Photographe, vidéaste, peintre, sculpteur et designer, Rad Hourani est un penseur de l'esthétique. Une esthétique ouverte et universelle. Sa philosophie personnelle, la neutralité, combine promotion de l'individualité et ouverture aux autres. Amateur de cet artiste non conformiste, le collectionneur Pierre Trahan lui a ouvert toutes grandes les portes de son centre d'art l'Arsenal...

Quand la Chambre intersyndicale de la haute couture parisienne a invité Rad Hourani à présenter sa collection unisexe à Paris en 2013, la renommée du styliste québécois a atteint des sommets. Deux ans plus tard, bien des gens ne savent pas que la coqueluche de la haute couture est aussi un artiste qui a travaillé la photo et la vidéo avant même de tailler son premier vêtement.

Les arts visuels ont toujours fasciné Rad Hourani. C'est au secondaire, à Montréal, dans les années 1998-1999, qu'il a compris qu'il avait du talent dans ce domaine. «Ma prof d'art m'avait donné 96% et m'avait dit que c'était la première fois de sa carrière qu'elle donnait une note aussi haute à un élève, dit-il. À l'école, j'étais nul, sauf en mathématiques et en arts plastiques. Le cours d'arts est celui dans lequel j'étais le plus épanoui.»

Depuis, l'artiste surdoué a fait du chemin. Il a exposé ses oeuvres d'art au Centre Pompidou à Paris, au Tate Modern à Londres, à New York, aux Pays-Bas, au Danemark, à Hong Kong, Pékin, Tbilissi ou Dubaï. Fin 2013, il présentait au Centre Phi une expo sur cinq ans de création unisexe. Aujourd'hui, il est à l'Arsenal, car il voulait transmettre aux Montréalais sa philosophie de l'esthétique. «Je suis obsédé par l'esthétique, dit-il, et par une vie que je veux exprimer à travers plusieurs médiums.»

Création durant trois mois

Il a travaillé tout l'été dernier à la création d'une trentaine d'oeuvres qui résument ses réflexions menées depuis une dizaine d'années. Seize assistants dispersés dans huit ateliers ont participé à cette frénésie créatrice, sorte de rétrospective de ce qui anime Rad Hourani. Un homme qui imagine des façons de vêtir son prochain tout en élaborant les principes d'une vie harmonieuse sur Terre.

«L'objectif de l'exposition Neutralité est de rendre le monde neutre, d'en faire un monde idéal, selon moi bien sûr, dit-il. L'expo reflète, à partir de mes observations, ma façon d'être dans la vie.»

Ce concept de neutralité qui propose à chacun d'affirmer sa particularité tout en respectant son prochain, Rad Hourani l'explore dans ses créations unisexes (donc neutres) et l'a étendu à toutes les sphères de son activité personnelle.

Éliminer les codes

«Les jeunes, aujourd'hui, sont passés à autre chose que tous ces codes reliés au fait d'être un homme, une femme, un gai ou une lesbienne, dit Rad Hourani. Dans l'absolu, on peut tous incarner n'importe quelle orientation. Il n'y a pas de code dans mon monde neutre.»

Sa philosophie, Rad Hourani ne veut pas l'imposer. Il veut la présenter en espérant que des gens en partageront le bien-fondé. Il est loin de se sentir supérieur aux autres. Si l'on croit que les grands couturiers vivent dans un monde à part, inaccessible au commun des mortels, et rencontrant les grands de ce monde, Rad Hourani dit ne pas se sentir à l'aise avec cette image. Il veut affirmer sa différence et sa simplicité.

«Vous savez, je sais d'où je viens et, selon moi, on est tous égaux, dit-il. Les gens me disent souvent: «C'est fou que tu fasses toutes ces choses-là!» Je leur réponds qu'ils sont tout aussi capables de créer et qu'il n'y a pas de différence entre eux et moi. Tout est possible.»

Né d'un père jordanien et d'une mère syrienne, Rad Hourani est arrivé à Montréal avec sa famille à l'âge de 16 ans. C'est dans la métropole qu'il s'est forgé cette identité où le goût du beau se marie à une grande humanité. «Pour moi, c'est très important de savoir que l'on est tous pareils», répète-t-il.

Ne pas étiqueter

L'exposition Neutralité présente ainsi toutes les facettes de son identité. Ses goûts pour la sculpture, la peinture, la vidéo, l'installation, l'architecture, le design, le cinéma et la photographie y sont exprimés.

«Je suis vraiment tout ça à la fois, dit-il. Un peu peintre, un peu architecte, un peu photographe, un peu designer. Depuis 2003, j'ai toujours refusé qu'on me mette une étiquette. Ma forme d'art est d'éliminer toutes les limites. Et je les élimine pour le genre, pour la classe sociale, pour la race, la nationalité ou la religion.»

Le monde, Rad Hourani le souhaite plus humain. Il y investit toute son âme. C'est particulièrement évident quand il l'exprime.

«L'être humain me touche de plus en plus, dit-il, la gorge serrée. J'en deviens ému! Je veux créer quelque chose qui touche les gens plutôt que d'investir dans une sorte de statut social de la haute couture. Ce qu'on porte sur soi doit refléter notre personnalité, notre façon d'être. J'essaie de contribuer à une société où le mode de vie ne soit pas juste sain, mais puisse réveiller quelque chose en nous et nous inviter à nous poser des questions, que ce soit sur la pollution, sur la division entre les gens ou sur le racisme. J'aime l'ouverture d'esprit.»