Une exposition artistique dénonçant les violences conjuguales a été annulée à la dernière minute par les autorités chinoises, ont assuré jeudi ses organisateurs, dernières victimes du contrôle accru exercé par Pékin sur les événements culturels.

Plus de 60 artistes - dont la moitié de femmes - ont contribué à l'exposition, dont le vernissage était initialement prévu mercredi pour la Journée internationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes organisée par l'ONU.

Mais lorsque les artistes sont arrivés devant la galerie qui devait accueillir leurs oeuvres, dans le centre de la capitale chinoise, ils n'ont trouvé que portes closes et personnel absent.

Le commissaire de l'exposition, Cui Guangxia, citant une source proche de la galerie, a déclaré à l'AFP que l'événement «n'a pas reçu l'autorisation des services compétents».

Le Bureau municipal de la culture de Pékin a assuré ne pas être responsable de sa supervision, et une employée de la galerie a indiqué à l'AFP que celle-ci fournissait uniquement l'espace pour l'exposition mais n'était pas impliquée dans son organisation.

Elle n'était pas en mesure de justifier les raisons de l'interdiction, indiquant que les oeuvres seront retournées aux artistes.

Les thèmes sensibles mis en avant - le féminisme et les violences domestiques - sont les raisons probables de l'annulation, selon M. Cui et les artistes participants.

Le Parti communiste au pouvoir ne tolère aucune remise en cause publique de son autorité, et ses structures contrôlent étroitement voire annulent des événements culturels, poursuivant ceux qui organisent des rassemblements non autorisés.

Début 2015, la police de Pékin avait emprisonné cinq militantes féministes qui prévoyaient de distribuer dans plusieurs villes dépliants et autocollants contre les violences conjugales.

Elles n'avaient été libérées que plus d'un mois plus tard, à la suite d'une forte mobilisation internationale.

Les restrictions se sont renforcées depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping il y a près de trois ans, assurent des artistes. Le principal festival de cinéma indépendant a ainsi été interdit ces deux dernières années.

Des participants à l'exposition annulée ont présenté à l'AFP des photographies montrant des oeuvres initialement destinées à être exposées, dont plusieurs peintures représentant des femmes pendues à des murs blancs.

Les violences domestiques touchent plus de 24% des familles chinoises, selon la Fédération des femmes de Chine, une organisation officielle.

«Notre exposition ne peut avoir lieu, mais notre attitude et notre point de vue restent inchangés», a souligné la critique d'art féministe Tong Yujie devant les artistes, qui tentaient de surmonter leur déception dans un restaurant de canard laqué proche de la galerie.

«Manger ensemble montre que l'exposition se poursuit encore... cette exposition a toujours une place dans l'histoire de l'art», a-t-elle ajouté, sous les applaudissements des convives.

Une page internet faisant la promotion de l'exposition annulée déclarait: «Nous vous invitons à soutenir, avec nous, la journée de l'ONU contre la violence à l'égard des femmes».

Le message ajoutait: «Si nous n'osons pas en parler, qui le fera?»