguignon.

Q: Et puis, il y a cinq ans, tu as rencontré ta copine, Florence-Agathe Dubé-Moreau, actuellement à la maîtrise en histoire de l'art à l'UQAM...

R: Elle m'a fait découvrir l'art contemporain, ce qui se fait à Montréal en ce moment, les galeries... Ça m'a accroché. Elle m'a montré que c'était possible de collectionner de l'art actuel. Quand on voyage en Europe, on visite des musées et des expositions.

Q: Même à Kansas City, tu as été inspiré par l'art actuel...

R: Oui. Il y a un immense musée national et, au centre-ville, le quartier Crossroads Arts District est fermé tous les premiers vendredis du mois. Les gens s'y promènent et prennent un verre dans les galeries. Ça attire les étudiants. On devrait implanter ça à Montréal.

Q: As-tu déjà créé de l'art?

R: Je suis allé au primaire dans une école alternative Waldorf. J'y ai fait de la sculpture, de la poterie, de l'aquarelle et même du tricot! Je suis capable de tricoter des bas, en faisant les talons avec quatre aiguilles!

Q: Les préjugés sur les joueurs de football en prennent un coup!

R: J'espère! D'ailleurs, mon côté artistique s'est développé quand j'ai créé un petit bureau en bois avec de vrais goujons (j'en suis fier!) et une lampe de bureau.

Q: Quelle est la première oeuvre que tu as achetée?

R: C'était une encre sur papier de Gabriel Lalonde. Ma collection reflète ma condition d'étudiant. Ce ne sont pas de grandes oeuvres, car je les ai achetées avec mes prêts et bourses! Avec la NFL, ma réalité économique a changé. Donc avec ma copine, on a des plans d'acquisitions!

Q: Comment décides-tu l'achat d'une oeuvre?

R: Je n'achète pas parce que c'est un nom ou pour faire un investissement, mais parce que ça me parle. L'abstraction m'interpelle, comme le message ou les matériaux utilisés. Pour mes oeuvres de Tammy Campbell, par exemple, la minutie et l'énergie qu'elle met dans son travail pour mimer du ruban adhésif toilé, un bien de consommation assez banal, ça m'a allumé. C'est mon côté scientifique.

Q: Est-ce que tu souhaites donner une direction à ta collection?

R: C'est important qu'elle ait un thème. Je ne veux pas m'éparpiller. Je veux faire un lien entre les artistes et être capable, plus tard, de voir une évolution dans ma collection. Je ne sais pas si c'est parce que je suis bien au Québec ou parce que je suis fier d'y être né, mais je veux favoriser les artistes d'ici plutôt que de rapporter une oeuvre d'un voyage parce qu'elle est belle et qu'elle ira bien dans les toilettes ! Pour moi, ça, ce n'est pas de l'art mais de la décoration.

Q: Tu as des envies d'achat particulières pour les années à venir?

R: Avec ma copine, on est en train de planifier l'achat de trois types d'oeuvres. D'abord, des oeuvres de l'époque de mes grands-parents, par exemple une oeuvre d'art qui a marqué le Québec, un Borduas par exemple, un Riopelle ou un Betty Goodwin. Ensuite, des oeuvres d'artistes émergents qui sont de véritables paris. Et enfin, des oeuvres d'artistes contemporains établis.

Q: Tu vas régulièrement à la foire Papier? 

R: Tous les ans! Cette année, je vais à la soirée VIP, car je veux vivre l'expérience autrement. Papier est une foire abordable pour les étudiants et les jeunes professionnels. Le support papier est plus accessible. C'est grâce à cette foire que j'ai découvert des artistes que j'aime.

Q: Conseilles-tu à un jeune qui veut collectionner de se rendre à Papier 16? 

R: Si tu veux te consacrer à des artistes d'ici, c'est l'endroit idéal. Dans les galeries, c'est souvent trop cher pour un étudiant, alors tu regardes les oeuvres comme si tu étais dans un musée. À Papier 16, tu as plus les moyens de faire une acquisition. Ça change ton regard.

Q: La collection et l'art ont changé ta vie?

