Marcel Barbeau fera l'objet d'une grande exposition rétrospective en 2018 à Québec, au Musée national des beaux-arts du Québec. L'annonce en a été faite, samedi, lors de l'hommage rendu à Montréal au peintre automatiste, mort le 2 janvier à l'âge de 90 ans.

Marcel Barbeau rêvait d'une première rétrospective de sa carrière au Québec. Son rêve sera exaucé de façon posthume, a annoncé hier, Line Ouellet, la directrice du MNBAQ, venue à Montréal rendre hommage au peintre disparu. 

Cette exposition majeure qui aura lieu en 2018 couvrira toute la carrière artistique du peintre montréalais, de la fin des années 40 jusqu'à sa mort, puisqu'il peignait encore en décembre. « Il le savait depuis l'automne dernier que le projet se dessinait. On devait d'ailleurs se rencontrer en janvier pour en parler », a dit à La Presse Mme Ouellet.

« On pourra le constater lors du déploiement que l'on fera de son travail au musée, à Québec », a-t-elle poursuivi.

L'hommage rendu à Marcel Barbeau, samedi, au salon Alfred Dallaire Memoria, a réuni une partie de la communauté artistique et politique du Québec. Le maire de Montréal, Denis Coderre, a fait l'éloge du peintre, qui « changeait constamment tout en restant lui-même ». 

« Il y avait en lui une quête du renouveau, a dit le maire Coderre. J'appréciais ce peintre lyrique. C'était un grand visionnaire. Sa plus grande spiritualité, il la prenait dans les villes. La force de notre métropole vient de ses citoyens et de ses maîtres à penser. Que cet homme de lumière puisse rejaillir à jamais. »

SA FAMILLE ARTISTIQUE

La ministre de la Culture, Hélène David, a également parlé de Marcel Barbeau comme d'un être « extraordinaire qui incarne ce Québec qui s'est développé et s'est ouvert ». La famille artistique de Marcel Barbeau était représentée par deux autres signataires de Refus global, la peintre, designer et dessinatrice Madeleine Arbour et la peintre, danseuse et sculptrice Françoise Sullivan.

Mme Sullivan a déclaré que Marcel Barbeau faisait partie de sa « deuxième famille » et que son oeuvre avait d'abord été marquée par la nouveauté. « On n'avait jamais vu ça avant, a-t-elle dit. C'était une création qui arrivait - je peux le dire avec la plus grande fierté - avant les expressionnistes abstraits de New York. Marcel a peut-être été le premier à faire de la peinture all over, c'est-à-dire qui s'étend au-delà du support. »

Le critique d'art René Viau, dont le père Guy Viau - également critique d'art - avait bien connu le peintre dans les années 40, s'est rappelé que son grand-père avait loué un appartement au « fantaisiste » Marcel Barbeau. « On avait des tableaux de Marcel, à la maison, et ça m'a permis, jeune, d'apprécier le côté novateur de ses oeuvres, a dit René Viau. Il a toujours été à l'avant-garde et n'a pas été reconnu à sa juste valeur. »

Animé par Manuel Barbeau-Lavalette, le petit-fils de Marcel Barbeau, l'hommage a été ponctué d'interprétations musicales, d'une performance dansée de Jocelyne Montpetit et de lectures de poésie reflétant les goûts de Marcel Barbeau pour la culture contemporaine. 

La famille de Marcel Barbeau a remercié les nombreuses personnes présentes et a livré des témoignages sobres mais appuyés. La fille de Marcel Barbeau, Manon, a raconté des anecdotes de son enfance marquée par de fréquentes absences de son père et de sa mère, mais égrenée de bons souvenirs. 

« Il m'avait écrit un jour que si un garçon était de mon goût, il fallait que j'échappe mes gants par terre, car ça allait attirer son attention ! », a-t-elle dit en riant.

Manuel Barbeau-Lavalette a dit que la vie de son « grand-papa », c'était son art et la peinture, « sa joie de vivre ». « Il s'est battu pour son oeuvre jusqu'à son dernier souffle, a-t-il ajouté. Grand-papa, repose-toi bien, tu l'as bien mérité. »

« C'était un homme déterminé, a rappelé l'artiste Damien Gillot, assistant de Marcel Barbeau durant la dernière année de sa vie. Il était déterminé à être contemporain. Malgré les pressions sociales et les difficultés, il gardait son pinceau à la main. Comme artiste de la relève, c'est un honneur d'avoir pu partager du temps avec lui. Quand on voit comment ce maître a eu des difficultés à se faire exposer, ça nous donne encore plus la rage de travailler fort afin de marcher dans ses pas. »

Enfin, l'historienne de l'art et sociologue Ninon Gauthier - dont nombre de personnes ont loué la grandeur d'âme et le soutien qu'elle a apporté durant 47 ans à son conjoint - s'est adressée directement à Marcel Barbeau, « puisque c'est la dernière fois », pour déclarer « à son amour » combien son monde est aujourd'hui « désert ». Elle a rappelé les grandes étapes de cette longue et fructueuse carrière qui sera célébrée dans deux ans à Québec. « Salut, Marcel, mon grand, mon cher artiste, toi qui as tant travaillé, même pendant nos vacances ! », a-t-elle lancé. 

Elle a aussi annoncé qu'une fondation à la mémoire de Marcel Barbeau allait être créée. Elle permettra de sauvegarder l'atelier du peintre et de réaliser en grand format sa sculpture Stèle 2, de 1971, afin de la placer sur le monument funéraire familial.

Les obsèques de Marcel Barbeau auront lieu lundi, à 11 h, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.