Torontoise établie à Montréal, Lorna Bauer fait actuellement l'objet de deux expositions dans la métropole. À la Fonderie Darling, l'artiste émergente expose des clichés qu'elle a pris à Paris lors d'une résidence artistique. Elle présente également à la Galerie Nicolas Robert des oeuvres créées sur le vif en juin dernier à Vancouver...

Lorna Bauer est une photographe du paysage urbain dans ce qu'il a notamment de révélateur sur nos liens ambigus avec la nature. Quand ils ne sont pas assez ténus, celle-ci prend de toute façon ses aises et occupe l'espace sans demander de permission! Cette relation entre architecture et nature, on la retrouve magnifiée dans les deux expos présentées simultanément à Montréal par Lorna Bauer, dont la réputation du travail ne cesse de croître.

Promenade parisienne

En 2013, Lorna Bauer a bénéficié d'une résidence artistique de trois mois - offerte par la Fonderie Darling et le Conseil des arts et des lettres du Québec - au Couvent des Récollets, à Paris. Avec son appareil photo 35 mm, qu'elle n'avait pas utilisé depuis le collège, l'artiste de 35 ans s'est promenée dans la Ville Lumière et a pris des images en errant ici et là.

Ces photographies exposées à la Fonderie, c'est un reflet du soleil sur la façade d'un immeuble haussmannien, c'est le jeu de la lumière avec des miroirs, des vitres et des plantes dans un jardin botanique ou encore la révélation des cicatrices du temps sur des murs de maisons et des pierres tombales. Traces d'oxydation, empreintes de pollution, cristallisation minérale, oblitération de la pierre par des mousses, Lorna Bauer sait observer et rendre compte du souffle et des legs de la vie.

Belle photo que celle où une mousse verte a comblé les espaces des lettres gravées dans une stèle funéraire, y faisant renaître une nouvelle écriture...

Arthur C. Erikson

Pour Blue Fountain, son deuxième solo chez Nicolas Robert, Lorna Bauer expose des images prises l'été dernier à Vancouver dans le jardin qui entoure la demeure de l'architecte Arthur C. Erickson, mort en 2009. Des photos magnifiques qui illustrent, là aussi, l'étendue du talent de cette artiste.

Deux photos prises au même endroit montrent comment elle y a capté trois plans de vision, en partie grâce au phénomène du reflet. On peut distinguer en effet à la fois l'intérieur de la cuisine de l'architecte, le jardin qui la borde (avec des fougères) et - dans le reflet de la vitre d'une petite serre (dans laquelle on distingue des livres) - le parc avec son étang rempli de nénuphars.

Les deux photos se ressemblent. On y voit les mêmes amaryllis rouges. Mais le foyer est différent. L'artiste informe et suggère, si l'on prend la peine de regarder, bien sûr, et de scruter chaque recoin de ces deux photos.

Avec deux autres images en noir et blanc, Lorna Bauer a joué avec les nénuphars de l'étang et les branches d'un conifère. Avec son jeu de mise au point, elle donne l'impression que les nénuphars flous sont au premier plan tandis que les branches de l'arbre, nettes, semblent immergées...

Enfin, sa photo de branches de mandarinier est purement splendide. Dans ses variations de couleurs et sa construction spatiale (lignes verticales floues et éléments horizontaux nets), elle a le caractère d'une peinture et rappelle certaines oeuvres colorées de Dil Hildebrand.

En écho à cette profusion de couleurs, Lorna Bauer a installé, en vitrine de la galerie, un rideau de petits vitraux, de différentes formes (des gouttes et des étoiles) et de différentes teintes. Les verres laissent entrer la lumière du soleil dans l'espace d'exposition où elle a disposé des feuilles de bambou Blue Fountain en bronze sur le mur et deux tiges de ce même bambou sur un pendule. Pourquoi des bambous? Car il y en a dans le jardin Erickson. «Et aussi parce que c'est à la fois une plante et un matériau de construction», dit-elle.

Si le paysage et l'architecture sont omniprésents dans le travail de Lorna Bauer, elle mentionne que ça vient notamment de sa passion pour Cornelia Oberlander, architecte paysagiste de Vancouver aujourd'hui à la retraite. «Sa philosophie était d'utiliser des plantes locales dans ses projets, comme l'a fait Erickson», dit Lorna Bauer, également inspirée par la démarche et la poésie de William S. Burroughs et les enseignements de Walter Benjamin.

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Soleil, à la Fonderie Darling (745, rue Ottawa, à Montréal) jusqu'au 22 mai.

Blue Fountain, à la galerie Nicolas Robert (10, rue King, Montréal) jusqu'au 7 mai

Les autres expos

Simon Beaudry

Explorateur de l'identité québécoise, Simon Beaudry fait l'objet d'une exposition assez dense au Centre d'art Diane-Dufresne de Repentigny. Dans Véhicule et scalp. Une pratique artistique en mutation, il est question de souveraineté politique, mais aussi de l'émergence d'une jeunesse québécoise décomplexée.

Au Centre d'art Diane-Dufresne (11, allée de la Création, Repentigny), jusqu'au 17 avril.

Catherine Plaisance et Karine Payette

À Saint-Bruno-de-Montarville, le centre d'exposition du Vieux Presbytère propose jusqu'au 8 mai une double exposition sur la catastrophe. Avec La traversée 14, de Catherine Plaisance, on est dans la fragilité de l'existence, tandis que L'autre dimanche matin, de Karine Payette, explore notre propension à tout dramatiser...

Au centre d'exposition du Vieux Presbytère (15, rue des Peupliers, Saint-Bruno-de-Montarville), jusqu'au 8 mai.

Amélie Bissonnette et Mélissa Campeau

Artistes de la relève, Amélie Bissonnette et Mélissa Campeau présentent, dans le cadre de l'édition rétrospective de Trace Vallée-du-Haut-Saint-Laurent, l'exposition Apprivoiser l'espace, jusqu'au 24 avril au Musée régional de Vaudreuil-Soulanges. Toutes deux en phase avec la nature, elles créent des oeuvres en céramique et peinture sur bois.

Au Musée régional de Vaudreuil-Soulanges (431, avenue Saint-Charles, Vaudreuil-Dorion), jusqu'au 24 avril.

PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE D'ART DIANE-DUFRESNE

L'exposition de Simon Beaudry, Véhicule et scalp. Une pratique artistique en mutation est une invitation «à chevaucher la bête lumineuse de notre identité tant nationale qu'individuelle».