R: Oui, vraiment. Ça m'a permis de connaître d'autres points de vue, d'être sensibilisé à d'autres enjeux et de décrocher. Comme étudiant, je travaille souvent de nuit, je m'entraîne à temps plein pour être en forme pour le football, je voyage beaucoup en avion. Alors quand, le samedi matin, on va faire le tour de deux ou trois galeries avec un café à la main, je décroche vraiment. Ça m'amène à penser autrement. Ça fait de moi une personne plus équilibrée. Cet équilibre m'a permis d'être bon au football et dans mes études. Un esprit sain dans un corps sain, c'est ça qui fait que tu réussis dans la vie.

YOUSSEF FICHTALI: DONNER LE GOÛT DE L'ART

30 ans. Né à Aix-en-Provence, en France. Franco-Marocain établi à Montréal. Étudiant en droit et conseiller Afrique chez Fasken Martineau. Membre depuis 2015 d'un comité d'acquisition d'oeuvres d'art du Musée des beaux-arts de Montréal.

Q: Comment est né votre goût pour l'art?

R: J'ai baigné dans l'art grâce à mes parents qui m'ont toujours encouragé à lire, à faire de la musique ou du théâtre. Mon goût pour les arts visuels est arrivé plus tard, même si on avait quelques tableaux à la maison. C'est quand j'ai commencé à travailler chez Fasken Martineau que j'ai trouvé ça agréable d'être entouré d'oeuvres d'art. Du coup, je m'y suis intéressé progressivement.

Q: Votre intérêt pour la collection d'oeuvres d'art a découlé de votre engagement auprès de plusieurs organismes d'arts visuels...

R: Oui, je suis administrateur de MASSIVart et de la galerie SBC. Je suis membre depuis l'an dernier du Comité d'acquisition d'oeuvres d'art international postérieur à 1900 du Musée des beaux-arts de Montréal. Et membre des Jeunes mécènes pour les arts. Ces implications dans la communauté des arts m'ont amené à devenir collectionneur. Comme une envie de soutenir [l'art] et aussi parce qu'il n'y a rien de mieux que d'être entouré de beau.

Q: Quelle est la première oeuvre que vous avez acquise?

R: En fait, je collectionne avec ma femme, Ines Zemmouri, issue d'une famille de collectionneurs. Le premier artiste québécois dont j'ai eu une oeuvre, c'est Jason Cantoro et c'est Ines qui me l'a achetée pour mes 27 ans. Dans notre appart, on a une vingtaine d'oeuvres, surtout des artistes marocains établis. Depuis les années 90, l'art contemporain marocain est en pleine expansion. Tant mieux, car la culture est le dernier rempart contre l'obscurantisme. Je commence à collectionner des artistes québécois. J'ai acheté une oeuvre de Jessica Eaton à la Fondation Darling.

Q: Quels critères vont guider vos choix d'acquisition dans le futur?

R: D'abord, soutenir l'écosystème local, mais ensuite il y a le coup de coeur pour une oeuvre, le côté esthétique et le côté culturel. Il faut que je trouve l'oeuvre cool! Il faut qu'avec ma femme, on fasse «waouh, c'est chouette ça!». Ça peut être une statue, un objet, de l'abstrait ou du figuratif, mais il faut que ça me parle! J'aime bien aussi qu'une oeuvre évoque une culture, un contexte social. À notre époque, où bien des choix sont faits par rapport à l'apparence, où on peut tout retoucher, une oeuvre comme Cfaal 344 de Jessica Eaton qui trompe notre oeil, j'aime ça!

Q: Vous avez cofondé un magazine d'art contemporain, Artelo, distribué gratuitement dans les hôtels, pour faire la promotion de l'art actuel...

R: Les magazines d'art ne manquent pas au Québec avec notamment esse, Canadian Art ou Vie des arts. Je les lis à l'occasion, mais on voulait fournir, sous la forme d'un coffee table book, une initiation à l'art contemporain avec beaucoup d'images et dans des mots qu'on comprenne bien. Pour expliquer que collectionner de l'art contemporain n'est pas l'apanage d'une élite fortunée. Comme je le dis à mes collègues, au lieu de vous acheter deux paires de chaussures, n'en prenez qu'une et, avec l'économie, achetez-vous une oeuvre d'art, même si c'est une sérigraphie. Si vous allez sur la boutique en ligne du galeriste Simon Blais, vous pouvez trouver des eaux-fortes de Marc Séguin à 250$! C'est quand même mieux qu'un tableau de zèbre acheté dans un grand magasin suédois tiré à 300 000 exemplaires!

