Mené avec brio par Annie Gauthier, actuelle directrice du Musée d'art de Joliette, le projet de rénovation de l'institution avait démarré en 2006 avec l'ex-directrice Gaëtane Verna. Mme Verna, qui a pris les rênes de la galerie Power Plant à Toronto en 2012, est heureuse aujourd'hui que ce projet ait abouti.

Très occupée, Gaëtane Verna n'a pas encore eu le temps de se rendre dans Lanaudière pour constater la métamorphose du Musée d'art de Joliette (MAJ) qu'elle avait programmée. Très prise par sa galerie torontoise, elle s'apprêtait à décoller pour l'Europe le jour où La Presse l'a jointe au téléphone. Mais de toute façon, elle préfère rester discrète pour ne pas avoir l'air de porter un jugement sur le résultat final.

Cela dit, elle avoue sans ambages qu'elle aurait «sûrement fait différemment». «Je ne suis peut-être pas en vogue, dit-elle, mais mon idée première était de conserver l'architecture brutaliste qu'avait choisie le père Wilfrid Corbeil, qui aimait beaucoup Le Corbusier. Mais l'important, c'est que les gens de Joliette soient fiers de leur institution. Et ça semble être le cas.»

Concours de circonstances

La rénovation du MAJ n'était pas un projet purement esthétique, rappelle-t-elle. «Dès que je suis arrivée en 2006, j'ai appris que le toit coulait et, en même temps, que le ministère de la Culture pouvait donner des subventions pour réaménager les collections permanentes des musées.»

Or, le MAJ devait réaménager sa collection de 8500 oeuvres d'art canadien, européen, contemporain et archéologique. «J'ai alors mis sur pied un comité scientifique avec des personnalités de l'art comme Didier Prioul, Anne-Marie Ninacs, Laurier Lacroix ou Johanne Chagnon» , dit-elle.

«On a réussi à prouver par A + B qu'on avait une collection de qualité qu'il fallait préserver.»

«Il fallait aussi créer un catalogue de la collection, en faire un objet de recherches et raconter comment elle s'était constituée», poursuit Mme Verna.

Gaëtane Verna savait aussi que les oeuvres majeures de la collection du MAJ faisaient partie du dépôt des clercs de Saint-Viateur, prévu pour 100 ans. «Comme les clercs vieillissaient, je me demandais si on allait perdre des oeuvres, car on n'avait pas les moyens de les racheter, dit-elle. On a travaillé avec les clercs et la communauté pour voir comment on pouvait valoriser certaines oeuvres et rendre les autres. Finalement, une partie du dépôt a été par la suite transformée en don.»

Pas de partisanerie

L'ex-directrice ajoute que la rénovation a aussi été rendue possible grâce à la convergence d'esprit de politiciens de différents partis. «Michelle Courchesne (PLQ) et Véronique Hivon (PQ), notamment, poussaient dans le même sens, sans partisanerie, dit-elle. J'étais ravie. Du coup, même si on m'offrait des postes ailleurs à ce moment-là, je ne voulais pas partir. Le projet me tenait à coeur. Quand je suis finalement partie en 2012, je savais qu'il était entre de bonnes mains.»

Gaëtane Verna dit avoir «beaucoup aimé» le MAJ et les gens de Joliette. «Quand je suis arrivée à Toronto et que je leur ai dit que le grand Joliette - la ville et les municipalités autour, soit 42 000 personnes - allait donner plus de 1 million pour la rénovation, je leur faisais remarquer que ce n'est pas à Toronto que les gens donneraient un tel montant à une institution! À Joliette, les gens ont été capables de se rallier à un projet intellectuellement stimulant.»

Geneviève Cadieux

L'exposition inaugurale de Geneviève Cadieux, qui consacre le «nouveau» MAJ, est aussi une idée de Gaëtane Verna. «Je trouvais que Geneviève ayant un rayonnement international incroyable, c'était bizarre qu'il n'y ait pas de catalogue sur son travail et intéressant de faire un projet de fond avec un savant mélange entre le passé et le présent, dit-elle. Je savais que [le commissaire] Vincent Bonin avait la capacité intellectuelle d'aller à la rencontre de son oeuvre. J'ai hâte de voir l'expo.»

Power Plant Gallery

Aujourd'hui, Gaëtane Verna entretient à Toronto sa fascination pour les artistes du Canada et d'ailleurs. L'hiver prochain, elle exposera les oeuvres de La nuit politique d'Aude Moreau - qu'on a vues au printemps dernier à la galerie de l'UQAM - ainsi que Les temps inachevés, de Patrick Bernatchez, en vedette dès samedi au Musée d'art contemporain de Montréal.

«On présente jusqu'au 3 janvier de nouvelles oeuvres de l'artiste espagnole Dora Garcia, dont une sur la notion d'exil, très à propos avec tout ce qui se passe en Syrie et en Europe. On expose aussi le travail urbanistique du Canadien Mark Lewis, dont le travail a été présenté à la Biennale de São Paulo. Et des sculptures de papillons du Mexicain Carlos Amorales, une oeuvre expérientielle magnifique qui parle d'environnement et de transformation des espaces industriels.»

Quelques artistes de la collection du MAJ

Art canadien: Alfred Laliberté, Paul-Émile Borduas, Adrien Hébert, Marc-Aurèle Fortin, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté, Ozias Leduc, Edwin Holgate, J.E.H. MacDonald, Emily Carr, Jacques de Tonnancour.

Art contemporain: Guido Molinari, Alfred Pellan, Armand Vaillancourt, Gabor Szilasi, Marion Wagschal, Geneviève Cadieux, Raymonde April, Nicolas Baier, Jérôme Fortin, Isabelle Hayeur, Adad Hannah. 

Art européen: Auguste Rodin, Eadweard Muybridge, Antoni Tàpies, Niki de Saint-Phalle, Joseph Beuys, Alighiero Boetti et des pièces européennes, notamment religieuses, du XII e au XX e siècle.