Q: Vous irez à la foire Papier la semaine prochaine?

R: Bien sûr! C'est génial.

Q: Papier 16 est un bon début pour un collectionneur qui veut s'acheter une première oeuvre?

R: Oui et non. Papier, pour un collectionneur débutant, ça peut représenter une grosse somme d'argent à investir s'il y trouve une oeuvre. Ce n'est peut-être pas le meilleur forum pour commencer une collection. Ou alors, Papier devrait proposer des ateliers éducatifs. Pour donner la piqûre aux gens. Je trouve qu'il manque à Montréal un endroit ou un site internet où les artistes pourraient vendre leurs oeuvres au prix de 250$, 300$ ou 500$. Ça permettrait d'encourager de jeunes artistes montréalais et d'autres jeunes à prendre l'habitude de vivre avec de l'art. Ce qui va changer leur vie...

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Youssef Fichtali

VÉRONIQUE GAUMOND-CARIGNAN: LA COLLECTIONNEUSE INTENSE

30 ans. Originaire de Québec. Études de droit à Québec et à Hambourg. Avocate dans l'immobilier commercial à la firme Davies, à Montréal. Membre des Jeunes associés de l'Opéra de Montréal.

Q: D'où vient votre attrait pour l'art?

R: Dans ma famille, à Québec, il y a beaucoup de tableaux, mais pas nécessairement de l'art contemporain. Alors, quand je suis arrivée à Montréal il y a sept ans, un des associés du bureau m'a suggéré de participer au Rallye des galeries, organisé une fois par an. Le parcours débutait dans l'édifice Belgo, rue Sainte-Catherine Ouest. J'y ai rencontré des gens qui aimaient déjà l'art et qui pouvaient m'en parler. J'ai trouvé ça intéressant. Je me suis fait des contacts. J'ai découvert ce qu'était l'art contemporain par rapport à l'art commercial. Qu'une oeuvre ne pouvait pas juste être belle, mais te parler. Et que le cheminement de l'artiste était intéressant...

Q: Quand avez-vous commencé votre collection?

R: Ça m'a pris du temps avant de me décider. On est toujours hésitant quand il s'agit de dépenser une bonne somme d'argent pour une première oeuvre d'art. On se demande si on fait le bon choix. J'aimais beaucoup l'artiste Natalie Reis, notamment un de ses tableaux, mais ça n'avait pas passé avec mon conjoint de l'époque! Il m'avait dit: «Pas question! On ne mettra jamais ça dans notre salon!»

Q: Donc vous avez changé de conjoint!

R: Non, pas à ce moment-là, mais il était trop tard! Je lui en voudrai toute ma vie! Non, c'est une blague! Ensuite, j'ai continué à suivre Natalie Reis. Comme j'aimais le fait que c'est une femme artiste et une féministe, quand j'ai été nommée associée chez Davies, vu que c'est un monde d'hommes, j'ai choisi une de ses peintures que je trouvais très forte. Et qui me représentait bien.

Q: C'est devenu symbolique de votre ascension...

R: Exactement. Après ce premier achat, c'est devenu comme une drogue! Aujourd'hui, il faut que mon conjoint me retienne!

Q: Cette première oeuvre achetée, Cu ()t, est une huile encaustique sur toile de couleur virginale, très féminine...

R: Oui et j'aimais que la troisième lettre soit entre parenthèses, car on peut ajouter ce qu'on veut! À chacun son interprétation! Pour moi, tout était dans le cri d'une féministe fâchée contre un homme.

Q: De loin, la toile a pourtant l'air d'une peinture très douce...

R: C'est une oeuvre très forte. J'ai ensuite acheté une autre oeuvre de Natalie Reis, un petit dessin intitulé Frame que j'ai placé à côté dans notre chambre.

Q: Cette première oeuvre représentait un gros investissement?

R: Entre 2000 $ et 2500 $, il me semble. Quand on est jeune, c'est une grosse somme. Quand je dis aux gens ce que je paie pour mes oeuvres, ils trouvent que c'est beaucoup d'argent. Surtout que je voudrais acheter une maison, avoir des bébés et que mon mariage s'en vient! Mon conjoint me dit parfois de me calmer! Moi, je trouve qu'il faut encourager les jeunes artistes quand leurs prix sont encore abordables. Et je vois cette toile tous les matins et tous les soirs. Je vais toujours l'avoir.

Q: Vous avez ensuite acheté une oeuvre des Impatients, ces artistes qui créent pour apaiser leurs problèmes de santé mentale...

R: Oui, j'ai eu un coup de coeur pour une oeuvre de l'artiste José Bernard lors de leur encan. Elle s'appelle Tu m'aime tu, avec une faute d'orthographe dedans! J'ai d'ailleurs plusieurs oeuvres où il y a de l'écriture, notamment une eau-forte de Sylvain Bouthillette, Sans filtre, où il est écrit «Maudit Crisse, Calvaire». C'est fort, n'est-ce pas? Mes amies me trouvent un peu intense! Mais l'art, c'est subjectif!

Q: Commencer à collectionner a été intimidant?

R: Au début, on n'a aucune connaissance. Mais il ne faut pas hésiter à parler avec le galeriste. C'est comme ça qu'on en apprend sur les artistes. C'est pour ça que la foire Papier est intéressante: les galeristes sont là pour répondre aux questions. Quand on va à New York dans une galerie et que la personne qui est là est bête comme ses pieds et nous regarde comme si on était des étrangers, ça ne nous donne pas envie de parler de ses artistes. À Montréal, les galeristes sont super gentils, toujours prêts à répondre aux questions et à montrer les oeuvres de leurs artistes, même celles qui sont dans leurs réserves. Moi, Natalie Reis, elle n'était pas exposée dans la galerie quand je suis allée à la galerie Trois Points. Il ne faut donc pas hésiter à poser des questions.

Q: Vous avez depuis essaimé votre passion pour l'art au bureau...

R: Oui, on essaie tranquillement de se monter une collection d'entreprise.

Q: Quel genre de collection personnelle voulez-vous bâtir?

R: Je pense que c'est important d'encourager les artistes de Montréal. Mais mon conjoint est marocain. Il aimerait beaucoup qu'on ait aussi des oeuvres marocaines. J'ai vu une belle exposition sur l'art contemporain marocain l'an dernier à l'Institut du monde arabe, à Paris. La prochaine fois qu'on ira au Maroc, on ira dans des galeries!

Q: Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui seraient prêts à démarrer une collection?

R: De visiter les galeries et de poser des questions. Il y a aussi des événements intéressants chaque année, comme l'encan de la revue esse. Et puis l'encan des Impatients. Et la foire Papier qui permet d'être confronté à plusieurs artistes en même temps, de les rencontrer, de parler aux galeristes, de demander les prix, car les galeries permettent souvent de payer en plusieurs fois. Et surtout, je le redis, de poser des questions pour comprendre la démarche de l'artiste. Papier, c'est une véritable initiation à l'art. Et puis, il faut se faire confiance. Il n'y a pas de chemin à prendre. Collectionner, c'est aussi y aller avec son coeur.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Véronique Gaumond-Carignan

ENRICO CREMONESE: TOUCHÉ PAR L'ART

29 ans. Né à Milan, en Italie. Vit à Montréal depuis 2013. Études en économie de l'énergie à Moscou et MBA à McGill. Travaille pour la firme de conseil Pivot Strategy.

Q: Enrico, d'où vient votre amour de l'art?

R: Je pense qu'il remonte à une exposition sur Kandinsky que j'avais vue à Milan avec mes parents alors que j'avais 6 ans. J'avais tellement été remué par l'exposition qu'à la fin, je voulais avoir un livre sur Kandinsky écrit pour les enfants. Mes parents trouvaient que c'était du gaspillage. Ils disaient que je ne le regarderais jamais. Je leur avais garanti que j'allais le lire et que ça me passionnerait. Ils me l'ont acheté et c'est grâce à ce livre que j'ai commencé à avoir un intérêt réel pour l'art, d'abord classique, puis pour les autres arts.

Q: Vous avez démarré une collection après avoir rencontré votre conjoint, Christian...

R: Je l'avais commencée un peu avant, mais nous la bâtissons ensemble au gré de nos voyages depuis six ans et demi. On a acheté des oeuvres ensemble, avant même d'habiter ici à Montréal, car on a résidé auparavant à Paris. La collection, c'est un peu l'histoire de notre parcours commun. Chaque fois qu'on voyage dans un pays, on achète une oeuvre. C'est une façon de se rappeler ce voyage. On souhaite aussi acquérir des oeuvres d'artistes montréalais, canadiens et québécois. D'ailleurs, on a décidé de s'impliquer dans le secteur des arts. Je fais partie depuis 2013 du Cercle des jeunes philanthropes du Musée des beaux-arts de Montréal.

Q: Cet engagement a-t-il changé votre regard sur l'art et la collection?

R: Je trouve que la mission du Cercle est belle. Il y a plein d'activités de promotion de l'art et les profits réalisés lors de ses événements permettent d'acheter des oeuvres, notamment à l'occasion de la foire Papier.

Q: Quelle est la première oeuvre que vous avez achetée ensemble?

R: C'est une affiche de propagande du Parti communiste chinois! Nous l'avons achetée au Musée de la propagande, à Shanghai. On l'a choisie parce qu'on la trouvait drôle. C'est un hymne à la fraternité entre Russes et Chinois. On voit ces deux hommes, un Russe et un Chinois, qui se tiennent par les épaules et par la main. C'est assez ambigu! Nous l'aimons beaucoup, même si elle est un peu controversée, car elle est vraiment intéressante, d'autant qu'à l'époque, je faisais mon master à Moscou et Christian habitait à Shanghai!

Q: Quels sont vos critères d'achat d'une oeuvre d'art?

R: Nous ne sommes pas des collectionneurs experts, alors on entre dans les galeries sans attentes particulières. Pour regarder. On parle avec la personne qui se trouve sur place, on crée des liens, on en apprend sur les artistes. Et puis, une oeuvre nous touche. Elle dégage quelque chose. Souvent, on constate qu'on aime la même! Après, on décide de faire l'achat. Quand on était étudiants, ce n'était pas facile. On avait peu de moyens, mais on se disait qu'on allait quand même miser sur l'oeuvre, car on trouvait que ça nous apportait beaucoup.

Q: Vous semblez être très ouverts à la nouveauté...

R: La psychologie de l'oeuvre est importante, mais parfois on fait des découvertes. Par exemple, quand on a acheté les oeuvres de Lucy Sparrow à Station 16, on y allait pour Jason Wasserman. Quand on a vu ce qu'elle faisait avec du feutre, on a trouvé ça intéressant. C'était du jamais vu. Ça nous plaisait. C'était vraiment par hasard. On avait encore nos sacs d'épicerie dans les mains! Mais on a dit OK!

Q: Vous allez vous rendre à Papier 16 la semaine prochaine?

R: Oui, ce sera ma deuxième visite. J'ai bien hâte. C'est une exposition qui, d'abord, nous plaît, car le Cercle des jeunes philanthropes va y acheter une ou deux oeuvres. Mais c'est aussi une foire très intéressante. On a visité beaucoup de foires en Europe, mais ici, c'est fascinant de voir ce que les artistes sont capables de produire avec le papier.

Q: Quel conseil donneriez-vous à une personne qui hésite à se constituer une collection d'oeuvres d'art?

R: Je lui dirais de se lancer, car ça vaut la peine. Cela va rester. Ce n'est pas seulement un investissement. C'est choisir un plaisir par rapport à un autre. Et je lui conseillerais d'arriver tôt à Papier 16 pour avoir le plus grand choix! L'avantage de la foire Papier, c'est que les oeuvres sont plus abordables que sur d'autres supports. Et ça permet de voir tellement de styles différents. C'est comme visiter un musée ou une collection privée.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Les collectionneurs d'art Enrico Cremonese et Christian Khouri dans leur chambre où plusieurs oeuvres sont exposées, notamment un feutre de Lucy Sparrow (posé sur le meuble) et deux collages de Louis-Alexandre Cliche (sur le mur).